« Mutualiser les espaces serait un levier en plus pour relever les défis immobiliers en Suisse»
Entretien avec Emanuel von Graffenried, directeur & associé chez Bernard Nicod Conseils SA.
« Sortir des énergies fossiles est indispensable, et cela ne sera pas possible sans eux. Leur déploiement doit cependant se faire avec raison », explique Pierre Cormon, journaliste à la Fédération des Entreprises Romandes Genève.
Ne le dites pas trop fort, mais… le photovoltaïque et l’éolien ne sont pas si propres que cela. Certes, ils présentent bien des avantages. Du point de vue du climat, ils sont infiniment préférables au charbon, au pétrole ou au gaz.
Leur impact local est également moindre : même si les parcs éoliens et solaires occupent beaucoup d’espace, ils ne produisent pas d’émissions nocives. On peut toujours débattre de leur impact visuel, mais cela ne constitue pas une menace existentielle — contrairement au réchauffement climatique.
Leur vilain secret réside ailleurs. Leur déploiement nécessite une quantité pharamineuse de matières, et notamment de métaux – tout comme la numérisation et la mobilité électrique. À puissance égale, la construction d’une installation photovoltaïque exige trente fois plus de ressources matérielles que celle d’une centrale à gaz, a calculé le chercheur interdisciplinaire Vaclav Smil.
L’intégration des énergies intermittentes dans le système électrique implique en outre le renforcement des réseaux et le développement de solutions de stockage, ce qui requiert également des quantités substantielles de matières. Ce tournant énergétique consiste à remplacer les énergies fossiles par du métal, conclut la journaliste Céline Izoard.
Nous devons penser non seulement en termes d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en termes de ressources matérielles.
Or, l’extraction minière a des impacts environnementaux massifs : déforestation, pollution, consommation d’eau dans des régions parfois arides… Elle génère également des quantités phénoménales de déchets, souvent toxiques. Des métaux auparavant prisonniers du sol sont extraits et une partie se retrouve dans les résidus miniers.
Ces résidus prennent souvent la forme de boues stockées dans des barrages, pouvant occuper une vallée entière. Quand ceux-ci sont pleins, on sèche le contenu et on le recouvre d’une couche de protection. Celle-ci peut s’éroder avec le temps, sous l’action du vent, et répandre de la poussière riche en métaux.
Notre voracité en matières premières laisse donc un lourd héritage aux générations futures — bien souvent loin de nos yeux, au Chili, au Brésil, en Indonésie ou en République démocratique du Congo.
Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer au photovoltaïque ou à l’éolien. Sortir des énergies fossiles est indispensable, et cela ne sera pas possible sans eux. Leur déploiement doit cependant se faire avec raison. Nous devons penser non seulement en termes d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi en termes de ressources matérielles.
Plutôt que d’installer des panneaux photovoltaïques un peu partout — comme le propose une initiative des Vert’libéraux genevois — il faut prioriser les zones où le rendement est supérieur à la moyenne, comme en montagne ou dans les régions ensoleillées. Et là où le réseau est capable d’absorber cette électricité supplémentaire sans devoir être trop renforcé – ce qui plaide pour une production plutôt centralisée. On minimiserait ainsi l’impact environnemental par kilowattheure produit, ainsi que le legs laissé aux générations futures.