La disparité des impacts environnementaux entre les différents pays est désormais largement reconnue. Cependant, il est encore difficile d'en déterminer une responsabilité spécifique, une équation qu'une étude publiée dans la revue « Nature » a tenté de résoudre.
« Après la COP29, les pays les plus pauvres du Sud sont repartis abasourdis par le refus du Nord de pratiquer une forme de justice climatique. En Suisse, le débat sur sa mise en œuvre ne fait que commencer », estime Delia Berner, experte en politique climatique internationale chez Alliance Sud.
L'urgence de réduire notre empreinte environnementale
La disparité des impacts environnementaux entre les différents pays est désormais largement reconnue. Cependant, il est encore difficile d'en déterminer une responsabilité spécifique, une équation qu'une étude publiée dans la revue « Nature » a tenté de résoudre.
De nos jours, il est indéniable que les activités humaines, basées sur une extraction continue des ressources, poussent la planète dans ses ultimes retranchements. Après un siècle d’abus et d’équilibres millénaires désormais bafoués, la Terre serait en train de sortir de l'Holocène, cette époque interglaciaire qui s'est étendue sur les 12 000 dernières années. Certains géologues utilisent désormais le terme controversé d'Anthropocène, une nouvelle époque géologique caractérisée par l’avènement de l'humanité comme principale force de changements planétaires.
Pour tenter de réduire notre pression sur l’environnement et ramener notre impact sur la planète à des niveaux supportables, une étude publiée dans la revue « Nature » estime qu'il est essentiel de comprendre la répartition des empreintes environnementales et des responsabilités entre les différents groupes de revenus. En d'autres termes, l’ambition de leur étude est de déterminer les importantes disparités dans l’exploitation et la consommation des ressources en fonction des niveaux de richesse.
En utilisant une base de données des dépenses couvrant jusqu'à 201 groupes de consommation dans 168 pays, ils ont étudié notre empreinte environnementale et évalué l'impact de cette consommation sur la planète. « Nous montrons que 31 à 67 % et 51 à 91 % de la responsabilité de la transgression des limites planétaires peuvent être attribués aux 10 % et 20 % des consommateurs les plus riches, respectivement, des pays développés et des pays en développement », indique-t-elle.
Inégalité des ressources : L'étude met en évidence d'importantes disparités dans la consommation des ressources, les 1 % les plus riches contribuant 50 fois plus aux émissions de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres de la population mondiale. Cette disparité se retrouve également dans la consommation : les 10 % de consommateurs les plus riches ont une empreinte environnementale de 4,2 à 77 fois supérieure à celle des 10 % les moins importants. « Si les 10 % des consommateurs les plus riches réduisaient simultanément leur consommation et leur intensité environnementale aux niveaux des plus pauvres, la pression sur l'environnement à l'échelle mondiale pourrait diminuer de 15 à 33 %. Lorsque cette approche est étendue aux 20 %, les taux d’atténuation augmenteraient à 25 à 53 % », selon l’étude.
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Pratiques plus durables : Le travail de recherches indique également que, si les 20 % de consommateurs les plus riches adoptaient des habitudes de consommation plus durables, ils pourraient réduire leur empreinte écologique de 25 à 53 %. Cela implique des changements de régime alimentaire ainsi qu’une réduction des besoins en services. « Parmi plusieurs indicateurs, le secteur des services présente le plus grand potentiel de réduction des émissions de CO2, suivi par celui de l’alimentaire », souligne l’étude publiée dans « Nature ». L'abandon de la viande rouge au profit d'aliments d'origine végétale pourrait, par exemple, réduire de manière significative les émissions liées à l'alimentation. Si les populations les plus riches consommaient davantage de légumineuses et de noix, les émissions liées à l'alimentation pourraient être réduites de 17 %, même si la consommation de viande en venait à augmenter dans les régions les plus pauvres.
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Différences régionales : L’étude démontre que la vaste population de la Chine a contribué de manière considérable au changement climatique malgré un taux de dépassement par habitant longtemps modeste. Le dépassement de 83 % de la Chine a dépassé celui des États-Unis à 76 % et celui de l'Europe à 54 %. « En raison de la diversité des contextes culturels et économiques, il est essentiel de trouver des solutions spécifiques à chaque région ». Par exemple, un régime à base de plantes peut ne pas être viable pour les communautés pastorales traditionnelles. Il est donc crucial d'élaborer des stratégies sur mesure pour répondre efficacement à ces différences.
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Besoin de nouvelles politiques : L'étude souligne la nécessité de mettre en œuvre efficacement les solutions existantes plutôt que d'en créer de nouvelles toujours plus techniques. Les politiques actuelles, comme les subventions qui vont à l'encontre de mesures telles que la tarification du carbone, devraient par exemple être réorientées pour soutenir les objectifs de durabilité.
Les auteurs de cette recherche précisent enfin qu'une réduction, ou du moins une nouvelle manière de consommer pour atténuer les pressions humaines sur l'environnement, n'est pas sans risques. « La mise en œuvre pratique de ces stratégies nécessite une réflexion approfondie sur leurs impacts économiques et sociaux plus larges, car elle pourrait entraîner une baisse de la demande du marché, ce qui pourrait provisoirement affecter l’investissement et l’emploi. »
Cependant, sur le long terme, il est évident que nous aurions beaucoup à gagner en transitionnant vers une économie plus durable.
Informations sur les auteurs
Ces auteurs ont contribué de manière égale : Peipei Tian, Honglin Zhong
Auteurs et affiliations
Institut de développement bleu et vert, Université du Shandong, Weihai, ChinePeipei Tian, Honglin Zhong, Ning Zhang et Xuan Shao
Département des sciences géographiques, Université du Maryland, College Park, MD, États-UnisXiangjie Chen, Kuishuang Feng et Laixiang Sun
École de finance et de gestion, SOAS University of London, Londres, Royaume-UniSoleil de Laixiang
Département d'économie foncière, Université de Cambridge, Cambridge, Royaume-UniNing Zhang
Faculté des sciences urbaines et environnementales, Université de Pékin, Beijing, ChineYu Liu
Institut de neutralité carbone, Université de Pékin, Beijing, ChineYu Liu
« Après la COP29, les pays les plus pauvres du Sud sont repartis abasourdis par le refus du Nord de pratiquer une forme de justice climatique. En Suisse, le débat sur sa mise en œuvre ne fait que commencer », estime Delia Berner, experte en politique climatique internationale chez Alliance Sud.