« Il n’y a pas de paradoxe à ce que la finance durable soit aussi synonyme de rentabilité »

Du 9 au 12 décembre, Building Bridges accueillera des participants venus de plus de cent pays. Entretien avec Patrick Odier, le président de la manifestation genevoise.

« Il n’y a pas de paradoxe à ce que la finance durable soit aussi synonyme de rentabilité »
Patrick Odier, président de Building Bridges. ©Mark Henley

Depuis sa création il y a cinq ans, Building Bridges est devenu un rendez-vous incontournable de fin d'année. Du 9 au 12 décembre, cet événement genevois accueillera des participants venus de plus de cent pays. Acteurs du secteur privé et financier, membres du gouvernement, experts académiques et ONG se réuniront pour débattre de questions essentielles telles que la finance durable, la valorisation de la nature et de la biodiversité, le rôle émergent des IA, ainsi qu’un ensemble de thématiques permettant de repenser le système financier.

Cependant, c’est dans un contexte trouble que ce sommet de la finance durable ouvre ses portes. Paradoxalement, alors que le secteur financier ne cesse de clamer son engagement en faveur d’une économie plus verte, les actions contredisent souvent ces belles paroles. Baisse des investissements durables, hedge funds pariant contre les énergies renouvelables, rencontres internationales manquées (COP29, COP biodiversité, sommet sur le plastique, etc.), les vents actuels soufflent rarement en faveur de la planète.

C’est dans ce contexte de discussions prometteuses et animées que nous avons rencontré le président de Building Bridges, Patrick Odier. Interview.

Commençons par évoquer le final semi-raté de la COP29. Quelle est votre analyse de ce qui s’est passé à Bakou ?

Mon premier constat est que, encore une fois, des décisions ont été prises en urgence à la fin de la session. Certes, les négociations sont complexes, mais cela dure depuis un certain temps déjà. Bien que les difficultés soient connues dès le début, les négociateurs se sont retrouvés, deux jours avant la clôture, à tenter péniblement de conclure un compromis qui, par définition, ne sera pleinement satisfaisant ni pour les uns ni pour les autres.

Mon sentiment concernant ces COP est qu'il y a un problème de rhétorique. En revenant constamment sur des déclarations déjà faites, elles replongent sans cesse dans d’anciennes discussions au lieu de les considérer comme acquises. Cela crée non seulement de la confusion, mais contribue également à décrédibiliser les décisions passées. Prenez par exemple les énergies fossiles : lorsque les États s'accordent en 2023 pour une sortie ordonnée, c'est une déclaration importante. Alors pourquoi rouvrir la discussion sur ce sujet et insister sur leur incapacité à réitérer cette déclaration ? Ce genre de retour en arrière nuit au processus.

Je me demande aujourd’hui si l'organisation et la forme de ces discussions n'ont pas atteint leurs limites, et s'il ne serait pas temps de remettre en question le processus de ces COP. Après tout, cela fait 29 fois que ces sujets sont abordés dans ce cadre, et les résultats restent toujours aussi difficiles à obtenir. Pendant ce temps, les problèmes ne cessent de s’aggraver.

Cette difficulté des négociations n’est-elle pas justement liée à l’aggravation de la situation ?

Absolument. La gravité des défis augmente, à la fois en amplitude et en rythme. Les rapports des experts sont sans appel : nous avançons dans une direction opposée aux objectifs fixés pour affronter les grands défis climatiques. Et comme le temps pour agir se réduit, la pression ne fait qu’augmenter. Cela explique non seulement la complexité des discussions, mais aussi les tensions croissantes entre les acteurs.

Peut-on parler de défiance mondiale à l'égard des causes environnementales ?

Relativisons un peu les résultats obtenus à Bakou. Il s'agit tout de même d’un accord de 300 milliards de dollars, ce qui est loin d'être négligeable. C'est même trois fois plus que les promesses précédentes. Toutefois, il sera crucial que ces montants soient réellement mis à disposition des pays émergents, qui souffrent davantage des changements climatiques que les pays développés. Sous quel délai et sous quelle forme ces fonds seront-ils versés ? S'agira-t-il de dons, de prêts, ou d'une combinaison des deux ? Seront-ils conditionnels ? De nombreuses incertitudes planent encore sur ces financements, qui, je l’espère, seront alloués plus facilement que les milliards promis lors des COP précédentes.

