S’appuyant sur un cadre méthodologique novateur pour la modélisation des transitions énergétiques, l'étude publiée en 2023 dans la revue « Frontiers » présente une vision du système énergétique national.
Pour Pierre Cormon, journaliste à la Fédération des Entreprises Romandes Genève, « l'action en justice contre le cimentier Holcim a le mérite de poser une question essentielle : qui est responsable du dérèglement climatique ? »
Quelle voie pour un système énergétique suisse neutre en CO₂ et indépendant ?
S’appuyant sur un cadre méthodologique novateur pour la modélisation des transitions énergétiques, l'étude publiée en 2023 dans la revue « Frontiers » présente une vision du système énergétique national.
L'étude examine également les contraintes techniques du réseau, leur influence sur les choix technologiques, ainsi que les interactions entre les productions solaire et éolienne et leurs effets sur la stabilité du système électrique. @Getty Images/canva
Durant le mois de septembre, le Conseil national a adopté une motion chargeant le Conseil fédéral d’élaborer une stratégie globale de stockage de l’énergie. Cette initiative vise à coordonner diverses solutions — telles que l’hydroélectricité à accumulation, les batteries décentralisées, le stockage thermique et les technologies Power-to-X — afin de mieux intégrer les énergies renouvelables, de réduire les pertes d’énergie et de renforcer la sécurité d’approvisionnement ainsi que la stabilité du réseau électrique suisse.
L’étude analyse notamment la situation énergétique du pays en 2020, puis évalue les investissements et les renforcements requis pour atteindre la neutralité carbone et l’indépendance énergétique d’ici 2050. Elle examine également les contraintes techniques du réseau, leur influence sur les choix technologiques, ainsi que les interactions entre les productions solaire et éolienne et leurs effets sur la stabilité du système électrique. Son résumé en quelques points clés :
1️⃣
Le modèle est appliqué à une étude de cas suisse visant une transition vers un système énergétique neutre en carbone et indépendant d’ici 2050, sans recours au nucléaire. Basé sur une résolution mensuelle et une approche moyenne nationale, il ne prend pas en compte les différences régionales en termes de potentiel ou de demande énergétique. La neutralité carbone est assurée par une contrainte d’émissions nettes nulles de CO₂, tandis que l’indépendance énergétique est garantie par l’absence totale d’importations de ressources. Les résultats de l’étude de cas sont représentés dans un diagramme des coûts et de l’énergie illustrant la performance des différentes technologies.
2️⃣
L’étude montre que le renforcement des réseaux — en particulier des réseaux basse et moyenne tension — est essentiel pour permettre un déploiement massif du photovoltaïque (PV) et de l’éolien. Pour minimiser les coûts tout en répondant à la demande, le modèle privilégie des technologies efficaces alimentées par des énergies renouvelables intermittentes. L’énergie produite doit être transportée ou stockée, ce qui pourrait parfois nécessiter le renforcement des réseaux lorsque leur capacité est dépassée.
3️⃣
L’analyse met également en évidence d’importants arbitrages entre les énergies renouvelables, le stockage et les infrastructures. En 2050, le système suisse visé est neutre en CO₂ et indépendant, avec 15,4 GW de photovoltaïque et 20 GW d’éolien, impliquant un renforcement du réseau basse tension en été et du réseau moyenne tension en hiver. Le mix optimal combine le méthane pour l’industrie et le chauffage, et l’hydrogène pour le transport lourd, avec un stockage saisonnier centralisé (jusqu’à 6 TWh de méthane et 8,9 TWh hydraulique). En cas de renforcement limité, le modèle est compensé par une utilisation accrue de biomasse et de technologies moins efficaces, pouvant entraîner une hausse des coûts jusqu’à 16 %.
4️⃣
Les auteurs soulignent plusieurs limites à leur analyse. Leur modèle repose notamment sur une résolution temporelle mensuelle, ce qui ne permet pas de modéliser en détail les dynamiques à court terme (comme les cycles quotidiens de stockage). Il se base surtout sur une agrégation spatiale supposant que la production et la consommation d’énergie ont lieu en un même point. Cette hypothèse ignore la décentralisation croissante du système énergétique, comme celle des bâtiments et quartiers intelligents (RCPv et futures CEL), ce qui peut surestimer les besoins en réseaux de distribution.
« Bien sûr, il ne s’agit là que d’un modèle, et d’une voie possible parmi d’autres », soulignait récemment Yasmine Calisesi, la directrice du Centre de l'énergie à l'EPFL dans un post sur LinkedIn. Au fil des années à venir, selon les évolutions géopolitiques et macroéconomiques, et en fonction des retards que pourrait accumuler la Suisse dans sa transition, ce modèle devra être ajusté et affiné.
L’essentiel, souligne l’étude, est que la réussite de la transition énergétique passera par une prise en compte rigoureuse des contraintes et des coûts liés aux infrastructures, et non pas seulement des technologies de production ou des objectifs climatiques. « Les choix de déploiement et de développement de nouvelles infrastructures pour les systèmes énergétiques actuels doivent être prudents et s’inscrire dans une perspective à long terme, car les générations futures paieront les conséquences de décisions hâtives », précisent les auteurs à titre de conclusion.
Pionnière de longue date dans l’électrification de sa mobilité, la Ville de Zürich présentait au début de l'été un plan de 13 mesures pour accélérer encore plus sa transition.
« Le véritable défi réside dans la situation politique mondiale et la mobilisation de fonds publics dont nous aurions besoin ailleurs », explique Sabine Döbeli, directrice générale de Swiss Sustainable Finance (SSF).
« Il faut replacer la finance durable dans sa réalité : une démarche de long terme, complexe, parfois frustrante, mais indispensable », estime Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos.
« Investir durablement est non seulement possible, mais de plus en plus incontournable. La durabilité n’est pas une classe d’actifs à part : c’est un prisme d’analyse des risques et des opportunités », explique Sarah Perreard, co-directrice d’Earth Action.