Les batteries LFP s’affirment comme le maillon fort de la transition énergétique

« En 2025, l’ensemble des batteries présentées au SNEC Storage à Shanghai étaient en LFP, signe que cette chimie s’est imposée comme la nouvelle norme », raconte Lionel Perret, responsable secteur énergies renouvelables chez Planair.

Les batteries LFP s’affirment comme le maillon fort de la transition énergétique
Lionel Perret, responsable secteur énergies renouvelables chez Planair.

Pendant des années, les batteries ont été considérées comme le maillon faible de la transition énergétique. On les associait aux impacts environnementaux liés à l’extraction du cobalt et du nickel, aux chimies NMC très denses, à une durée de vie jugée trop courte — environ 1 500 cycles, soit à peine quatre ans d’usage quotidien — ainsi qu’à un risque d’explosion, chaque incident faisant la une.

Cette perception contraste fortement avec la tolérance dont bénéficient encore les risques associés aux combustibles fossiles. L’incendie qui a paralysé le parking du centre-ville de Neuchâtel le 28 août 2025, provoqué par une voiture à moteur thermique et non électrique, en est une illustration parfaite : on banalise les risques fossiles, mais on dramatise le moindre événement impliquant une batterie. Une grande partie de ces critiques appartient toutefois déjà au passé.

Le standard LFP et la réalité industrielle

Les standards de sécurité ont profondément évolué. Le « test au tournevis » popularisé par BYD illustre bien cette nouvelle génération de batteries LFP : même perforées, les cellules conservent une température maîtrisée, garantissant ainsi un haut niveau de sécurité. La chimie LFP, à base de lithium, de fer et de phosphate, s’impose désormais comme référence dans l’industrie. Le lithium est plus abondant que d’autres matériaux critiques et l’absence de cobalt et de nickel limite plusieurs risques. La nouvelle Renault électrique en est d’ailleurs équipée. Peu à peu, cette technologie LFP s’affirme comme le standard, y compris dans la mobilité électrique.

Malheureusement, une campagne de désinformation se poursuit en parallèle. Elle est alimentée par la menace que représentent les batteries sur deux fronts clés pour les énergies fossiles:

  • Dans les réseaux électriques : Le stockage constitue désormais un concurrent direct des centrales fossiles. En Californie, en seulement deux ans, les batteries ont permis de déplacer les pointes de consommation liées au solaire vers les heures de fin de journée. Résultat : une baisse de 37 % de l’usage du gaz fossile pour produire de l’électricité. Cette diminution, concentrée sur les périodes les plus coûteuses, a provoqué un effondrement des revenus des centrales fossiles de pointe — celles mobilisées lors des pics de demande — compromettant leur rentabilité. Le même phénomène est observable au Texas, terre emblématique des énergies fossiles américaines.
  • Dans le secteur de la mobilité : Les batteries s’opposent une infrastructure pétrolière et logistique extrêmement lucrative. L’épisode Shell en Suisse — rachat de Greenmotion suivi d’un arrêt brutal du service — a entraîné des interruptions chez de nombreux clients. Nous en avons d’ailleurs fait l’expérience avec nos propres bornes de recharge chez Planair, illustrant parfaitement l’adage du cordonnier mal chaussé.

Industrialisation à grande échelle en Chine

C’est dans ce contexte que j’ai visité le SNEC Storage à Shanghai, l’un des épicentres mondiaux du stockage. La ville offre un aperçu concret d’un futur possible : une mobilité presque entièrement électrifiée et des rues d’un calme saisissant, que les feux soient rouges ou verts. Le changement de paysage sonore est frappant, tout comme l’ampleur des infrastructures dédiées à la mobilité douce et partagée.

Sur le salon, la vitalité industrielle saute aux yeux. On y trouve des centaines d’entreprises en pleine expansion, souvent fondées il y a moins de cinq ans, entièrement consacrées aux batteries et aux onduleurs photovoltaïques. Plusieurs se revendiquent déjà comme des licornes, avec des revenus proches du milliard de dollars et plus de 500 ingénieurs en R&D travaillant à l’optimisation de kits standard de packs batteries intégrés dans des solutions modulaires.

La standardisation s’impose largement, marquant une industrialisation à grande échelle plutôt qu’une nouvelle révolution chimique. À la base de l’offre, on trouve de petites batteries de 1 à 2 kWh, branchées directement sur une prise et utilisables sans intervention d’un électricien pour des besoins très simples. Viennent ensuite les solutions résidentielles modulaires de 5 à 12 kWh, dont les capacités ne cessent d’augmenter. Il n’est pas non plus rare de voir des particuliers s’équiper de 30 à 40 kWh afin de dépasser la seule autoconsommation et viser une véritable flexibilisation de leur production. 