Je suis davantage préoccupé par la fracture entre les pays du Sud et ceux du Nord. Cette division est regrettable, car il est crucial de parvenir à un accord plutôt que de s'opposer dans la recherche de solutions. Je reste néanmoins convaincu que les États doivent jouer un rôle central dans cette transition. Il est nécessaire d’aboutir à des accords intergouvernementaux pour déterminer la quantité et l’agenda des flux de capitaux à transférer du Nord au Sud. Une telle supervision est essentielle pour assurer une utilisation efficace des fonds levés, car le système financier international seul ne peut suffire.

Sur une note plus positive, il faut souligner que les États ont enfin commencé à discuter de la création d'un marché mondial du carbone. Un tel système mettrait fin aux disparités actuelles, où la tonne de carbone varie de 100 dollars à Singapour à cinq fois plus à Toronto.

« Les sujets abordés dans le cadre de Building Bridges seront influencés par les agendas internationaux et les tensions géopolitiques actuelles. Cette édition sera donc marquée par la pression de nombreux vents contraires. »

Dans quel état d'esprit entamez-vous cette nouvelle édition de Building Bridges ?

Nous savons que cette année est extraordinairement complexe. Les sujets abordés dans le cadre de Building Bridges seront influencés par les agendas internationaux et les tensions géopolitiques actuelles. Cette édition sera donc marquée par la pression de nombreux vents contraires.

Je pense notamment à la politisation du débat sur les mesures à prendre pour la sauvegarde de la planète, ainsi qu’à la fragmentation de l’opinion publique sur ces enjeux. L’implication d’une part significative de la population dans cette transition reste incertaine, en raison d’une situation économique difficile. L’appauvrissement ressenti par de nombreux citoyens a des conséquences qui compliquent la compréhension des urgences, sans parler de l’impact sur les élections dans certains pays. L’évolution actuelle du paysage politique n’envoie clairement pas un signal favorable pour atteindre les objectifs fixés à Paris en 2015.

Cette complexité pour 2024 réside également au niveau de la régulation, y compris dans le secteur financier. Nous faisons face à une réglementation faite d’exigences techniques et de contraintes bureaucratiques supplémentaires, qui entravent également la prise d’initiatives en faveur d’une transition rapide.

Building Bridges 2023 ©Antoine Tardy

Entre la première édition de Building Bridges et celle de 2024, avez-vous le sentiment qu'il y a une détérioration de la situation ?

Je constate une certaine fatigue. Elle compréhensible au regard de tout ce que nous avons évoqué en termes de vents contraires. Le problème est que cette lassitude engendre un risque de désintérêt qu’il faut absolument contrer. C'est pourquoi Building Bridges s’efforce de maintenir un espace de dialogue ouvert et inclusif, capable d’explorer des solutions nouvelles, adaptées aux enjeux actuels.

Notre principal enjeu sera d’aboutir à un agenda en adéquation avec les priorités réelles, tout en accélérant les mesures destinées à faciliter la transition durable, y compris par le secteur financier.

COP sur la biodiversité, COP29, conférence mondiale sur le plastique, Building Bridges à Davos en janvier… Il existe désormais de nombreux forums où l’on discute des enjeux environnementaux, mais ne trouvez-vous pas que, sur le terrain, les actions concrètes font encore défaut ?

Pour Building Bridges, c'est une question centrale : quels objectifs concrets devons-nous nous fixer lors de nos moments forts ou de nos activités en général ? Je pense que nous devons viser un changement d'état d'esprit, d'une part, et de l'autre, établir une langue commune et renforcée.

Sur le plan de l’état d’esprit, l’enjeu est de rappeler que la transition ne se réalisera pas en deux ou trois ans, mais sur un horizon temporel difficile à appréhender, car il varie en fonction des situations et des responsabilités du moment. Il faudra donc s'attendre à des déviations temporaires, l'essentiel étant de ne pas perdre de vue l’objectif final. Building Bridges s’efforce de maintenir ce cap en réaffirmant les objectifs à atteindre, les délais à respecter et les choix politiques à envisager.

