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« Un texte aurait le mérite d’harmoniser ces efforts. Mais en son absence, les dynamiques nationales, régionales et financières ne devront pas ralentir. Le monde des affaires n’a tout simplement plus le luxe d’attendre », assurent Sarah Perreard et Julien Boucher, co-directeurs d’Earth Action.
La conférence internationale sur la pollution plastique, qui s’est tenue à Genève du 5 au 14 août, devait marquer une étape décisive vers un traité mondial. Elle s’est conclue sans texte consolidé, seulement par une « note de réflexion » des co-présidents, laissant planer une forte incertitude sur la suite des négociations.
Pour beaucoup, cet échec sonne comme un statu quo. Mais l’absence de traité ne signifie pas que la dynamique s’arrête : les risques liés au plastique continuent de croître — et avec eux, la pression sur les entreprises, les investisseurs et les gouvernements.
Comparer le plastique au climat pourrait à première vue sembler naturel : deux crises planétaires, urgentes et interconnectées. Pourtant leurs dynamiques diffèrent profondément.
Le carbone est fongible : une tonne de CO₂ en vaut une autre, quel que soit son point d’émission. Le plastique, lui, n’est jamais le même. Chaque produit laisse une empreinte distincte : les textiles relâchent des microfibres dans les rivières, les pneus déposent de la poussière sur les routes, les emballages s’accumulent dans les décharges ou s’échappent vers les océans.
Au-delà de la traçabilité, les impacts varient fortement. Certains polymères contiennent des additifs particulièrement nocifs. Les microplastiques, invisibles à l’œil nu, ont un impact disproportionné par rapport aux macroplastiques. Et les conséquences diffèrent selon l’environnement où la pollution survient. Cette diversité rend la responsabilité plus directe et les coûts plus faciles à attribuer à des entreprises, des produits ou des secteurs précis.
Pour la finance, le message est clair : celles et ceux qui mesurent, divulguent et réduisent leur empreinte plastique bénéficieront d’un capital plus abordable et d’une confiance accrue des investisseurs.
Même sans traité international, la responsabilité juridique et financière s’impose de plus en plus. Les procès se multiplient : Danone a été attaqué en France au titre du devoir de vigilance, tandis qu’aux États-Unis, Coca-Cola et ExxonMobil font face à des plaintes pour pratiques trompeuses. Les premières estimations évoquent déjà des dizaines de milliards de dollars de passif potentiel pour les entreprises d’ici 2030.
Dans le même temps, les régulations nationales et régionales progressent, parfois plus vite que les négociations multilatérales. L’Union européenne impose des objectifs de recyclabilité et de réduction via le PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation), tandis que de nouvelles taxes et redevances modulées en fonction des matériaux se généralisent.
Les investisseurs aussi s’organisent : plus de 160 institutions financières, représentant 15 000 milliards de dollars d’actifs, ont signé un appel à l’action contre la pollution plastique. Autrement dit, le risque financier lié au plastique est déjà intégré dans les stratégies — même en l’absence de traité international.
Cette évolution n’est pas seulement une menace. Les entreprises qui anticipent peuvent réduire leurs coûts de conformité, protéger leur réputation et capter de nouveaux marchés. Les modèles de réemploi, la substitution de matériaux ou l’intégration de contenu recyclé ne sont plus marginaux : ils deviennent des leviers de différenciation et de compétitivité.
Pour la finance, le message est clair : celles et ceux qui mesurent, divulguent et réduisent leur empreinte plastique bénéficieront d’un capital plus abordable et d’une confiance accrue des investisseurs.
En accueillant l’INC à Genève, la Suisse a contribué à inscrire la pollution plastique à l’agenda mondial. Mais elle ne peut se contenter d’être l’hôte des négociations et doit aussi renforcer ses propres politiques.
En accueillant l’INC à Genève, la Suisse a contribué à inscrire la pollution plastique à l’agenda mondial. Mais elle ne peut se contenter d’être l’hôte des négociations : elle doit aussi renforcer ses propres politiques, soutenir l’innovation circulaire et inciter son secteur financier à intégrer le risque plastique dans ses évaluations.
La Suisse dispose d’atouts uniques : un écosystème financier puissant, une tradition d’innovation industrielle, et une crédibilité diplomatique reconnue. Autant de leviers pour transformer l’échec momentané de Genève en une dynamique de solutions concrètes.
L’échec de Genève ne doit surtout pas servir d’alibi à l’inaction. Les coûts de la pollution plastique s’accumulent déjà dans nos systèmes de santé, nos écosystèmes et nos économies. La responsabilité des entreprises est de mesurer et de réduire leurs impacts ; celle des investisseurs, de conditionner l’accès au capital à des pratiques crédibles et transparentes ; celle des gouvernements, de fixer un cadre clair et cohérent.
Un traité mondial aurait le mérite d’harmoniser ces efforts. Mais en son absence, les dynamiques nationales, régionales et financières ne devront pas ralentir. Le monde des affaires n’a tout simplement plus le luxe d’attendre.