Qui sauvera le climat : « ceux d’en haut » ou « ceux d’en bas » ?

Pour Pierre Cormon, journaliste à la Fédération des Entreprises Romandes Genève, « l'action en justice contre le cimentier Holcim a le mérite de poser une question essentielle : qui est responsable du dérèglement climatique ? »

Qui sauvera le climat : « ceux d’en haut » ou « ceux d’en bas » ?
Pierre Cormon, journaliste à la Fédération des Entreprises Romandes Genève.

Holcim pourrait bien se retrouver devant les tribunaux pour son rôle dans le réchauffement climatique. Quatre habitants de Pulau Pari, une île d’Indonésie, ont déposé une plainte contre le cimentier en janvier 2023. Cette action a le mérite de poser une question essentielle : qui est responsable du dérèglement climatique ?

Aujourd'hui, deux visions s’opposent. La première, incarnée par les plaignants d’Holcim ou par les « aînées » ayant obtenu la condamnation de la Suisse pour inaction climatique, cible les « grands » : multinationales, gouvernements, compagnies aériennes… Selon cette approche, leur poids et leur pouvoir confère à ces acteurs la possibilité de changer les choses. Si le climat se dégrade, c’est qu’ils n’agissent pas. Le changement doit venir du sommet ; notre rôle, en bas, serait de faire pression pour que ceux d’en haut changent d’attitude. Le problème serait donc d’abord les autres.

La seconde vision, elle, est incarnée par les particuliers qui délaissent la voiture pour le vélo, ou par les PME qui s’engagent dans une démarche de durabilité. Elle repose sur la conviction que le changement vient d’en bas : si, individuellement, les particuliers lambda ont peu de poids, ils sont si nombreux que, collectivement, leurs actions peuvent jouer un rôle déterminant et pousser ceux d’en haut à suivre le mouvement. Le problème, c’est nous tous.

Bien sûr, on peut avoir un pied dans chaque camp comme venir à vélo pour déposer plainte contre une multinationale. Mais, dans les faits, la plupart des gens se reconnaissent davantage dans l’une ou l’autre de ces visions.

Pour ma part, je me sens plus proche de la seconde vision. Elle a le mérite de prendre en compte la dimension systémique du problème. Si ExxonMobil vend du pétrole, c’est bien parce que des clients lui en achètent. Si le géant pétrolier se reconvertissait demain dans l’huile de noisette, ces mêmes clients iraient simplement acheter leur pétrole ailleurs — tout comme les anciens clients d’Enron n’ont pas cessé de consommer de l’énergie après la faillite du groupe en 2001.

Et si un gouvernement tentait de forcer toutes les compagnies pétrolières à se reconvertir dans l’huile de noisette, son projet connaîtrait sans doute le même sort que la hausse du prix des carburants en France, liée à une augmentation des taxes et torpillée par le mouvement des Gilets jaunes en 2019. On ne peut appliquer que ce qui est applicable.

À l'inverse, dans l'hypothèse cette fois où les consommateurs se détourneraient massivement du pétrole, ExxonMobil serait cette fois contraint d'adapter son modèle d’affaires — comme tant d’entreprises qui s’adaptent à l’évolution du marché.

Même si une amende monumentale devait frapper Holcim, l’empêchant de se développer et lui faisant perdre des parts de marché, le ciment serait simplement fourni par d’autres acteurs.

Des attaques vaines

Attaquer Holcim pour son rôle dans le réchauffement climatique paraît donc vain et cela d'autant plus dans une époque où le secteur de la construction consomme des quantités de béton toujours aussi pharaoniques. Même si une amende monumentale devait frapper l’entreprise, l’empêchant de se développer et lui faisant perdre des parts de marché, le ciment serait simplement fourni par d’autres acteurs.

Ceux-ci renforceraient sans doute leurs politiques de durabilité pour éviter de futurs actions similaires en justice. Sauf qu’Holcim est déjà considéré comme l’un des meilleurs élèves en la matière et qu’il leur faudra du temps pour atteindre son niveau. Paradoxalement, mettre des bâtons dans les roues d'Holcim pourrait donc revenir... à provoquer davantage d’émissions de CO₂.

Mieux vaut donc agir par le bas. Si suffisamment de promoteurs, d’architectes, d’acheteurs et d’investisseurs prennent conscience que le ciment est un produit dont la fabrication est néfaste pour le climat, si chacun fait des efforts à son niveau pour en limiter l’usage et privilégier des ciments moins émetteurs de CO₂, l’effet global sera bien plus significatif qu’une sanction isolée visant un seul maillon de la chaîne.

La solution se situe sans doute entre ces deux visions. « Ceux d’en haut » ont évidemment un rôle essentiel à jouer : accompagner ceux qui adoptent les bonnes attitudes, instaurer des conditions cadres favorables, proposer des incitations financières et encourager les offres durables. Mais si « ceux d’en bas » ne sont pas prêts à en profiter, rien ne changera vraiment. Et vous, de quelle vision vous sentez-vous le plus proche ?

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