« Notre objectif, en toute modestie, est de réunir toutes ces forces dans le cadre de Building Bridges et de faire progresser les discussions un peu plus rapidement. »

Qu’entendez-vous par « langue commune et renforcée » ?

Il est essentiel, pour le secteur financier, de clarifier les raisons pour lesquelles il est disposé ou non à s'engager dans certaines orientations liées à la transition durable. Cela permettrait non seulement d’éviter une opposition frontale entre le monde de la finance et d’autres secteurs, mais aussi de mettre en place un cadre et un calendrier plus cohérents. L’objectif principal de Building Bridges est de permettre à la finance, à travers le dialogue, de jouer un rôle clé dans l’accélération de cette transition durable.

N'est-ce pas là l'un des principaux défis de Building Bridges ? Trop de discussions et pas assez d'actions concrètes ?

Building Bridges a pour objectif de rassembler autour de la même table la société civile, les ONG, les organisations internationales, ainsi que les secteurs académiques, industriels, financiers et gouvernementaux. Son rôle principal consiste à créer une dynamique incitant cette communauté à adopter des mesures concrètes et à passer à l'action.

Sur le plan des actions, nous avons contribué à l’élaboration d’une feuille de route pour l’industrie financière suisse, en collaboration avec « Swiss Sustainable Finance ». Ce document fournit des directives précieuses pour aider les acteurs économiques à instaurer un dialogue constructif avec les entreprises dans lesquelles ils investissent, notamment sur les enjeux environnementaux.

Une autre action concrète est le développement des « Swiss Climate Scores », une méthodologie alternative à la taxonomie européenne. Plutôt que de classer rigidement les activités économiques, comme en Europe, la Suisse a choisi une approche plus flexible et scientifique. Lancée en 2022, cette méthode facultative permet d’évaluer la durabilité des portefeuilles financiers et d’accompagner les entreprises dans leur transition vers des modèles plus responsables.

Enfin, dans le cadre de Building Bridges, nous avons parfois exercé une influence en amont d’autres conférences internationales majeures. Cela a été le cas avec les dialogues de Charm el-Cheikh préparatoires à la COP28, dont la deuxième session s'est tenue sous l'égide de Building Bridges. Nous avons également organisé la conférence post-COP15, lors de laquelle les Nations Unies ont présenté de nouveaux standards axés sur la préservation de la nature, au-delà des enjeux climatiques.

Et cette année, Building Bridges organisera une table ronde de référence sous l'égide des Nations Unies. Bisannuelle, cette manifestation réunira près de 500 professionnels et négociateurs sur une durée d'un jour et demi.

Malgré son jeune âge, Building Bridges commence à jouir d'une aura internationale et à peser de plus en plus dans la balance…

Nous répondons indéniablement à un besoin croissant de dialogue et de rassemblement d'acteurs qui discutent déjà dans d’autres cadres, parfois de manière redondante, des mêmes sujets. Notre objectif, en toute modestie, est de réunir toutes ces forces dans le cadre de Building Bridges et de faire progresser les discussions un peu plus rapidement.

Au cours des dernières semaines, nous avons pris connaissance d'une réalité inquiétante : la finance reste encore éloignée des objectifs écologiques. Une étude révélait que les plus grands hedge funds mondiaux parient contre les énergies renouvelables tout en maintenant des investissements à long terme dans les énergies fossiles. Quelle est votre réaction face à cette situation ?

Elle met en lumière un dilemme profondément ancré dans la finance : la tension entre le court terme et le long terme. À court terme, certains acteurs sont rémunérés pour tirer parti des fluctuations du marché, sans se préoccuper de savoir si elles favorisent ou non les énergies renouvelables. Ce court-termisme fait partie intégrante de leur modèle économique. Il reflète aussi la responsabilité des financiers vis-à-vis de leurs clients : trouver un équilibre entre le profil de risque qu’ils proposent et celui que leurs clients attendent.

