Il faut concentrer nos efforts sur la rénovation des bâtiments

« Atteindre l’objectif de neutralité carbone visé par la Suisse impliquera de tripler le taux de rénovation pratiqué depuis de nombreuses années (entre 0,8 et 1 %) », estime Philippe Thalmann, professeur d'économie de l'environnement à l'EPFL.

Il faut concentrer nos efforts sur la rénovation des bâtiments
Philippe Thalmann, professeur d'économie de l'environnement à l'EPFL.

Les bâtiments les plus faciles à assainir énergétiquement l'ont été, et les mesures les plus faciles à mettre en place l'ont également été pour les autres. Grâce à ces efforts, combinés à des hivers plus doux, les émissions de CO2 des bâtiments résidentiels et non résidentiels ont diminué de 44 % en 2022 par rapport à 1990.

Il reste cependant encore du chemin à faire, puisque la Loi sur le climat et l'innovation, approuvée le 18 juin 2023 par 59 % des votants, prévoit que les bâtiments émettent 82 % de moins de CO2 en 2040 qu'en 1990, et zéro en 2050. Par ailleurs, la consommation énergétique des bâtiments par m² devra baisser de 35 % d’ici 2050, par rapport à 2020.

On peut estimer qu'environ 75 % de la surface de référence énergétique reste à rénover pour atteindre l’objectif zéro CO2 d’ici 2050, soit un rythme de 3 % par an. Cela implique de tripler le taux de rénovation pratiqué depuis de nombreuses années (entre 0,8 et 1 %). Or, aujourd’hui, trois quarts de l’activité du secteur de la construction concernent les bâtiments neufs, contre seulement un quart dédié à la rénovation. Ce rapport doit donc être inversé, à moins de trouver tout à coup 600 000 personnes prêtes à travailler dans le secteur de la construction.

Si trois fois plus d’ouvriers sont mobilisés pour la rénovation énergétique du parc immobilier, cela laisse entendre que trois fois moins d'ouvriers pourront continuer à construire de nouveaux bâtiments. Cela pose un défi majeur, dans un contexte où il existe un fort sentiment de pénurie de logements et et où la population ne cesse de croître.

Différents scénarios

Dans un tel contexte, je ne vois que trois possibilités :

  1. Renoncer aux objectifs climatiques et énergétiques pour les bâtiments ;
  2. Mettre en place un système d'immigration de main-d'œuvre comparable à celui qui a permis d'augmenter la construction de logements de 20'000 unités en 1950 à plus de 60'000 en 1973 ;
  3. Loger la population croissante dans un parc immobilier dont le nombre d’unités n’augmentera quasiment plus.

Les surfaces d'habitation et d'activité considérables existant déjà plaident en faveur de la troisième option. En 1990, la surface de référence énergétique totale dédiée à l’habitation s’élevait à 346 km² pour une population de 6,67 millions d’habitants, soit 51,9 m² par personne. Avec ce même standard, les 530 km2 actuels pourraient héberger 10,2 millions d'habitants.

Toutefois, de nombreux obstacles sociaux, légaux et économiques s'opposent à une utilisation plus efficace du parc immobilier existant. Pour commencer, il est nécessaire de conjuguer les intérêts en faveur de la construction afin de répondre à la pénurie de logements. Des transformations économiques et sociales fondamentales sont donc nécessaires.

Augmenter les surfaces mutualisées

L'option N°3 présente également les avantages supplémentaires : elle permet de préserver les surfaces agricoles et naturelles, de réduire les déplacements, et de favoriser un mode d’habitation plus social. Est-il vraiment idéal que la moitié des logements urbains soient occupés par une personne seule ? En transformant les immeubles lors de leur assainissement de manière à réduire les espaces privatifs et augmenter les surfaces mutualisées, il serait possible d'offrir à chaque habitant plus de mètres carrés tout en diminuant la surface globale par habitant.

Prenons un exemple. Dans un immeuble typique de 1800 m2 (SRE), 1500 m2 sont privatisés dans les appartements et 300 m2 sont mutualisés pour les circulations, la buanderie et le local à vélos. Cet immeuble accueille 30 habitants, ce qui correspond à une surface de 60 m² par personne : 50 m² privatifs et 300 m² mutualisés, soit un total de 350 m².

Après transformation, cet immeuble ne privatise plus que 25 m2 par habitant. En hébergeant désormais 40 habitants, 1 000 m² sont dédiés aux espaces privatifs, tandis que 800 m² sont disponibles en surfaces mutualisées. Ces espaces comprennent une grande cuisine, une salle à manger, une chambre pour visiteurs, un espace de jeu, un espace de coworking, des zones d’entreposage, etc. La surface par habitant passe à 45 m² : 25 m² privatifs et 800 m² mutualisés, soit un total de 825 m².

Ce modèle peut-il être économiquement viable ? En principe, oui. Si le même bâtiment accueille 40 personnes au lieu de 30, il devient possible d’augmenter les revenus locatifs tout en réduisant le loyer par personne. Le propriétaire rentabilise ainsi l'assainissement et la transformation du bâtiment. Tout le monde est gagnant !

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