« Supprimer les subventions soulèverait un problème démocratique et institutionnel »
Entretien avec Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière
L’Europe a besoin d’un sursaut politique et technologique pour préserver son niveau de vie. La transition écologique peut être le déclencheur du renouveau.
L’économie européenne a décroché. Nombre d’indicateurs sont inquiétants. Le Vieux-Continent ne serait plus «compétitif» face aux géants américain et chinois. «Au cours des trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, l’Europe occidentale a rattrapé les États-Unis en termes de PIB par habitant. Mais depuis le milieu des années 90, cette tendance s'est inversée. Les États-Unis progressent deux fois plus vite que l'Europe», résument les économistes Philippe Aghion, Mathias Dewatripont et le Prix Nobel d’économie Jean Tirole (Project Syndicate).
À la demande de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, deux anciens premiers ministres italiens, Mario Draghi et Enrico Letta, ont cherché les causes et les remèdes à ce décrochage. Leurs rapports pointent les faiblesses d’un marché unique partiellement intégré mais non abouti, une insuffisance de financement de la recherche privée et publique, un marché des capitaux fragmenté, l’absence d’une concurrence efficace et une tendance à surréglementer sans anticiper les nouveaux enjeux géopolitiques.
Comme le souligne Charles Wyplosz (Telos), la présidente de la Commission européenne sait que le plan d’investissements – et ses 800 milliards d’euros – recommandé par Mario Draghi pour relancer et stimuler l’économie européenne a peu de chances d’être accepté par une majorité des États membres. Face à une impasse prévisible, elle explore d’autres marges de manœuvre budgétaire en voulant fusionner certains fonds existants, comme ceux alloués à la politique agricole et régionale. Une démarche légitime mais qui se heurte au souverainisme ambiant qui barre la route à une plus forte intégration européenne.
C’est tout le paradoxe: l’UE est riche mais gaspille ses ressources en soutenant des secteurs déclinants et n’investit pas assez dans les domaines porteurs d’avenir.
Les propositions faites par Mario Draghi et Enrico Letta ont suscité très peu d’intérêt dans les grands médias généralistes. Dommage, car elles témoignent de l’urgence à réformer les institutions européennes et à lever les obstacles qui minent le potentiel de croissance de l’UE, un espace économique pourtant largement excédentaire dans ses échanges avec le reste du monde et disposant d’une épargne privée considérable. C’est tout le paradoxe: l’UE est riche mais gaspille ses ressources en soutenant des secteurs déclinants et n’investit pas assez dans les domaines porteurs d’avenir.
Des experts de la recherche européenne, qui conseillent la Commission, partagent ce constat alarmant et en tirent des conclusions radicales. Dans un rapport récent, ils préconisent la création d'un Conseil indépendant pour la compétitivité industrielle et technologique, ainsi qu'un Conseil européen des défis de société pour piloter la recherche collaborative. Selon le site Science Business, ces experts demandent «que le budget global de la recherche et de l’innovation passe de 93,5 à 220 milliards d’euros, dans le cadre d’un effort majeur visant à regagner la compétitivité perdue de l’Europe».