« Supprimer les subventions soulèverait un problème démocratique et institutionnel »

Entretien avec Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière

« Supprimer les subventions soulèverait un problème démocratique et institutionnel »
Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière

Chaque mois, nous interrogeons différents secteurs et professions sur des thématiques spécifiques.

Pour ce mois de novembre, nous sommes aller toquer à la porte des promoteurs et grands groupes immobiliers pour avoir leur point de vue sur une thématique particulièrement sensible ces jours à Berne : celle des subventions destinées à l'assainissement des bâtiments.

Les réponses d'Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière.

Un groupe d’experts nommé par le Conseil Fédéral propose de réduire drastiquement les subventions pour l'assainissement des bâtiments. Comment accueillez-vous cette idée ?

En tant que secrétaire général de la Fédération romande immobilière, je ne peux guère adhérer aux propositions du groupe d’experts. La Confédération ne cesse d’affirmer que la transition énergétique est prioritaire et souhaite que notre pays atteigne les objectifs de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Or, en la matière, le secteur du bâtiment à un rôle déterminant à jouer.

Lors de la votation du mois de juin 2021, le peuple a rejeté la révision de la Loi sur le CO2 au motif que celle-ci comprenait trop de taxes et de contraintes. Le Parlement s’est alors remis au travail et a développé plusieurs instruments axés sur l’incitation. Les propositions du groupe d’experts reviennent à anéantir une bonne partie de ces instruments alors qu’ils ont été avalisés récemment par les Chambres fédérales voire par le peuple. Celui-ci a en effet accepté lors du scrutin du mois de juin 2023, à 59%, la Loi sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique (LCI). 

Cette loi prévoit notamment que la Confédération, par le biais de son budget, finance à hauteur de 200 millions par année sur dix ans un programme d’encouragement du remplacement des installations de chauffage électrique et à combustion (mazout, gaz, etc.). Dans les faits, le groupe d’experts préconise à présent la suppression de ce programme d’encouragement. Cela soulève à l’évidence aussi un problème démocratique et institutionnel. 

Les experts argumentent que la plupart des solutions pour assainir sont déjà rentables et que, dans ce cas, les subventions ne font plus sens. Cet argument vous semble-t-il valable ?

Le groupe d’experts considère en effet dans son rapport qu’il « faudrait réduire au minimum les versements de contributions financières aux particuliers, aux propriétaires d’immeubles et aux entreprises ». Il ajoute, dans un charabia technocratique difficilement compréhensible, que « la redistribution de contributions aux propriétaires d’immeubles implique des effets régressifs sous l’angle de la politique de répartition ». Il finit par s’en prendre aux branches économiques, dont l’intérêt aux contributions incitatives en matière énergétique est tel qu’il est « rentable pour elles d’exercer un lobbying efficace ».

En ma qualité de secrétaire général de la Fédération romande immobilière, ce verbiage me semble dépourvu de sens. Le Parlement a tenu à combiner plusieurs mesures incitatives afin de stimuler la rénovation énergétique des immeubles. Il y a des mesures fiscales, des subventions, des aspects juridiques liés au droit du bail, etc. Sur le terrain, on sent à quel point la combinaison de ces instruments d’encouragement peut être décisive pour déclencher la décision des propriétaires privés de rénover une maison ou un immeuble.

Ces mesures fédérales sont, du reste, complétées par des dispositifs additionnels dans de nombreux cantons. Le projet de révision de la Loi cantonale vaudoise sur l’énergie, que le Conseil d’Etat a récemment transmis au Grand Conseil, s’appuie expressément sur les instruments récemment adoptés par le Parlement fédéral, instruments que le groupe d’experts propose à présent de partiellement supprimer.

Le Parlement a tenu à combiner plusieurs mesures incitatives afin de stimuler la rénovation énergétique des immeubles. Il y a des mesures fiscales, des subventions, des aspects juridiques liés au droit du bail, etc. Sur le terrain, on sent à quel point la combinaison de ces instruments d’encouragement peut être décisive

Sans ces subventions, faut-il redouter une forte hausse de la facture pour les locataires ?

Les règles concernant la participation financière des locataires aux travaux de rénovation énergétique sont clairement établies dans l’OBLF, l’ordonnance fédérale sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux.

Le premier principe, c’est que les frais de rénovation énergétique peuvent être répercutés à 100% sur les loyers alors que les autres travaux à plus-value, sans composante énergétique, ne peuvent être répercutés que dans une fourchette allant de 50 à 70%.

Le second principe, c’est que la part des frais de rénovation énergétique financée par des contributions étatiques ne peut pas être répercutée sur les loyers, ce qui relève d’ailleurs du bon sens. Il faut être clair : moins de subventions versées pour la rénovation énergétique des immeubles locatifs signifie davantage d’augmentations potentielles de loyers.

Est-ce que cela pourrait mettre en péril les objectifs de neutralité carbone de 2050 de la Suisse ?

Les objectifs à atteindre en 2050 en matière d’émission de CO2 sont ambitieux en tant que tels. Ils le sont d’autant plus dans les circonstances géopolitiques actuelles, dans un monde de plus en plus instable, avec les Etats-Unis et la Chine qui se livrent une guerre économique et multiplient les mesures protectionnistes et une Europe qui cherche à résister à son déclin.

Si dans ce contexte la Confédération se met à supprimer des mesures incitatives dans le domaine du bâtiment récemment avalisées par le Parlement, j’ai le sentiment qu’il deviendra illusoire d’atteindre les buts fixés en 2050. 

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