Il est également crucial de souligner un autre point : les flux de capitaux en faveur de la transition durable ne se limitent pas au financement des énergies renouvelables. Ils incluent aussi des investissements dans la transformation des grandes industries. Il est désormais incontestable que le développement durable ne se limite pas à un secteur particulier, mais englobe l’ensemble de l’activité économique.

Une bonne nouvelle est que, globalement, le mouvement a été lancé dans la plupart des secteurs. Aujourd'hui, la majorité des acteurs économiques prennent progressivement conscience de la nécessité d'adapter leurs modèles et pratiques pour faire face aux enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux. Ce sont des facteurs qu’il faudra prendre en compte, sans quoi les dommages seront irréversibles et entraîneront des tensions supplémentaires au sein de nos sociétés à moyen et long terme.

« Il est également crucial de souligner un autre point : les flux de capitaux en faveur de la transition durable ne se limitent pas au financement des énergies renouvelables. »

Le monde de la finance peut-il vraiment se défendre d’être vert dans sa logique actuelle de rentabilité et de performance ?

À court terme, probablement pas, car le système pousse à soutenir des acteurs dont la rentabilité est certes cruciale, mais dont le cœur d’activité n’est pas véritablement durable. En revanche, à long terme, nous ne pourrons réussir cette transition de manière efficace que si la finance devient à la fois durable et rentable. Et je ne parle pas uniquement de rentabilité financière.

Les bénéfices des changements à venir pourraient, par exemple, se traduire par des progrès sociétaux, tels qu’une amélioration de la justice sociale et de la protection des droits humains et fondamentaux.

Sur le plan économique, il faut s'attendre à de nouveaux paradigmes, tels que la transparence totale des chaînes d'approvisionnement pour tous les produits que nous consommons. Sans cela, les entreprises risquent de se retrouver dans des positions extrêmement délicates, non seulement face aux politiciens et aux régulateurs, mais aussi vis-à-vis de leurs employés, qui pourraient refuser de travailler pour elles. Un dilemme similaire pourrait se poser pour leurs actionnaires, qui ne souhaiteraient plus investir dans des entreprises ne mettant pas en œuvre des pratiques transparentes et durables.

Ainsi, il n’y a, selon moi, aucun paradoxe à ce que la transition vers la durabilité puisse aussi être synonyme de rentabilité.

Building Bridges 2023 ©Antoine Tardy

N’y a-t-il toutefois pas une nécessité pour le secteur financier de sacrifier une partie de la rentabilité, liée à cette vision court-termiste des marchés, au profit d’investissements moins rentables mais prometteurs sur le long terme ?

La transition doit être globale. Il ne s’agit pas d’opposer les investissements durables aux autres, mais de garantir que la tendance à moyen terme reste positive, plutôt que de se focaliser sur les fluctuations à court terme.

Prenons le conflit en Ukraine : il y a dix ans, personne n’aurait imaginé qu'une guerre éclaterait en Europe. Aujourd'hui, nous en mesurons les conséquences sur les chaînes d'approvisionnement mondiales et sur le secteur de l’énergie. Cependant, ce genre d’événements ne fait pas partie des réalités économiques et conjoncturelles à long terme.

Bien que ces événements aient des répercussions à court terme, il reste essentiel de veiller à ce que les mesures prises à moyen et long terme soient appropriées, notamment en assurant la poursuite de l’investissement dans les énergies renouvelables. Cela implique également de soutenir les innovations technologiques, comme celles qui se développent actuellement dans le domaine du nucléaire.

Comprenez-vous que ce type d’actualité puisse nuire à l’image que vous tentez de promouvoir auprès du grand public ?

Il est évident que cela met en lumière un besoin crucial de transparence. Pour le secteur bancaire, cela implique d'avoir une vision claire du contexte macroéconomique global afin de favoriser les investissements durables à long terme. Chez Lombard Odier, par exemple, nous sommes convaincus que cette transition représente la meilleure source de rentabilité et d'opportunités pour les portefeuilles que nous gérons.