Plus haut dans la gamme, des armoires standardisées de 100 à 500 kWh, robustes, climatisées et dotées de redondances intégrées, sont prêtes à être ajoutées à des installations photovoltaïques de grande taille. Enfin, au sommet de cette chaîne, les systèmes de 5 000 kWh logés dans des conteneurs de 20 pieds affichent des coûts unitaires extrêmement bas, tandis que les modèles les plus avancés — un peu plus onéreux — atteignent jusqu’à 9 000 kWh par conteneur.

Quelques enjeux financiers à régler

En 2025, l’ensemble des batteries présentées sur le salon étaient en LFP, signe que cette chimie s’est imposée comme la nouvelle norme. Les technologies les plus avancées demeurent pour l’instant concentrées sur le marché chinois, où l’on observe de nombreuses annonces — mais encore peu de démonstrateurs — concernant les batteries au sodium ou les électrodes semi-solides.

Sur le plan économique, les coûts se situent généralement autour de 70 $/kWh pour les plus grands systèmes et d’environ 200 $/kWh pour les unités de plus faible capacité. Ces niveaux redessinent l’équilibre économique des réseaux : une fois les coûts fixes intégrés, les écarts de prix entre petites et grandes installations restent finalement modestes. Grâce à leur simplicité de déploiement, les petites batteries disposent même d’un potentiel important, en particulier pour moderniser les réseaux existants.

Contrairement au photovoltaïque, où la construction de grandes centrales permet de réduire fortement les coûts annexes, les systèmes de stockage de grande taille restent associés à des dépenses élevées en génie civil, ingénierie et équipements auxiliaires. Dans certains cas, ces coûts périphériques pèsent proportionnellement plus lourd que pour de petites unités modulaires, quasiment « plug & play ». Avec une telle compétitivité, même à petite échelle, les batteries contribuent ainsi à accélérer la décentralisation du système énergétique.

Vers une diffusion mondiale

En Chine, les nouvelles règles de sécurité visant les technologies jugées « inflammables » vont pousser le marché à tourner la page des anciennes chimies. Sur le plus grand marché automobile du monde, où 51,8 % des véhicules vendus sont désormais entièrement électriques, seules les batteries LFP et les technologies semi-solides devraient conserver une place centrale.

Les effets de cette bascule se font déjà sentir en Suisse, mais également dans de nombreux autres pays. Nos projets en Polynésie — où les îles dépendent encore entièrement des combustibles fossiles — en offrent une illustration concrète : nous y remplaçons des groupes diesel par des systèmes associant solaire et batteries intelligentes. Dans de nombreuses configurations, ces installations assurent un approvisionnement de base encore plus régulier qu’une centrale nucléaire. Elles atteignant jusqu’à 95 % d’autonomie locale grâce au seul couplage solaire-batteries.

En Australie et dans d’autres régions pionnières du monde, le stockage permet déjà d’atteindre des journées complètes à plus de 100 % d’énergies renouvelables injectées sur le réseau, certaines pointes de production avoisinant même les 200 %. Cette transformation n’apparaît pas toujours dans les statistiques classiques du prix de l’électricité, mais elle se traduit pourtant, pour des dizaines de millions de personnes, par une énergie plus compétitive directement à la prise, souvent moins chère que celle produite par les systèmes non renouvelables.

La révolution des batteries sodium

Une nouvelle vague technologique se prépare avec l’arrivée des batteries au sodium. Un accord entre la Corée et la Chine vise à accélérer leur déploiement, et plusieurs usines, dimensionnées pour répondre à la demande mondiale, sont en construction. Ces batteries, ininflammables et constituées de matériaux abondants, promettent jusqu’à 20 000 cycles. Dans un tel contexte, il deviendra difficile de trouver encore des arguments à tordre pour contester la pertinence des batteries.

Associées aux énergies renouvelables, ces technologies renforcent encore la robustesse et la compétitivité du modèle énergétique émergent. Les campagnes de désinformation visant le stockage et le renouvelable apparaissent désormais comme une tentative de gagner un sursis face à une vague technologique décentralisée, industrielle et économiquement dominante, qui ne laissera subsister que quelques usages fossiles très spécifiques.

Génial ! Vous vous êtes inscrit avec succès.

Bienvenue de retour ! Vous vous êtes connecté avec succès.

Vous êtes abonné avec succès à SwissPowerShift.

Succès ! Vérifiez votre e-mail pour obtenir le lien magique de connexion.

Succès ! Vos informations de facturation ont été mises à jour.

Votre facturation n'a pas été mise à jour.