« Le constat laisse songeur : plus les indicateurs signalant l’incapacité croissante de l’environnement à soutenir nos activités passent au rouge, moins on veut le savoir », regrette René Longet, expert en développement durable et auteur de « Planète Etat d'urgence : Les réponses de la durabilité ».
Avec l'ouverture récente de la Ressourcerie Matériuum Lausanne, la Suisse romande renforce un maillon clé de la chaîne du réemploi : celui du stockage, de la valorisation et de la sensibilisation autour des matériaux de construction.
Les ressourceries : les maillons stratégiques pour une construction durable
Avec l'ouverture récente de la Ressourcerie Matériuum Lausanne, la Suisse romande renforce un maillon clé de la chaîne du réemploi : celui du stockage, de la valorisation et de la sensibilisation autour des matériaux de construction.
Pour que la pratique de réemploi des matériaux se démocratise et devienne réellement circulaire, il faut pouvoir trier, inventorier, stocker et valoriser les matériaux récupérés — un défi logistique souvent sous-estimé comme le montre ici la nouvelle Ressourcerie lausannoise. @Mathilde Imesch - Ville de Lausanne
Le réemploi des matériaux de construction ne se résume pas à retirer soigneusement des éléments d’un « bâtiment donneur » pour les réintégrer dans un « bâtiment receveur ». Pour que la pratique se démocratise et devienne réellement circulaire, il faut pouvoir trier, inventorier, stocker et valoriser les matériaux récupérés — un défi logistique souvent sous-estimé. C’est précisément là que les ressourceries de matériaux trouvent tout leur sens, en proposant une solution concrète et durable.
La Ressourcerie Matériuum Lausanne, inaugurée en octobre 2024, répond à ce besoin en mettant à disposition un espace de 700 m² pour collecter, classer et remettre en circulation de nombreux matériaux de construction : charpentes métalliques ou en bois, éléments de façades, pavés extérieurs, dalles en béton, etc. Le projet repose sur un partenariat public-privé solide (Ville de Lausanne, Beaulieu SA, association Materiuum Lausanne) et s’ancre dans les objectifs du Plan climat lausannois et de la Stratégie d'assainissement énergétique du patrimoine bâti de la ville de Lausanne.
Pour coordonner cette dynamique, un valoriste a été engagé au 1er avril 2025. Son rôle ? Identifier et valoriser les matériaux réutilisables, tout en facilitant leur intégration dans de nouveaux projets. Cette fonction est assurée par Vincent Luetto, architecte spécialiste en matériaux géo et biosourcés et responsable de cet espace de « matériaux seconde main ». Par ailleurs, l’implantation d’un tel lieu au sein de l’IMPACT HUB Beaulieu, où se rencontrent divers acteurs du changement, est loin d’être anodine. Vincent Luetto se réjouit de ce voisinage. « Ça stimule les synergies, c’est un véritable nid à idées et à partenariats. Nous sommes chanceux d’être à proximité de ces acteurs du changement. » Il ajoute également, à l’attention de ceux qui en doutent encore, que le réemploi est « possible, actuel et qu'il fonctionne ! Il ne faut pas avoir peur. Détourner la matière ouvre les portes de la créativité et de la spontanéité. »
Des centres névralgiques du réemploi
Le réemploi des matériaux de construction souffre encore d’obstacles pour se démocratiser, notamment un manque de place pour stocker les matériaux déconstruits, ou quand les calendriers des chantiers ne coïncident pas et que des matériaux doivent être entreposés durant des semaines, voire des mois, avant leur réutilisation. Dans l’intervalle, les matériaux ont besoin d’être identifié, trié, stocké (correctement pour éviter des pertes), valorisé et rendu disponibles pour de nouveaux projets.
« Le réemploi est possible, actuel et il fonctionne ! Il ne faut pas avoir peur. Détourner la matière ouvre les portes de la créativité et de la spontanéité », explique Vincent Luetto, architecte spécialiste en matériaux géo et biosourcés et responsable de la La Ressourcerie Matériuum Lausanne.
C’est précisément dans ce contexte que les ressourceries trouvent toute leur utilité. Souvent animées par des professionnels du bâtiment — maîtres d’ouvrage, architectes, artisans — et des bénévoles engagés, ces structures constituent de véritables centres névralgiques du réemploi. Elles offrent également des conseils, un accompagnement et une expertise aux maîtres d’ouvrage dans leurs démarches de déconstruction et de réutilisation des matériaux.
