SwissPowerShift : Avenir et fêtes de fin d'année
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La Chine fait la course en tête. Mais tout n’est pas joué, pour autant que l’Europe et les États-Unis investissent dans les solutions d’avenir.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a probablement raison. Les technologies vertes, en particulier six d’entre elles (énergie photovoltaïque, éolien, voiture électrique, batteries, électrolyseurs et pompes à chaleur) seront le moteur de la révolution industrielle du XXIe siècle.
Dans une étude récente, l’AIE montre que ces six secteurs, qui pesaient 700 milliards de dollars en 2023, atteindront plus de 2000 milliards en 2035, « soit une valeur proche du marché mondial du pétrole brut ». Les ventes et achats des technologies propres représentent d’ores et déjà l’équivalent de la moitié du commerce mondial de gaz.
Les prévisions ce l'AIE ci-dessous en tableau.
La Chine domine la scène industrielle, avec des parts de marché atteignant entre 70 à 90 % de ces technologies d’avenir. Si la politique européenne et les plans d’investissement de Joe Biden devraient ébranler la suprématie chinoise, la Chine parviendra toutefois à maintenir une part de marché d’environ 50 %, selon les experts de l’AIE ; l’Europe et les États-Unis se partageront chacun un quart du gâteau.
La Chine part de très loin. Elle a plus de dix ans d’avance dans sa transition énergétique et dispose d’une formidable base industrielle. Selon l’AIE toujours, les exportations de technologies propres de la Chine devraient dépasser 340 milliards en 2035, ce qui équivaut à peu près aux recettes d’exportation projetées du pétrole pour l’Arabie saoudite et les Émirats réunis en 2024 !
Et, rien que cette année, la Chine vient d’inaugurer une nouvelle usine de fabrication de cellules solaires dont la capacité de production équivaut aux besoins de toute l’Europe…
Bien sûr, Washington et Bruxelles tentent de se protéger en augmentant les taxes à la frontière, notamment sur les batteries et les voitures en provenance de Chine. Si ces mesures protectionnistes font aujourd’hui la une de l’actualité, leur efficacité est mise en doute par de nombreux experts.
« L’essor technologique de la Chine ne sera pas entravé, et ne sera peut-être même pas ralenti, par les restrictions américaines », selon Adam Posen, président du Peterson Institute for International Economics, un institut basé à Washington qui mène des recherches pour les gouvernements et les banques centrales du monde entier.
La Chine n’est pas seulement compétitive en termes de coûts salariaux mais maîtrise chaque étape de fabrication, de la matière brute aux produits finis. Aucun autre État du monde n’a autant investi en R&D que Pékin.
On l’a oublié, la Chine s’est lancée dans la course aux voitures électriques en 2001 déjà. Pour la première génération des batteries au lithium pour voiture, l’Empire du Milieu dispose de tous les brevets et d’un savoir-faire inégalé. Les tarifs douaniers ne semblent pas l’impressionner.
Ainsi, le premier producteur mondial de véhicules électriques BYD prévoit que ses livraisons à l'étranger représenteront bientôt près de la moitié de ses ventes totales. « Ce qui suggère qu'il ne considère pas les droits de douane américains (actuellement de 102,5 %) comme un obstacle majeur. Le constructeur automobile possède déjà une usine en Thaïlande et construit des usines similaires en Hongrie, au Brésil et en Turquie », explique l’agence Bloomberg, qui vient de consacrer un dossier à la suprématie technologique chinoise.
Il y a quelques jours à peine, Volvo, propriété du groupe chinois Geely, s’est porté acquéreur de la totalité du capital de la coentreprise Novo Energy qu’il détient avec un des rares fabricants européens de batteries, Northvolt, en grande difficulté financière et qui ambitionnait de construire une deuxième usine. Quant aux États européens qui ont appuyé l’idée d’une hausse des tarifs sur les voitures fabriquées en Chine, Pékin vient de les menacer: ils seront sur la liste noire des pays qui commercent avec la Chine.
Si la suprématie de la Chine ne peut plus être combattue par des barrières douanières, sauf au risque de déclencher une récession mondiale, c’est dans la recherche et le développement que se trouve la meilleure des réponses.
À n’en pas douter, après la décennie solaire, la prochaine sera celle des investissements dans les batteries. Une nouvelle génération se profile, celle proposant une architecture dite « solide », qui vise à s’émanciper du lithium-ion. Cette nouvelle génération, qui utilise des anodes lithium-métal sans graphite - matériau sur lequel la Chine à une emprise quasi totale - devrait être commercialisée ces toutes prochaines années. Les performances attendues sont spectaculaires, permettant des charges rapides et une autonomie dépassant les 1000 kilomètres, tout réduisant grandement les risques d’incendie.
Selon les chercheurs de la fondation Carnegie, un groupe de réflexion qui encourage les échanges diplomatiques et la coopération internationale, l’Europe ou les États-Unis conservent toutes leurs chances pour développer et industrialiser cette nouvelle génération d’accus. Aux États-Unis, QuantumScape s’est allié avec le groupe VW; BYD et CATL ont été réunis dans un consortium par le gouvernement chinois pour accélérer la cadence. Toyota et Nissan visent une production d’ici à 2028 alors que Samsung promet une production en masse dès 2027 pour des voitures haut de gamme. Et c’est peut-être la bonne nouvelle: la concurrence dans la course à une technologie qualifiée de disruptive sera certes rude mais très ouverte.
À en croire la société Benchmark Mineral Intelligence, un cabinet de conseil spécialisé dans les matériaux stratégiques, la Chine ne devrait occuper qu’une part minoritaire dans la production de ces batteries de nouvelle génération. La raison ? Le pays avancerait à petits pas, craignant de perdre le contrôle de sa base industrielle fondée sur la première génération de batteries. La roue de la fortune est-elle en train de tourner ? Sans doute, mais à la condition que les États-Unis et l’Europe financent les projets de nouvelle génération et s’abstiennent de subventionner les technologies où ils ont définitivement perdu pied.
Cette chronique a paru dans les éditions de 24 Heures et Tribune de Genève.