Chaque mois, nous interrogeons différents secteurs et professions sur des thématiques spécifiques. Pour ce mois d'octobre, la parole est donnée aux fournisseurs d'énergie concernant la politique énergétique de la Suisse.
Les réponses de Mauro Salvadori, responsable des affaires publiques chez Alpiq.
Le Parlement et le Conseil fédéral se concentrent sur l’augmentation de l’énergie renouvelable en Suisse, mais ne faudrait-il pas plutôt encourager la modernisation du réseau ainsi que l'amélioration du stockage de l’énergie ?
Ce n'est pas l'un ou l'autre. Pour que la transition énergétique réussisse, il faut investir dans les trois domaines. Il s'agit donc aussi bien de développer rapidement les énergies renouvelables, en mettant l'accent sur la production hivernale supplémentaire, que d'investir dans le stockage et l'infrastructure du réseau.
N’est-il pas choquant que la Confédération envisage de brider la production solaire parce que le réseau n’est pas suffisamment adapté pour absorber toute cette énergie ?
Le défi consiste à intégrer la production d'électricité éolienne et solaire, - toutes deux dépendantes des conditions météorologiques -, dans le système énergétique et à maintenir une tension stable dans le réseau. Il s'agit, comme vous l'avez mentionné, d'empêcher d'éventuelles coupures et de stocker la précieuse énergie issue du vent et du soleil afin qu'elle soit disponible aux moments où nous en avons besoin, ou alors de l'utiliser intelligemment, en la transformant par exemple en hydrogène.
En tant que producteur et distributeur, quelles sont vos attentes à l'égard des pouvoirs publics pour sortir de cette impasse ?
L'évolution de la production d'électricité photovoltaïque est très réjouissante. Parallèlement, le besoin de solutions dans le domaine de la flexibilité, un moteur de la transition énergétique, augmente, et ce tant sur le réseau de transport qu'au niveau local et décentralisé du réseau de distribution.
Par flexibilité, nous entendons notamment, au niveau des aménagements, les centrales de pompage-turbinage, les batteries et la production d'hydrogène. Les lacs d’accumulation rendent également de précieux services en faveur de la transition énergétique.
Nous devons impérativement continuer à développer nos infrastructures et à investir pour les générations futures, comme l'ont fait nos grands-parents.
Pour renforcer la sécurité d'approvisionnement, il faut, comme pour la production, un mélange de technologies de stockage utiles au réseau. Un gigawatt (GW) de stockage flexible permet d'intégrer 10 GW de puissance installée issue de la production dépendante des conditions météorologiques, ce qui correspond à son tour à environ 20 térawattheures (TWh) d'électricité.
Les horaires du marché day-ahead se basent, entre autres, sur les prévisions météorologiques ; les écarts par rapport à ces prévisions doivent être compensés à tout moment en temps réel. Des aménagements très flexibles et des marchés ouverts sont nécessaires afin que l'allocation soit optimale et que l'énergie excédentaire puisse être utilisée de manière optimale dans le système.
Selon votre expérience, les objectifs fixés par les politiques en matière de transition énergétique sont-ils toujours réalistes, atteignables ou, au contraire, encore très hypothétiques ?
La transition énergétique reste possible et réalisable. Fondamentalement, l’acceptation sociale de la transition énergétique en Suisse est décisive. C'est pourquoi le OUI clair de la population à la Loi sur l'électricité a constitué un signal important ! Les citoyens ont montré leur soutien à un approvisionnement en électricité sûr grâce aux énergies renouvelables et locales.
La Loi sur l'électricité met à disposition les instruments nécessaires pour faire avancer la transformation de notre système énergétique, le projet d’une génération. Elle renforce le développement des énergies renouvelables et de la production d'électricité en hiver. La transformation de notre système énergétique est une tâche qui nous concerne tous ; un approvisionnement en électricité sûr et à des prix abordables est l'épine dorsale de notre économie et de notre société.
La voie est désormais libre pour la mise en œuvre rapide des projets qui permettront d’approvisionner notre pays en énergie. La priorité d'Alpiq, en collaboration avec ses partenaires, est clairement la mise en œuvre des projets de la « Table ronde sur l'hydroélectricité » auxquels elle participe. Il s'agit des projets Gornerli et Oberaletsch ainsi que de la surélévation des barrages d'Emosson, de Moiry et de Sambuco.
Nous devons impérativement continuer à développer nos infrastructures et à investir pour les générations futures, comme l'ont fait nos grands-parents.
L'économie doit prendre ses responsabilités et aller de l'avant. La Suisse ne peut pas se reposer sur les performances des générations précédentes. Nous devons impérativement continuer à développer nos infrastructures et à investir pour les générations futures, comme l'ont fait nos grands-parents. Pour cela, il faut aussi des décisions de gestion courageuses. Il faut un peu plus d'esprit pionnier et moins d'optimisation à court terme de la gestion.
Pour réussir, il faut aussi des procédures plus rapides et une plus grande prise de conscience de la société que, si nous voulons réduire notre empreinte carbone, cela ne se fera pas sans intervention sur le paysage et la nature. De ce point de vue également, le « oui » clair à la Loi sur l'énergie a été un signal fort.