« Supprimer les subventions soulèverait un problème démocratique et institutionnel »
Entretien avec Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière
Entretien avec Stéphane Maret, directeur général des FMV
Chaque mois, nous interrogeons différents secteurs et professions sur des thématiques spécifiques. Pour ce mois d'octobre, la parole est donnée aux fournisseurs d'énergie concernant la politique énergétique de la Suisse.
Les réponses de Stéphane Maret, directeur général des FMV.
Le Parlement et le Conseil fédéral se concentrent sur l’augmentation de l’énergie renouvelable en Suisse, mais ne faudrait-il pas plutôt encourager la modernisation du réseau ainsi que l'amélioration du stockage de l’énergie ?
Il faut faire les deux. La modernisation du réseau et le stockage de l’énergie sont aussi cruciaux l'un que l'autre pour accompagner l’essor des énergies renouvelables. La modification de la Loi sur l’énergie et de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (Mantelerlass), adoptée le 9 juin dernier par le peuple suisse contient à cet effet des dispositions qui encouragent la modernisation du réseau ainsi que le stockage de l’électricité.
Ces mesures concernent, par exemple la participation de la population à des communautés électriques locales avec des possibilités de charges bidirectionnelles ou le renforcement du système électrique via l’intégration d’accumulateurs décentralisés. Ces dispositions contenues dans le paquet de mesures du Mantelerlass existent et sont mises en œuvre, mais elles sont simplement moins connues du grand public ou moins médiatisées.
N’est-il pas choquant que la Confédération envisage de brider la production solaire parce que le réseau n’est pas suffisamment adapté pour absorber toute cette énergie ?
Les mesures d’accompagnement du réseau sont nécessaires et transitoires. Si vous faites référence aux conditions-cadre pour une extension intelligente du réseau électrique qui intègrent la limitation d’injection dans le réseau par des installations photovoltaïques, il convient de souligner que cette mesure tient compte de la réalité des lois de la physique propre à l’électricité qui exige un équilibre permanent entre les volumes de production injectés dans les réseaux et les soutirages des consommateurs, ménages et entreprises.
Si cet équilibre est rompu, le risque de blackout survient avec les conséquences en cascade imaginables. La sécurité et la stabilité du réseau doit rester une priorité. La Suisse et l’Europe ont connu un développement réjouissant mais exponentiel des productions renouvelables dépendantes de la météo, dont la production photovoltaïque. Réaliser un projet de panneaux solaires sur le bâti existant est relativement aisé. En revanche, renforcer un réseau électrique s’avère nettement plus contraignant en termes de procédures administratives et d’analyses techniques, en particulier dans le domaine des effets en cascade sur les différents niveaux de réseaux situés en amont ou en aval (THT, HT, MT, BT). Il est donc essentiel que les efforts de développement soient coordonnés.
Réaliser un projet de panneaux solaires sur le bâti existant est relativement aisé. En revanche, renforcer un réseau électrique s’avère nettement plus contraignant.
La réalité économique de l’électricité ne dit pas autre chose que la réalité physique : le développement exponentiel du photovoltaïque non seulement en Suisse mais aussi dans toute l’Europe provoque aujourd’hui des excédents de production à certaines périodes de la journée et de l’année avec pour conséquence des prix négatifs sur les marchés.
Dans ce contexte de grands changements, une période d’ajustements transitoires est incontournable. Et la prise de conscience et de décision a eu lieu chez les distributeurs suprarégionaux pour ne citer qu’eux : rien qu’en Valais, des investissements de l’ordre de 300 millions de francs sur dix ans sont prévus sur le seul réseau haute tension (65 kV) de la société Valgrid qui met tout en œuvre pour répondre aux défis énergétique de la Suisse.
En tant que producteur et distributeur, quelles sont vos attentes à l'égard des pouvoirs publics pour sortir de cette impasse ?
Il ne s’agit pas d’une impasse. Comme expliqué, nous sommes dans une phase de changements énormes. Mais si les problèmes engendrés sont perturbants, ils sont temporaires. Cela dit, FMV est active dans la production hydroélectrique et les projets photovoltaïques alpins (PVA). Notre mission première consiste à contribuer à l’augmentation de la production hivernale via les projets d’extension de la force hydraulique et de PVA, conformément aux objectifs de la stratégie énergétique.
En revanche, nous n'avons pas pour mission de développer le photovoltaïque auprès des clients finaux captifs, c’est le rôle des distributeurs locaux/régionaux qui eux ont une relation directe avec les clients finaux qui deviennent aujourd’hui des « prosumer ». Dans ces conditions, nous ne sommes pas les mieux placés pour répondre à votre question et ne pouvons formuler des attentes particulières.
Selon votre expérience, les objectifs fixés par les politiques en matière de transition énergétique sont-ils toujours réalistes, atteignables ou, au contraire, encore très hypothétiques ?
FMV est alignée sur la stratégie énergétique 2050 de la Suisse. Les objectifs fixés sont ambitieux et réalisables si l’ensemble des acteurs collabore efficacement. Le consensus politique est établi, la volonté populaire s’est exprimée le 9 juin dernier, les voies de recours subsistent. Le Mantelerlass prévoit de nouvelles dispositions.
À voir à l’usage si elles seront suffisantes, par exemple en matière d’investissements qui devront être conséquents et soutenus sur la durée ou en matière de simplification des procédures. De notre point de vue, l’enjeu majeur des prochaines décennies à consiste à combler le déficit de production hivernale indigène qui se profile et nos projets vont dans ce sens. Aujourd’hui, les signaux semblent au vert pour que les permis de construire des projets soient délivrés dans des délais raisonnables, une fois les oppositions traitées.