SwissPowerShift : Avenir et fêtes de fin d'année
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Entretien avec Katrin Wohlwend, responsable de la communication sur la durabilité à Banque Alternative Suisse.
Ce mois de décembre se profile comme celui de la finance « verte ». Ce thème était au cœur de Building Bridges à Genève, un événement majeur qui a rassemblé la semaine passée des conférenciers venus des quatre coins du globe. L'édition 2024 s'est tenue dans un contexte particulièrement complexe, car la finance verte n'a pas trop le vent en poupe de nos jours. Derrière les beaux discours, les actes apparaissent parfois moins glorieux.
Après un déclin des investissements durables observé aux États-Unis en début d'année, la Suisse fait face à un ralentissement similaire. Un institut de recherche en finance basé à Zoug a constaté que la croissance des flux financiers en faveur des fonds de placement respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) n'était actuellement plus suffisante pour rattraper celle des fonds traditionnels. Durant l'automne, la plateforme spécialisée Hazeltree révélait également que les plus grands hedge funds mondiaux préféraient parier contre les technologies « vertes » et le développement durable, tout en investissant à long terme dans les énergies fossiles.
Compte tenu du contexte, nous avons jugé opportun d'interroger les acteurs - petits et grands - de la finance sur leur relation à l'investissement durable. Les réponses de Katrin Wohlwend, responsable de la communication sur la durabilité à Banque Alternative Suisse.
Quelle est votre approche par rapport à la finance dite verte ?
Depuis près de 30 ans, Banque Alternative Suisse (BAS) se consacre à la durabilité sociale et écologique dans l'ensemble de son modèle d'affaires. Cela implique que la durabilité est intégrée non seulement dans certains produits, mais dans tous nos secteurs d'activité. Nous appliquons des critères d'exclusion stricts et promouvons neuf domaines spécifiques pour encourager cette durabilité.
À notre avis, la finance verte ou durable se concentre encore trop exclusivement sur les produits individuels, négligeant les modèles d'affaires. Dans nos analyses de durabilité des entreprises et des banques, nous évaluons, par exemple, la part du chiffre d'affaires et des recettes générée par les offres durables. Enfin pour autant que ces informations soient disponibles.
Si l'on se contente du pur « volontariat », seuls les acteurs intrinsèquement motivés réagiront, ce qui constitue probablement une minorité. Un renoncement volontaire à un rendement « légal » va à l'encontre de la logique du marché libre.
Quelle est votre réaction quand vous entendez qu'une grande majorité des hedge funds préfère shorter leurs positions sur les énergies renouvelables au profit des énergies fossiles ?
Depuis la fondation de la banque, nous excluons les investissements dans les entreprises du secteur des énergies fossiles ainsi que celles leur accordant des crédits. Nous espérons que tous les autres acteurs du secteur financier adopteront la même attitude. Dans cette logique, nous avons signé le Fossil Fuel Non Proliferation Treaty Initiative, cette campagne en faveur d'un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Cette dernière vise à stopper, dans un premier temps, les nouvelles transactions entre le monde financier et les entreprises actives dans les énergies fossiles.
Afin de nuancer un peu le propos, il est important de souligner que les hedge funds représentent une partie du marché. En élargissant la question à l'ensemble des acteurs et produits du monde financier, on obtient une image heureusement plus nuancée. Toutes les banques ne se concentrent pas sur ces fonds spéculant sur les sources d'énergie polluantes, loin s'en faut.
Comment adapter ses investissements dans une réalité aussi ambiguë ?
Nous essayons d'éviter autant que possible de coopérer avec des acteurs qui ne respectent pas nos critères d'exclusion. Cela s'applique aussi bien aux entreprises de notre univers de placement qu'aux partenaires commerciaux, aux fournisseurs, etc. Banque Alternative Suisse se concentre fortement sur ses réseaux internationaux de banques fondées sur les valeurs, comme la Global Alliance for Banking on Values (GABV). Nous coopérons également avec d'autres banques partageant nos valeurs, notamment par le biais de participations et le financement commun de projets durables.
Cette actualité soulève une question fondamentale : le secteur financier est-il réellement prêt à sacrifier une partie de sa rentabilité pour le bien de la planète ?
De notre point de vue, le secteur financier demeure principalement orienté vers la maximisation des profits. Une véritable orientation vers une économie de suffisance et l'autolimitation qui en découle reste rare.
Pour nous non plus, il n'y a actuellement aucun signe indiquant un changement fondamental. Il serait nécessaire que la législation, le public ainsi que la clientèle privée et institutionnelle fassent pression sur ces acteurs. Si l'on se contente du pur « volontariat », seuls les acteurs intrinsèquement motivés réagiront, ce qui constitue probablement une minorité. Un renoncement volontaire à un rendement « légal » va à l'encontre de la logique du marché libre.
Malgré tout, on constate une intégration progressive des enjeux liés à la durabilité. Certes, cela peut parfois mener à des situations de greenwashing. Bien que la vitesse et les ambitions varient d'un acteur à l'autre, des efforts réels et sérieux sont observés en vue d'une durabilité accrue.
Trop souvent, les mesures ESG se concentrent sur les processus (systèmes de gestion, politiques, processus de fabrication) plutôt que sur les produits finaux.
Les critères ESG peinent de plus en plus à convaincre, faut-il en urgence établir de nouveaux standards ?
De notre point de vue, les problèmes majeurs ne résident pas dans les critères ESG eux-mêmes, mais dans leur application. Trop souvent, les mesures se concentrent sur les processus (systèmes de gestion, politiques, processus de fabrication) plutôt que sur les produits finaux.
Par exemple, un fabricant de véhicules à combustion peut obtenir des points ESG pour des processus de production durables (comme la réduction des émissions lors de la fabrication), même si le produit final reste nocif pour le climat. Il est aussi regrettable que les entreprises du secteur fossile puissent améliorer leurs scores ESG grâce à une meilleure gouvernance ou la mise en place de projets sociaux, tout en continuant à extraire et vendre des combustibles fossiles.
À cela s'ajoute la question de la transparence. Elle requiert des normes uniformes pour l'application des notations ESG. Ces normes sont essentielles pour permettre aux investisseurs de comprendre clairement l'approche adoptée par une entreprise en termes de durabilité. Chez Banque Alternative Suisse, nous portons une attention particulière à l'impact des produits, à la transparence sur la manière dont les notations ESG ont été obtenues, ainsi qu'à l'approche adoptée par les différents fournisseurs des entreprises évaluées.
Précisons enfin qu'aucune évaluation, qu'elle soit en termes de durabilité ou de réflexions éthiques, ne peut se passer de critères. Il y aura probablement toujours des négociations sur les critères à utiliser, leur pondération, etc. Dans notre évaluation de durabilité, nous préférons nous concentrer sur les produits finaux et nous demander d'abord si le produit est « souhaitable » du point de vue de la durabilité, tout en reconnaissant la complexité de telles évaluations.