Il est établi que la transition énergétique et la réalisation des objectifs de Paris exigeront des investissements colossaux. Selon vous, le secteur bancaire et financier fait-il suffisamment pour mobiliser les fonds nécessaires à cette transition ?

Le secteur financier ne peut pas agir seul ; l'ensemble du secteur privé doit être pleinement impliqué. Les principaux acteurs économiques et industriels, détenteurs de ressources considérables, occupent une position stratégique. Sans leur engagement, la transition sera irréalisable.

Si vous me demandez : « Les banques peuvent-elles y parvenir ? », ma réponse est que la responsabilité n'incombe pas uniquement aux banques, mais à l'ensemble du secteur financier. La question du risque est primordiale. Sans une gestion appropriée de ce dernier, aucune avancée ne sera possible. C'est pourquoi une collaboration étroite avec le secteur public est indispensable. Techniquement, cela se traduit par la « blended finance », un mécanisme où les secteurs privé et public s'associent pour partager à la fois les risques et les opportunités.

« Il est donc parfaitement logique que la banque ne joue pas le rôle d'un acteur du capital-risque et qu’elle ne s'engage pas directement dans le financement des start-up. »

La Suisse abrite plus de 600 start-ups, dont un grand nombre sont en recherche de financement. Ne serait-il pas temps que les banques commencent à investir dans ces jeunes pousses ?

Vous touchez ici à un sujet lié au capital-risque et à l’évolution des conditions-cadres en Suisse. Actuellement, ce sont surtout des acteurs spécialisés qui soutiennent cet écosystème d'innovation. Dans le processus de création d'entreprises, il est souvent constaté que les ressources nécessaires pour les phases de développement sont plus facilement accessibles à l’étranger. Cette situation s'explique autant par la petite taille et les spécificités de la Suisse que par des réticences du secteur financier local.

Il serait incorrect de prétendre que les banques ne souhaitent pas soutenir la création d’entreprises. Toutefois, elles privilégient souvent d’autres approches, en soutenant des acteurs déjà établis, qui génèrent des opportunités de demande et de partenariats pour les start-up. En contribuant à maintenir la position de la Suisse en tant que leader mondial dans des secteurs tels que l’alimentation, la chimie-pharmacie et l’inspection, les banques financent l’innovation technologique, bien que cela ne passe pas nécessairement par le soutien direct aux start-up.

Cela dit, les banques peuvent également investir dans les jeunes entreprises en allouant des capitaux à travers des fonds spécialisés dans le capital-risque. Il est essentiel de souligner que le métier de capital-risqueur diffère de celui des banques traditionnelles.

Pensez-vous que la Suisse manque d'incitations publiques pour encourager les banques à soutenir les start-up de manière plus directe?

Il n'incombe pas à une banque de prendre, avec ses fonds propres, des risques qui excèdent sa mission essentielle : à savoir ceux de financer les entreprises à long terme par le biais de prêts ou d'investissements. Le rôle de la banque n'est pas celui d'un capital-risqueur. Sa mission est de prêter des fonds pour alimenter l'économie là où elle en a besoin, de soutenir le développement des entreprises, de créer des emplois et favoriser la croissance d'un pays. Telle est sa mission première.

Sa seconde mission consiste à préserver l’épargne : celle du salarié, du futur retraité, de l’investisseur, etc. Ces deux fonctions sont d'autant plus justifiées ou critiquées en fonction du niveau de risque qu'elles comportent. Il est donc parfaitement logique que la banque ne joue pas le rôle d'un acteur du capital-risque et qu’elle ne s'engage pas directement dans le financement des start-up.

Qu'en est-il des obligations vertes ? La Suisse doit-elle persister dans cette voie et, parallèlement, réduire le risque pour les investisseurs dans ce type d'actifs ?

Les obligations vertes représentent une voie prometteuse que la Suisse devrait approfondir, notamment pour les collectivités publiques. Parallèlement, il serait pertinent de développer des obligations durables destinées aux entreprises et aux autorités locales, un concept qui a partiellement émergé lors des discussions à Building Bridges.