À Fribourg, La Ressourcerie, qui se définit comme un Centre de compétences du réemploi, a notamment joué un rôle clé dans le projet pilote POLYNORM. Ce projet a démontré la faisabilité du réemploi de structures porteuses métalliques issues d'une ancienne halle industrielle. Par ailleurs, lors de la rénovation de l’école du Sacré-Cœur à Estavayer, un inventaire minutieux des éléments réemployables a été réalisé, aboutissant à une vente publique de matériaux et offrant ainsi une seconde vie à de nombreux composants du bâtiment.
De son côté, l'association Matériuum s'est illustrée dans plusieurs projets emblématiques. Par exemple, lors de la démolition d'un ancien bâtiment industriel à la rue de Lyon à Genève, Matériuum a été mandatée pour réaliser un inventaire des matériaux réemployables et élaborer un plan d’action en vue de leur valorisation.
Les ressourceries jouent un rôle important dans l’économie de matière et dans l'essor de constructions circulaires. DR
Quelques adresses de ressourceries en Suisse romande
Matériuum Genève : une association pionnière et polyvalente À Genève, Matériuum Genève fait figure de pionnière depuis son ouverture en 2018. Initialement centrée sur le réemploi dans le milieu culturel — notamment pour les décors de théâtre et les éléments de scénographie —, elle a ensuite élargi son champ d’action au secteur de la construction. Forte de cette expérience, elle accompagne aujourd’hui les maîtres d’ouvrage pour intégrer le réemploi dans leurs projets.
La Ressourcerie Fribourg : un centre en pleine expansion À Fribourg, La Ressourcerie poursuit son développement avec une approche globale : elle allie une boutique de matériaux de réemploi, un accompagnement personnalisé pour les projets, ainsi que des actions de sensibilisation auprès du public. Récemment relocalisée sur le site de Bluefactory, elle bénéficie désormais d’une meilleure visibilité et d’un espace optimisé pour ses activités. Ce nouveau cadre lui permet d’intensifier son action en faveur d’une construction plus durable.
La Ressourcerie Matériuum Lausanne : un nouvel espace lausannois Le lieu a officiellement ouvert ses portes en octobre 2024 et propose aux entreprises et aux particuliers un espace de 700 m² pour la collecte et la valorisation de matériaux. Dotée d’horaires fixes et d’une équipe dédiée depuis le 1er avril 2025, elle renforce l’offre locale de réemploi en mettant l’accent sur la proximité et la collaboration avec d’autres acteurs du changement, notamment grâce à sa position au cœur de l’IMPACT HUB Beaulieu.
Archipel Sion : coopérative sociale et durable À Sion, la ressourcerie Archipel, inaugurée également en avril 2025, apporte une dimension supplémentaire au maillage romand. Avec son modèle coopératif, elle associe réemploi et économie sociale, favorisant l’insertion professionnelle tout en donnant une seconde vie aux matériaux. En plaçant l’humain et l’économie locale au centre de sa démarche, Archipel contribue à la fois à la circularité et à la cohésion sociale.
Une solution pour atteindre la neutralité carbone
Le développement des ressourceries s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’atteindre le « net zéro carbone » d'ici 2050, un objectif fixé par la Confédération dans le cadre de sa stratégie énergétique. Cette ambition se décline au niveau cantonal à travers divers plans climat, qui encouragent la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, réemployer des matériaux permet de diminuer l’énergie grise ainsi que les émissions associées, autant de leviers indispensables dans un secteur du bâtiment encore fortement émetteur.
Les ressourceries jouent un rôle important dans l’économie de matière et dans l'essor de constructions circulaires. Véritables catalyseurs du changement, elles participent à faire évoluer les pratiques du secteur. Cependant, il serait illusoire de croire qu’elles suffisent à elles seules à transformer en profondeur le secteur de la construction. Ces initiatives, aussi utiles et pertinentes soient-elles, ne remplacent pas les réformes structurelles nécessaires : évolution des normes de construction, formation des professionnels, adaptation des marchés publics et surtout, un changement de mentalité vers l’acceptation d’un mélange de techniques anciennes et de nouveautés.
« Le constat laisse songeur : plus les indicateurs signalant l’incapacité croissante de l’environnement à soutenir nos activités passent au rouge, moins on veut le savoir », regrette René Longet, expert en développement durable et auteur de « Planète Etat d'urgence : Les réponses de la durabilité ».