« Les discussions politiques autour du budget sont ubuesques »

Entretien avec Christophe Aumeunier, Secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI)

« Les discussions politiques autour du budget sont ubuesques »
Christophe Aumeunier, Secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI)

Chaque mois, nous interrogeons différents secteurs et professions sur des thématiques spécifiques.

Pour ce mois de novembre, nous sommes aller toquer à la porte des promoteurs et grands groupes immobiliers pour avoir leur point de vue sur une thématique particulièrement sensible ces jours à Berne : celle des subventions destinées à l'assainissement des bâtiments.

Les réponses de Christophe Aumeunier, Secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI)

Un groupe d’experts nommé par le Conseil Fédéral propose de réduire drastiquement les subventions pour l'assainissement des bâtiments. Comment accueillez-vous cette idée ?

Je doute qu’un professionnel de l’immobilier siège dans ce groupe d’experts. C’est plus que regrettable puisque la Confédération ne cesse de dire que le parc immobilier bâti génère 40% des émissions de carbone. Il devient donc urgent que le Conseil fédéral s’entoure de compétences pour appréhender un peu mieux la situation et comprenne toute la pertinence des subventions.

Leur diminution provoquera un coup d’arrêt à un mouvement vertueux qui, honnêtement, vient à peine de démarrer. Or, il n’y a pas pire politique économique que celle du « stop and go ».

Et soyons clairs : restreindre les subventions ou les déductions fiscales en la matière contrevient aux déclarations et engagements pris sur le climat. C’est aussi simple que cela.

Les experts argumentent que la plupart des solutions pour assainir sont déjà rentables et que, dans ce cas, les subventions ne font plus sens. Cet argument vous semble-t-il valable ?

Cette affirmation est partiellement vraie. Si elle se défend, par exemple, pour les panneaux solaires, elle n’est pas encore avérée pour les pompes à chaleur. Pour tout ce qui est des travaux les plus chers, à savoir les travaux sur l’enveloppe des bâtiments, leur argument est par contre totalement faux. Prenez le seul parc bâti genevois, ce dernier aura besoin d’investissements qui se chiffrent à plus de 4 milliards de francs pour atteindre les objectifs visés.

Les subventions sont d'autant plus indispensables que le rythme d’investissement usuel de l’immobilier - 30 ans pour les façades et toitures - est aujourd'hui brisé. La transition climatique est disruptive et le secteur immobilier ne peut absorber un montant aussi colossal et rapide d’investissements.

Les subventions sont d'autant plus indispensables que le rythme d’investissement usuel de l’immobilier - 30 ans pour les façades et toitures - est aujourd'hui brisé.

Sans ces subventions, faut-il redouter une forte hausse de la facture pour les locataires ?

Oui, clairement. Les subventions ne peuvent pas être répercutées sur les loyers. Sans elles, les propriétaires tels que les caisses de pension, qui doivent réaliser un rendement pour verser les rentes, n’auront pas d’autre choix que d’agir, à la hausse, sur les loyers.

Est-ce que cela pourrait mettre en péril les objectifs de neutralité carbone de 2050 de la Suisse ?

C’est une évidence. Des travaux ne se feront tout simplement pas. Menaces et amendes éventuelles n’y changeront rien. Si le capital à investir ne peut être trouvé, les travaux ne se réaliseront pas.

En tant que propriétaires, quels seraient les autres obstacles subsistant pour atteindre cette neutralité carbone ?

Les discussions politiques autour du budget fédéral sont ubuesques. Berne marche sur la tête. La question de la suppression des déductions fiscales admises pour les travaux qui économisent l’énergie, discutée dans le cadre de la suppression de la valeur locative, est particulièrement contre-productive.

Les décisions prises jusqu’ici de soutenir une politique volontariste en matière de climat, avec des déductions fiscales et des subventions, étaient adéquates. Changer les règles alors que les travaux débutent à peine brisera cet édifice vertueux helvétique.

Si la suppression de ces déductions était décidée, on peut s'attendre à un frein immédiat sur les travaux impliquant nos engagements climatiques et à un secteur du bâtiment basculant dans une crise économique.

Les décisions prises jusqu’ici de soutenir une politique volontariste en matière de climat, avec des déductions fiscales et des subventions, étaient adéquates. Elles proposaient un partage de la charge financière sur le propriétaire, en premier lieu tout de même, mais aussi sur le locataire et l’État. Changer les règles alors que les travaux débutent à peine brisera cet édifice vertueux helvétique. Nous avons bien mieux à faire en Suisse !

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