Ces instruments ajoutent une dimension plus citoyenne à la finance. Lorsqu'une commune ou un canton émet une obligation dite durable pour lever des fonds destinés à des projets ayant un impact positif sur la société, le message devient plus clair et plus compréhensible. Par exemple, financer le renforcement des espaces verts ou des infrastructures sportives à l’échelle d’un canton sera sans doute mieux perçu par les citoyens que d'autres formes de financement.

Cependant, pour favoriser cette transition, il est crucial de mettre en place un cadre propice qui incite les autorités publiques à émettre ce type d'instruments plutôt que d'autres. Cela pourrait se concrétiser par des conditions financières plus avantageuses, telles que des taux d'intérêt plus bas ou des coûts réduits.

Dans ce contexte, les banques et les gestionnaires d'actifs ont un rôle essentiel à jouer. Ils doivent continuer à innover et à développer de nouveaux instruments financiers, en complément de ceux déjà existants, tels que le microcrédit, l'investissement d'impact, le système de « blended finance », ou encore l'investissement direct dans des fonds dédiés à la transition climatique.

« En seulement 30 ans, nous avons transformé notre manière de produire de l’énergie, un changement sans précédent dans l’histoire de l’humanité. »

Pour revenir à l'actualité, comment avez-vous réagi au retour de Donald Trump à la tête de l'État américain ?

Ses premières déclarations concernant le retrait des États-Unis de certaines initiatives internationales sont certes préoccupantes, mais se matérialiseront-elles réellement ? Il est encore trop tôt pour le dire. Néanmoins, le retour de Trump à la Maison Blanche doit être perçu comme un signal inquiétant, susceptible d'influencer d'autres acteurs encore hésitants à investir dans la transition énergétique et climatique.

Il est également important de rappeler que, sur le plan américain, la transition énergétique ne relève pas exclusivement de Washington. Elle repose également sur une responsabilité partagée avec les États, soutenus par le secteur privé. De nombreux gouverneurs ont déjà mis en place des politiques favorisant cette transition et continueront à le faire sous la présidence de Trump. Son élection pourrait donc s'avérer moins catastrophique que ce que certains redoutent.

Il est d’ailleurs quelque peu ironique de constater que certains des États les plus réfractaires aux investissements durables, en invoquant des arguments souvent douteux contre leurs industries fossiles, figurent aujourd’hui parmi les plus grands producteurs d’énergie renouvelable du pays. Saluons le fait que la première puissance mondiale soit déjà, à bien des égards, engagée dans cette dynamique plus responsable.

L’évolution politique actuelle en Occident semble, malgré tout, évoluer en défaveur des politiques vertes, comment garder espoir ?

Il est possible de rester optimiste pour deux raisons. La première tient au fait que nous sommes en train de franchir un seuil crucial entre le monde d'hier et celui, durable, de demain. Certes, la progression varie selon les régions du monde, mais des avancées notables sont visibles. Pour ma part, je l'observe à travers les entreprises avec lesquelles nous collaborons : toutes ont réorganisé leur direction générale afin d'intégrer la durabilité dans leur stratégie.

Ces efforts sont-ils suffisamment rapides ? Probablement pas, mais le rythme de cette transition ne peut être dissocié des réalités économiques et sociales dans lesquelles elle se déploie. Il convient également de prendre en compte les effets collatéraux associés à ces changements. Prenez l'exemple de l'exploitation de l'huile de palme : il est facile de dire « Je veux bien arrêter, mais que puis-je faire à la place et avec quels moyens financiers ? » Ce type de défi est complexe à résoudre et nécessitera d’adapter la vitesse de la transition en fonction des contextes locaux.

Dernier point positif à mentionner: l’ampleur du chemin déjà parcouru. Ce que nous avons accompli en matière d'innovation dans la production énergétique est historique. En seulement 30 ans, nous avons transformé notre manière de produire de l’énergie, un changement sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Cette transition vers l’énergie solaire et éolienne représente la transformation de modèle la plus significative de toute l’histoire humaine. Nous avons amorcé une révolution majeure, et il est crucial qu’elle soit reconnue et saluée.

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