« Les actes de certains ne signifient pas que la finance renonce à être plus durable »

Entretien avec Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo.

« Les actes de certains ne signifient pas que la finance renonce à être plus durable »
Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo.

Ce mois de décembre se profile comme celui de la finance « verte ». Ce thème sera au cœur de Building Bridges à Genève, un événement majeur qui rassemble chaque année des conférenciers venus des quatre coins du globe. L'édition 2024 s'annonce particulièrement complexe, car la finance verte n'a pas trop le vent en poupe de nos jours. Derrière les beaux discours, les actes apparaissent parfois moins glorieux.

Après un déclin des investissements durables observé aux États-Unis en début d'année, la Suisse fait face à un ralentissement similaire. Un institut de recherche en finance basé à Zoug a constaté que la croissance des flux financiers en faveur des fonds de placement respectant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) n'était actuellement plus suffisante pour rattraper celle des fonds traditionnels. Durant l'automne, la plateforme spécialisée Hazeltree révélait également que les plus grands hedge funds mondiaux préféraient parier contre les technologies « vertes » et le développement durable, tout en investissant à long terme dans les énergies fossiles.

Compte tenu du contexte, nous avons jugé opportun d'interroger les acteurs - petits et grands - de la finance sur leur relation à l'investissement durable. Les réponses de Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo.

Quelle est votre approche par rapport à la finance dite verte ?

Nous adoptons une vision globale à long terme de la transition vers l'économie verte : nous n’anticipons pas une transition linéaire et sans heurts. Nous observons un appétit croissant pour le stimulus économique des deux côtés de l'Atlantique, dans une course pour rattraper la Chine, qui se débat avec un repli social domestique croissant, fondé sur la protection légitime du marché, l'inflation et les inquiétudes en matière de sécurité énergétique.

L'économie des technologies vertes s'étant développée, il existe aujourd'hui un nombre croissant d'opportunités sur les marchés publics.

Au cours des deux dernières décennies, le plus vaste éventail de technologies de transition et d'opportunités d'investissement a émergé grâce aux investissements provenant des marchés privés, principalement par le biais d'initiatives souveraines et de financements du développement. L'économie des technologies vertes s'étant développée, il existe aujourd'hui un nombre croissant d'opportunités sur les marchés publics.

Nous identifions des opportunités ponctuelles dans les actions, les obligations et les fonds. Nous privilégions les investissements fondamentaux à long terme, ainsi que l’alignement commercial direct avec une ou plusieurs des mégatendances de l'économie verte.

Il est essentiel de trouver un équilibre entre les motivations des clients en matière de développement durable et les contraintes liées au portefeuille. Selon nous, il s'agit d'une transition progressive au niveau du portefeuille au cours de la prochaine décennie afin de suivre le rythme des opportunités croissantes.

Quelle est votre réaction quand vous entendez qu'une grande majorité des hedge funds préfère shorter leurs positions sur les énergies renouvelables au profit des énergies fossiles ?

Au cours des derniers mois, les hedge funds ont clairement eu l'occasion d'exploiter les écarts de prix dans certains secteurs de l'économie verte. Cela est normal et ne signifie pas que le monde de la finance devient moins durable. Cette erreur d'évaluation est due en partie à un excès de confiance entourant l'économie basée sur les critères durables de l'ESG et à l'afflux important de capitaux vers des fonds répondant à ces thèmes, ce qui a pour conséquence qu'un grand nombre d'actifs sous gestion se retrouvent entre les mains d'un petit nombre d'acteurs, entraînant une explosion des bénéfices.

En outre, de nombreux acteurs du secteur de l'économie verte ont des besoins élevés en capitaux initiaux et ont donc souffert de la récente période de hausse des taux d'intérêt. Nous pensons que cette situation va se normaliser et que de plus en plus de hedge funds vont chercher à exploiter les prix excessifs qui émergent au fur et à mesure que la transition vers l’économie verte se met en place.

Bien que l'harmonisation et l'alignement des normes soient importants dans le domaine de la finance durable, je ne suis pas encore convaincu qu'une norme unique pour les notations des risques ESG soit nécessaire.

Comment adapter ses investissements dans une réalité aussi ambiguë ?

Nous restons attentifs à l'activité du marché concernant les hedge funds et nous engageons nos partenaires de manière sélective en fonction de la qualité et de l’adéquation de leur offre aux besoins de nos clients.

Cette actualité soulève une question fondamentale : le secteur financier est-il réellement prêt à sacrifier une partie de sa rentabilité pour le bien de la planète ?

Il s'agit d'un débat permanent et nuancé qui évolue à mesure que les acteurs du marché développent leur compréhension du « bénéfice planétaire » ou de l'« impact ». À cet égard, la communauté des investisseurs comprend mieux les différents résultats en termes de risque, de rendement et d'« impact » qu'il est possible d'obtenir dans différentes régions et classes d'actifs.

Cette meilleure compréhension permet de remplacer l'idée de devoir accepter un « sacrifice » de rendement pour obtenir un avantage planétaire par l'idée de « conserver un profil de risque et de rendement similaire en détenant un portefeuille de titres ayant un impact moindre ».

Les critères ESG peinent de plus en plus à convaincre, faut-il en urgence établir de nouveaux standards ?

Bien que l'harmonisation et l'alignement des normes soient importants dans le domaine de la finance durable, je ne suis pas encore convaincu qu'une norme unique pour les notations des risques ESG soit nécessaire, de la même manière qu'il n'existe pas de norme mondiale unique pour les notations des obligations.

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