« Supprimer les subventions soulèverait un problème démocratique et institutionnel »
Entretien avec Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière
En 2023, d’après Statista, les investissements ont atteint le niveau record de 1800 milliards de dollars. Et pour l’année en cours, les dépenses dans les cleantechs devraient être presque deux fois plus élevées que celles consacrées aux combustibles fossiles.
Depuis le début de l’année, près de 160 millions de francs ont été levés par des start-up suisses actives dans le secteur des cleantechs. À l’image du dynamisme helvétique, les technologies propres ont le vent en poupe un peu partout dans le monde. C’est notamment le cas en France, où les jeunes pousses actives dans la transition environnementale sont actuellement les stars de la French Tech.
« Les investissements dans les technologies vertes, essentiels pour la transition écologique et énergétique, connaissent une croissance continue. Les montants investis et le nombre d’opérations atteignent des niveaux records », témoigne Alexi Gazzo. Cet associé du cabinet EY est l’auteur depuis plusieurs années d’un baromètre des investissements réalisés par les acteurs français du capital-risque dans le secteur des cleantechs.
« Les montants investis dans les technologies vertes et le nombre d’opérations atteignent des niveaux records. » - Alexi Gazzo, associé du cabinet EY
Globalement, les chiffres commencent à donner le tournis. En 2023, d’après Statista, les investissements ont augmenté de 17 % pour atteindre le niveau record de 1800 milliards de dollars. Et pour l’année en cours, les dépenses dans les cleantechs devraient être presque deux fois plus élevées que celles consacrées aux combustibles fossiles.
Il est toutefois important de ne pas se laisser hypnotiser par les chiffres disponibles, car ce n’est pas la première fois que les esprits s’échauffent concernant les cleantechs. « Je ne suis pas certain que l’on puisse déjà parler d’un nouveau boom pour cette industrie, mais plutôt d’un début de troisième vague », estime Brice Mari.
Portfolio manager chez Synapse Invest, ce dernier recense deux autres périodes dorées pour les cleantechs, à commencer par celle survenue au début du XXIe siècle et essentiellement focalisée sur le solaire. Cette première parenthèse se clôture le jour où les Chinois entrent dans la danse avec leurs panneaux à prix cassés, panneaux qui ont mis toute l’industrie à genoux.
« Ensuite, il y a eu cette période où tout le monde ne parlait plus que de développement durable. Démarrée aux alentours de 2015, elle connaît son apogée en 2020, l’année de toutes les folies », se souvient Brice Mari.
« Je ne suis pas certain que l’on puisse déjà parler d’un nouveau boom pour cette industrie, mais plutôt d’un début de troisième vague. » - Brice Mari, portfolio manager chez Synapse Invest
Au début du Covid, soutenues par la mise en place de vastes plans de relance, les cleantechs attisent tellement les convoitises qu’une bulle commence à enfler rapidement. Pour preuve, sur le plan purement boursier, elles sont à l’origine des meilleures performances. L’indice Nasdaq Clean Edge Green Energy, qui regroupe des entreprises du secteur de l’énergie propre, termine l’année 2020 sur un bond de 204 %.
Cette phase d’euphorie se conclut quelques mois plus tard par l’explosion de la bulle et le début d’une longue gueule de bois pour toute la branche. « Déjà malmenées, les cleantechs ont fait les frais des hausses rapides de taux par les banques centrales. La bonne nouvelle est que cette pression financière a permis d’assainir le marché en éliminant les sociétés à l’avenir plus qu’incertain », explique Brice Mari.
En ce début de nouvelle vague, deux secteurs se démarquent particulièrement : les transports électrifiés et les énergies renouvelables. Les données regroupées par les experts de Statista montrent que les trois quarts des investissements réalisés en 2023 dans la transition énergétique ont été consacrés à des sociétés actives dans l’énergie et les transports.
Sur un plan purement géographique, il faut changer de continent pour trouver la nation la plus active dans la transition énergétique. Avec près de 680 milliards de dollars investis l’an dernier, la Chine se distingue une nouvelle fois, loin devant les États-Unis. Mais la première puissance n’a pas encore dit son dernier mot et, grâce à la mise en place de mesures politiques comme son Inflation Reduction Act (IRA), elle a toujours l’ambition de finir par dominer le marché.
« On estime que l'UE aura besoin de plus de 90 milliards d'euros d'investissements publics et privés d'ici 2030. » - Ian Tiseo de Statista
Quant à l’Europe, le Vieux Continent compte aussi jouer un rôle dans la course mondiale aux technologies propres. Sa nouvelle loi sur l'industrie à bilan carbone nul (NZIA) a été conçue dans le but évident d'attirer plus d’investissements. « On estime que l'UE aura besoin de plus de 90 milliards d'euros d'investissements publics et privés d'ici 2030 pour développer la fabrication de six technologies clés dans le cadre de la NZIA », indique Ian Tiseo de Statista.
S’il faut s’attendre à d’autres phases de surchauffe dans les décennies à venir, personne aujourd’hui ne remet en question le sérieux et la solidité du mouvement sur le long terme. Que ce soit dans la mobilité, dans l’énergie, dans la construction et la consommation, la tendance des cleantech est indéniablement porteuse et source de croissance structurelle positive.
Naturellement, cette évolution sera tributaire des politiques et des fonds investis (publics et privés). Sur le plan politique, l’inconnue autour des élections américaines suscite certaines inquiétudes. L’aspect financier constitue l’autre défi fondamental pour cette industrie très gourmande en capitaux. Pour atteindre l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, certains experts évoquent un doublement des dépenses d’ici 2030.