Énergie fatale : Que faire des surplus croissants en été ?

Intermittentes et non pilotables, Les énergies renouvelables peuvent entraîner des variations soudaines et importantes de la production, créant des déséquilibres entre l’offre et la demande sur le réseau électrique.

Énergie fatale : Que faire des surplus croissants en été ?
« L'énergie fatale » provient de sources renouvelables intermittentes — comme le solaire ou l’éolien — mais qui ne peut être utilisée, faute de demande ou de capacités de stockage suffisantes.

Dans le cadre de la transition énergétique en cours, un problème revient systématiquement parmi les préoccupations des acteurs du secteur : que faire des surplus d’énergie solaire, particulièrement fréquents lors des pics estivaux ? Le développement rapide du photovoltaïque pose un véritable défi de gestion en raison de son caractère aléatoire.

Les énergies renouvelables sont en effet intermittentes et non pilotables, leur production étant tributaire de conditions météorologiques souvent incertaines. Cela peut entraîner des variations soudaines et importantes de la production, créant des déséquilibres entre l’offre et la demande sur le réseau électrique. Cette situation constitue un véritable défi pour l’intégration des énergies renouvelables, nécessitant des solutions de flexibilité adaptées afin d’assurer un approvisionnement électrique stable, équilibré et fiable.

À ce stade, aucune solution réellement optimale n’a encore émergé pour absorber ces volumes massifs d’électricité produits en été. En cas de production excédentaire et faute d’une demande suffisante, cette électricité doit être évacuée, voire détruite. On parle alors « d’énergie fatale », c’est-à-dire d’énergie produite mais non valorisée.

L’écrêtage des installations

L’un des principaux enjeux se situe au niveau des réseaux. En Suisse, ils ne sont pas encore suffisamment adaptés pour absorber les volumes croissants d’électricité solaire. Fortement sollicités, ils devront être développés et renforcés en fonction des futurs besoins, — une adaptation coûteuse, les dépenses annuelles étant susceptibles de plus que doubler d’ici 2050, passant de 4 à 9 milliards de francs par an.

L’une des options de plus en plus sérieuse à l’étude résulte dans l'écrêtage des installations. « Rien que l’écrêtage de 3 % de la production annuelle des installations PV entraîne une réduction des coûts », indique l’AES. Dans sa forme statique — consistant à limiter en permanence la production à un certain pourcentage de la puissance installée — cette mesure permettrait déjà d’économiser 2 milliards de francs d’ici 2050. Et en cas d’écrêtage en fonction de la demande, aussi dit dynamique, on parle de coûts réduits d’un demi-milliard en plus.

« L'Overflow est un appareil qui, une fois connecté au réseau électrique, permet de régler le réseau tout en valorisant l'énergie fatale en chaleur », explique Luca Juillerat, Ventures builder chez Romande Energie.

Transformer l’électricité en chaleur

« Cette option consistant à brider les installations n’est clairement pas optimale, car elle revient à mettre de l’énergie à la poubelle », déplore Luca Juillerat, Ventures builder chez Romande Energie. Avec son employeur, il a souhaité donner une seconde vie à cette énergie fatale.

Ces derniers mois, il a ainsi développé une solution baptisée Overflow. « Il s’agit d’un appareil qui, une fois connecté au réseau électrique, permet de régler le réseau tout en valorisant l'énergie fatale en chaleur. Décarbonée, cette chaleur peut ensuite être utilisée par des infrastructures telles que les piscines publiques, les bains thermaux, les serres agricoles ou encore des industries fortement consommatrices de chaleur, comme les cimenteries », explique-t-il.

Avec le soutien de Swissgrid, Romande Énergie entend contribuer à renforcer la flexibilité nécessaire à l’intégration des énergies renouvelables, et à éviter une destruction excessive d’énergie fatale.

Défi du stockage

La conversion de l’électricité excédentaire en chaleur représente une solution parmi d’autres actuellement explorées dans le domaine du stockage — un levier stratégique en Suisse, notamment pour faire face aux mois d’hiver durant lesquels le pays reste structurellement déficitaire et dépendant des importations d’électricité.

L’alternative la plus sérieusement envisagée repose sur les batteries. À ce jour, les technologies disponibles, notamment les batteries lithium-ion — les plus répandues en Suisse — offrent des solutions à court terme, mais restent coûteuses.

Les véhicules électriques pourraient également jouer un rôle important dans le stockage, à condition que les infrastructures évoluent pour permettre la recharge bidirectionnelle, c’est-à-dire la possibilité pour les voitures de restituer de l’électricité au réseau lorsqu’elles ne sont pas utilisées.

Pour les besoins de stockage à long terme, l’hydrogène constitue une piste prometteuse, en particulier dans sa version dite « verte », produite à partir d’énergies renouvelables — contrairement à l’hydrogène « gris », encore largement dominant, issu d’énergies fossiles.

L’hydrogène pourrait contribuer à renforcer la sécurité de l’approvisionnement énergétique. « Il peut être utilisé pour produire de l’électricité et alimenter le réseau en courant neutre en CO₂ pendant l’hiver, lorsque la situation d’approvisionnement est tendue », soulignent les experts dans un rapport de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) publié fin 2024.

Cependant, l’un des principaux obstacles réside dans son faible rendement global : une part importante de l’énergie est perdue entre sa production, son stockage et sa reconversion en électricité. À cela s’ajoutent les défis logistiques liés à son transport, en raison de sa légèreté, de son inflammabilité, et des pressions élevées nécessaires pour le stocker et le déplacer en toute sécurité.

Appelées Communautés d’Énergie Locale (CEL) ou Regroupements pour la Consommation Propre (RCP), ces structures permettent de mutualiser la production d’électricité entre plusieurs foyers ou bâtiments. DR

Communautés solaires

Finalement, la meilleure solution pour l’avenir énergétique suisse pourrait tout simplement se situer à une échelle non plus nationale, mais locale. Appelées Communautés d’Énergie Locale (CEL) ou Regroupements pour la Consommation Propre (RCP), ces structures permettent de mutualiser la production d’électricité entre plusieurs foyers ou bâtiments et d’optimiser l’utilisation de l’énergie solaire à proximité immédiate de sa production. Cette approche favorise l’autoconsommation collective et contribue à lisser les pics de production.

Si ces initiatives restent encore peu répandues en Suisse, il existe toutefois déjà quelques exemples notables comme la Bourse Solaire participative de Renens. Cette dernière permet aux habitants de financer collectivement des installations photovoltaïques sur des toitures locales, même s’ils ne possèdent pas eux-mêmes de toit.

Autre exemple concret, à Lugaggia, au Tessin, où une communauté d’autoconsommation regroupe 18 maisons équipées de panneaux solaires, de pompes à chaleur et d’une batterie partagée. L’ensemble est piloté par une technologie blockchain, permettant d’optimiser la gestion énergétique locale.

Ces projets démontrent que les communautés solaires offrent une solution concrète pour renforcer l’autonomie énergétique, impliquer les citoyens et accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Avec l’amélioration du cadre légal — les CEL seront autorisées en 2026 —, on peut s’attendre à une généralisation progressive de ces initiatives dans les années à venir.

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