« La Suisse réunit toutes les conditions nécessaires pour être leader en finance durable »

« Avec une croissance d’environ 2 500 % au cours des dix dernières années, l'importance de la durabilité dans les investissements s’est donc considérablement renforcée en Suisse », explique Naomi Pfister, conseillère spécialisée en finance durable pour de l'Association suisse des banquiers (ASB).

« La Suisse réunit toutes les conditions nécessaires pour être leader en finance durable »
Naomi Pfister, conseillère spécialisée en finance durable pour de l'Association suisse des banquiers (ASB).

Présentée comme un levier majeur de la transition climatique, la finance durable vit une période difficile. Les engagements annoncés par les grandes institutions financières n’ont pas résisté bien longtemps, fragilisés notamment par des pressions politiques et juridiques contre-productives. Les revers et les départs observés au sein de la « Net-Zero Banking Alliance » (NZBA) illustrent ce désarroi.

Pourtant, dans un contexte toujours marqué par l’urgence climatique et les défis énergétiques, comment redonner un cap clair — un second souffle — à la finance durable ? Et quel rôle la Suisse pourrait-elle jouer dans cette reconstruction ?

À quelques jours de l'ouverture de « Building Bridges », le sommet genevois consacré à la finance durable, nous poursuivons notre série d’interviews en compagnie cette fois de Naomi Pfister, conseillère spécialisée en finance durable pour de l'Association suisse des banquiers (ASB).

Les déboires croissants rencontrés par la NZBA apparaît comme un recul flagrant du secteur bancaire dans la quête d’une finance véritablement durable. Dix ans après les accords de Paris, comment l'expliquer ?

Les alliances « Net Zero » et autres initiatives en matière de développement durable ont servi de plateformes d’échanges entre institutions financières sur la transition climatique. Toutefois, ce n'est pas au sein de ces groupes que le travail réel est effectué. Dans le domaine climatique en particulier, de nombreux progrès ont abouti à de nouvelles réglementations ces dernières années. Nous voyons donc cette évolution non pas comme un échec, mais comme une étape normale de maturation.

Selon les statistiques publiées chaque année par Swiss Sustainable Finance (SSF), le volume des investissements durables gérés en Suisse a atteint 1 881 milliards de francs à fin 2024. Dix ans plus tôt, il s’élevait à 71,3 milliards. Cela correspond à une croissance d’environ 2 500 %. L'importance de la durabilité dans les investissements s’est donc considérablement renforcée, et nous jugeons très improbable qu’elle puisse régresser. Au contraire, nous anticipons une poursuite de cette dynamique, qui devrait s’orienter vers une généralisation.

L’exode des grandes banques de la NZBA ne relève-t-elle pas avant tout d’enjeux politiques plutôt qu’à des considérations financières ?

Il est vrai que le contexte a évolué depuis la création de la NZBA, mais les raisons de ce retrait ne sont pas uniquement politiques. De nombreuses banques suisses avaient déjà défini des objectifs ambitieux en matière de finance durable bien avant l’existence de la NZBA, et elles continueront de les poursuivre, qu’elles en soient membres ou non.

Dans le contexte actuel, les banques peuvent-elles réellement défendre l’intérêt de leurs clients tout en défendant le climat ?

Il convient de rappeler que les intérêts de nos clients sont définis par eux-mêmes. Nous estimons que notre rôle principal consiste à les informer et à les conseiller sur les avantages qu’offre la prise en compte des risques et opportunités liés au changement climatique, à la transition écologique et à la résilience. Les deux autorégulations élaborées par la SBA visent directement cet objectif.

Le principal problème n’est-il pas aujourd’hui lié à l’impression que la finance durable – et même le mot « durabilité » – sont devenus des fourre-tout sans réelle consistance ?

La durabilité est effectivement un concept aussi abstrait que celui de liberté. Si ces concepts sont nécessaires, pour être efficaces, ils doivent s’appuyer sur des définitions précises telles que celles élaborées au cours des trente dernières années. Cependant, les attentes en matière de finance durable ont fini par évoluer au fil du temps et des concepts datant du « boom » de la finance durable, - quelques années plus tôt -, sont aujourd'hui de plus en plus remis en question.

En Suisse, les autorégulations de l’ASB et de L'Asset Management Association Switzerland (AMAS) ont apporté de la clarté en définissant rigoureusement ce qui relève, ou non, de la finance durable. Avec leur approche fondée sur des principes, elles offrent à la fois une ouverture et la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux évolutions futures.

Le véritable progrès réside dans le fait que la finance durable ne soit plus considérée comme un domaine nouveau et passionnant, mais bien comme une partie intégrante des processus habituels d'une banque.

De manière similaire aux critères ESG, ne faudrait-il pas une refonte complète du terme finance durable, afin de tracer une nouvelle voie et retrouver la dynamique survenue à Paris 2015 ?

La finance durable a considérablement évolué ces dernières années. Chercher à la promouvoir uniquement par la réglementation a, comme l’illustre l’exemple de l’UE, surtout généré de la confusion — en particulier parmi les investisseurs, qui ne sont pas des experts en la matière. Si une révision s’impose, c’est sans doute moins celle des concepts que celle de l’impact réel de la finance durable. On peut aussi se demander s’il ne serait pas plus pertinent de concentrer les efforts sur la création de conditions favorables permettant à l’économie réelle de jouer pleinement son rôle.

Quelles actions pourraient être menées pour changer le narratif actuel autour de la finance durable, narratif désormais entaché par le déclin de la NZBA ?

À mes yeux, le véritable progrès réside dans le fait que la finance durable ne soit plus considérée comme un domaine nouveau et passionnant, distinct des activités bancaires « traditionnelles », mais bien comme une partie intégrante des processus habituels d'une banque. Nous sommes sortis de l’euphorie d’il y a quelques années pour entrer dans une phase de maturation et de généralisation. Plusieurs indicateurs vont dans ce sens : la progression continue des émissions d’obligations vertes et la croissance des revenus liés à des activités « vertes » pour les entreprises à travers le monde.

Avec des événements comme « Building Bridges », la Suisse ne devrait-elle pas tout faire pour s’assurer un rôle de leader dans le domaine de la finance durable ?

La Suisse le fait déjà. Elle bénéficie d’une excellente réputation dans le secteur financier : ses services sont perçus comme étant de grande qualité, comme l’a confirmé l’enquête de la SBA sur l’image des banques publiée en mars 2024. Elle figure également parmi les pays les plus compétitifs et innovants au monde, selon le Forum économique mondial (WEF) et l’IMD. Cette combinaison lui offre toutes les conditions nécessaires pour renforcer encore plus cette position en matière de finance durable.

Publié au mois d'octobre 2024, le «Global Green Finance Index» (GGFI), – qui évalue la disponibilité des offres d’investissement durable dans les grandes places financières –, classe ainsi Zurich (2e), Genève (4e) et Lugano (13e) parmi les 20 premières places financières mondiales. Et nous sommes convaincus que cette dynamique se poursuivra.

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