L'eau, l'angle mort de la gouvernance internationale

« D'ici 2030, si rien ne change, la demande mondiale en eau dépassera l'offre de 40 %. Et pourtant, malgré l'urgence, cette ressource reste encore à l'écart des grandes scènes politiques », regrettent Pierre Santarelli, directeur, et Virginie Captier, directrice du cabinet Colombus Consulting.

L'eau, l'angle mort de la gouvernance internationale
Pierre Santarelli, directeur, et Virginie Captier, directrice du cabinet Colombus Consulting.

Il existe une COP pour le climat, une autre pour la biodiversité… mais toujours aucune pour l’eau. Et pourtant, les événements récents soulignent l’urgence : l’effondrement spectaculaire du glacier du Birch, en Suisse, constitue un avertissement majeur, alors que près des deux tiers des ressources mondiales en eau douce proviennent des glaciers.

Partout, les tensions liées à l’eau s’exacerbent : sécheresses, pollutions, pénuries, conflits d’usage… La pression augmente sur une ressource dont le volume global reste stable, mais dont la qualité se dégrade dangereusement. En première ligne : l’agriculture, l’industrie et la production énergétique, qui représentent à elles seules 70 % de l’eau prélevée et polluée à l’échelle mondiale.

Plus préoccupant encore : 50 % de l’empreinte en eau nécessaire à l’économie des pays développés provient de régions soumises à une insécurité hydrique extrême. Ce constat met en lumière un impensé majeur de notre époque : notre dépendance à l’eau, qu’il s’agisse de nos modes de vie, de consommation ou de production. Une dépendance qui ne cesse de croître puisque d'ici 2050, les besoins mondiaux en eau douce devraient être multipliés par quatre !

Un bien local aux enjeux planétaires

Le principal problème est que l'eau reste encore perçue comme un bien local, relevant de la souveraineté nationale. Elle cristallise des intérêts divergents — agriculture, énergie, industrie, santé — qui freinent l’émergence d’une gouvernance unifiée. Politiques, entreprises et citoyens peinent à concevoir une gestion mondiale de l’eau, qu’ils considèrent avant tout comme une ressource locale.

Face à cette urgence, la communauté internationale ne dispose aujourd’hui d’aucun espace multilatéral pérenne pour définir des priorités communes, mobiliser des financements ou coordonner l’action. Et ce, alors que d’ici 2050, 50 % de la population connaîtra des périodes de pénurie d’eau durant une partie de l'année.

Un signal fort a toutefois été donné en mars 2023, à New York, avec la première Conférence mondiale de l’eau depuis près de cinquante ans. Cet événement historique a réuni États, institutions, scientifiques et société civile pour inscrire durablement l’eau à l’agenda politique mondial. Surtout, il a révélé l’émergence d’une volonté collective de considérer l’eau comme un enjeu global, transversal et vital.

Définir un cap et des priorités

La prochaine étape pourrait être franchie très bientôt à Nice, lors de la Conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC3). Car on ne peut plus dissocier les océans de l’eau douce : ils participent d’un même cycle planétaire, fermé, fragile, dont dépend notre survie et dont le déséquilibre menace la vie. L’enjeu ne sera pas d'y créer une nouvelle institution, mais d’organiser la coopération autour d’une vision commune, claire et ambitieuse.

Des signaux positifs apparaissent, notamment en Europe. En France, le Plan Eau de 2023 pose les bases d’une politique de sobriété et de résilience. Et à l'échelle européenne, la Commission vient de publier sa première stratégie de résilience de l’eau, affirmant son rôle stratégique pour la sécurité, la santé et l’économie du continent.

L'UNOC3 sera l’occasion de franchir un cap décisif en fixant collectivement des objectifs clairs pour la protection et la gestion durable de l’eau. Ces objectifs mondiaux pourrait offrir un cap que chaque État traduirait ensuite en trajectoire nationale, adaptée à ses réalités et à ses priorités.

L’eau n’est ni locale ni étrangère : elle est le lien invisible qui nous unit tous. La reconnaître comme un bien commun mondial, c’est enfin se donner les moyens d’en prendre soin, pour aujourd’hui… et pour demain.

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