Atteindre le net zéro dans la construction : objectifs, défis et leviers d’action
La stratégie énergétique de la Suisse vise une importante baisse de la consommation du parc immobilier, soit de 90 TWh actuellement à 65 TWh d’ici 2050.
« De nombreux dispositifs régulatoires compromettent la santé financière des GRD, réduisant d’autant leur capacité à investir dans les énergies renouvelables et la transition énergétique », explique Christian Petit, ancien CEO de Romande Energie et dirigeant du cabinet de conseil Advisum Consulte.
Ayant dirigé l’un des grands GRD (Gestionnaires de Réseaux de Distribution) et fournisseurs d’énergie suisses pendant plusieurs années, et ayant côtoyé de nombreux autres professionnels de la branche durant cette période, je ne porte sans doute pas un regard totalement objectif sur cet acteur économique majeur du système énergétique suisse.
Néanmoins, je considère que l’image publique de ces entreprises, ainsi que le traitement que leur réserve le législateur et le régulateur, ne rendent pas justice à leur rôle d’acteur engagé dans la stratégie énergétique nationale, ni à leur fonction de pourvoyeur local d’emplois dans les métiers de la transition énergétique. De mon point de vue, cette profession, par nature diverse et mal organisée, est quasiment inaudible dans le débat public et se laisse trop facilement malmener par l’ensemble de ses parties prenantes.
La dégradation de l’image des GRD remonte à la crise énergétique, quand les prix du kWh ont atteint des sommets jamais vus auparavant. Héros du quotidien pendant la pandémie, – aux côtés des infirmiers, des caissières de supermarché et des conducteurs de train –, les GRD sont ensuite devenus des boucs émissaires, accusés par les clients de la hausse des tarifs. Simples relais d’une crise qu’ils n’ont en rien provoqué et soumis à une régulation tarifaire opaque et complexe, ils sont désormais perçus comme des profiteurs par leurs citoyens-clients.
Les véritables bénéficiaires de la crise n’ont pas été les GRD, mais les propriétaires d’installations de production électrique fonctionnant à coûts quasiment fixes.
Or, les véritables bénéficiaires de la crise n’ont pas été les GRD, mais les propriétaires d’installations de production électrique fonctionnant à coûts quasiment fixes : les grands producteurs d’électricité d’origine hydraulique et nucléaire. Je renvoie ici le lecteur aux publications des résultats des trois principaux producteurs suisses au cours de ces trois dernières années.
Il convient toutefois de rappeler à quel point ces mêmes producteurs avaient auparavant souffert, dans l’indifférence générale, de prix durablement trop bas pour couvrir les coûts de leur production indigène. Néanmoins, durant ces années de crise énergétique, alors que les GRD voyaient leur cote de popularité s’effondrer auprès de leurs clients, aucune autorité politique ni administrative (DETEC, OFEN, ElCom) n’a eu un mot pour les soutenir face aux critiques médiatiques.
L’administration, justement, ainsi que le législateur qui entérine les textes qu’elle propose, ne cesse au contraire, depuis la première loi sur l’électricité de 2008, de saper l’assise financière des GRD, réduisant ainsi leur capacité d’investissement dans la transition énergétique. Les dispositions légales évoluent presque toujours au détriment des GRD et sont rédigées de manière si vague qu’elles laissent à ElCom (la Commission fédérale de l’électricité, gendarme du secteur) toute latitude pour restreindre encore davantage leurs marges de manœuvre, par le biais de directives contraignantes.
Surtout, l’ensemble de ces textes et dispositifs révèle soit une méconnaissance manifeste des métiers des GRD et de leurs contraintes, soit une volonté inavouée de leur nuire, afin de les pousser, par exemple, à se regrouper pour simplifier le système électrique suisse et en améliorer l’efficience. La situation s’est aujourd’hui dégradée à un point tel que certaines activités dites de service public entraînent pour les GRD des pertes financières structurelles.
Dans ma compréhension de l’économie, une activité de service public exercée en situation de monopole doit être contrôlée par une autorité indépendante et permettre de dégager des profits « raisonnables ». Mais une telle activité ne devrait jamais être menée à perte.
Bien que les producteurs puissent vendre librement leur surplus, les GRD sont obligés de le reprendre, avec un prix plancher fixé par la nouvelle loi : au moins 6 cts/kWh pour les petits producteurs.
Prenons quelques exemples pour illustrer mon propos, au risque de devenir un peu technique :
Les GRD constituent une branche d’activité extrêmement fragmentée, composée de plus de 600 acteurs, dont les tailles et caractéristiques sont si diverses que leurs intérêts sont rarement communs ou alignés.
L’ensemble de ces dispositifs législatifs et régulatoires altère profondément la santé financière des GRD, réduisant d’autant leur capacité à investir dans les énergies renouvelables et la transition énergétique. Pourquoi, dira-t-on, les GRD ne s’opposent-ils pas plus efficacement à ces mesures ?
Malheureusement pour eux, les GRD constituent une branche d’activité extrêmement fragmentée, composée de plus de 600 acteurs, dont les tailles et caractéristiques sont si diverses que leurs intérêts sont rarement communs ou alignés.
De plus, l’AES, censée les représenter, défend également les grands producteurs – principaux cotisants – dont les intérêts divergent souvent de ceux des GRD. De cette cacophonie ne naît aucune unité de défense, et les GRD se retrouvent aujourd’hui sans voix réelles face aux autorités législatives et de régulation.
Ces réflexions sont strictement personnelles et n’engagent en aucun cas mon précédent employeur.