« Nous sommes convaincus que la durabilité reste un facteur de compétitivité pour les PME »

L’association CleantechAlps a entamé une enquête auprès des sociétés suisses afin de mieux percevoir leurs défis en termes de durabilité et de décarbonation. Entretien avec son secrétaire général, Eric Plan.

« Nous sommes convaincus que la durabilité reste un facteur de compétitivité pour les PME »
Eric Plan, secrétaire général de CleantechAlps. ©Clément Grandjean/Terre&Nature

Dans un contexte où la Confédération réduit ses budgets et où les mentalités évoluent rapidement ailleurs dans le monde, comment les PME suisses s’adaptent-elles à cette réalité en perpétuel changement ? Quels défis doivent-elles relever face à des exigences croissantes en matière de durabilité et de décarbonation ?

Pour répondre à ces questions, l’association CleantechAlps, en collaboration étroite avec les acteurs cantonaux de la promotion économique, les chambres de commerce et les faîtières, a récemment lancé une enquête auprès des entreprises suisses. On en parle avec son secrétaire général, Eric Plan. Entretien

Quelles sont vos attentes et objectifs avec cette nouvelle étude ?

L’objectif principal est de mieux cerner le niveau d’engagement actuel des PME en matière de durabilité et de décarbonation. Parallèlement, nous cherchons à identifier les principaux défis auxquels elles sont confrontées face aux nouvelles exigences réglementaires et économiques.

Cette enquête vise à dresser un état des lieux précis et à recenser les besoins concrets des entreprises afin d’adapter et de renforcer les mesures de soutien existantes. À terme, nous espérons qu’elle contribuera à l’élaboration de solutions pragmatiques et efficaces, favorisant une transition durable sans compromettre la compétitivité des PME.

Est-elle totalement inédite ou la suite d’autres enquêtes similaires ?

Cette enquête est inédite, car elle vise à mesurer avec précision le niveau d’engagement des PME en matière de durabilité. Elle a pour objectif de prendre une photographie concrète du tissu économique au printemps 2025 et servira de référence pour évaluer son évolution dans les années à venir.

Le cadre international évolue avec l’arrivée du reporting ESG. Quels sont les défis qu’il pose aux PME suisses ?

Le reporting ESG (Environnemental, Social et Gouvernance) est un cadre réglementaire qui impose aux entreprises de rendre compte de leurs performances en matière de durabilité. Il vise à standardiser les informations extra-financières afin d’assurer une plus grande transparence pour les investisseurs, les clients et les autres parties prenantes.

Il est certain que les tensions économiques internationales et les incertitudes conjoncturelles peuvent inciter certaines entreprises à recentrer leurs priorités sur des considérations purement financières à court terme.

Bien que ce reporting ne soit pas encore une obligation légale pour les PME en Suisse, il représente un double défi. D’une part, les entreprises volontaristes doivent intégrer ces critères dans leur gestion et prouver leur engagement, un exercice souvent complexe et chronophage, notamment pour celles disposant de ressources limitées. D’autre part, les sous-traitants risquent d’être impactés indirectement par les obligations imposées à leurs clients et fournisseurs, qui exigeront des garanties en matière de durabilité pour maintenir leurs relations commerciales.

Tout ceci survient dans un contexte où la loi Omnibus de la Commission Européenne, publiée fin février dernier, vise à réduire drastiquement (-80%) le nombre de sociétés assujetties à la directive relative à la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD).

Dans ce contexte de guerre commerciale, faut-il craindre un recul des engagements climatiques des PME suisses ? Est-ce cela que vous cherchez à quantifier ?

Il est certain que les tensions économiques internationales et les incertitudes conjoncturelles peuvent inciter certaines entreprises à recentrer leurs priorités sur des considérations purement financières à court terme. Un ralentissement dans le domaine de la durabilité risque donc de se faire sentir. Notons au passage qu’il ne peut y avoir de durabilité pérenne sans plus-value économique.

Cependant, nous restons convaincus que la durabilité constitue un facteur de compétitivité et un levier stratégique essentiel pour de nombreuses PME. Elle contribue à renforcer leur résilience face aux crises récurrentes que nous traversons depuis plusieurs années.

Notre enquête n’a pas la prétention, à ce stade, de mesurer précisément l’impact de ces tensions sur les décisions des entreprises en matière de durabilité, faute de disposer d’une mesure de référence. En revanche, la prochaine campagne sera en mesure d’apporter des enseignements concrets sur le sujet.

Dans un contexte de réduction des dépenses fédérales, les PME peuvent-elles encore espérer un soutien supplémentaire pour atteindre leurs objectifs climatiques ?

La question des soutiens financiers est pertinente. D’un côté, la loi Climat et Innovation (LCI) prévoit un investissement annuel d’environ 200 millions de francs sur six ans pour soutenir cette transition. De l’autre, les entreprises doivent fournir, entre autres, des trajectoires de décarbonation comme prérequis pour y accéder.

Résultat, on peut légitimement s’attendre à ce que ce budget soit attribué assez rapidement, au détriment des PME industrielles qui risquent d’arriver trop tard. 

C’est un peu le serpent qui se mord la queue : cela exige des moyens et des ressources dont les PME ne disposent pas nécessairement. À l’inverse, les grandes entreprises, généralement mieux préparées, possèdent déjà ces éléments et sont en mesure de déposer rapidement leurs demandes. Résultat, on peut légitimement s’attendre à ce que ce budget soit attribué assez rapidement, au détriment des PME industrielles qui risquent d’arriver trop tard. 

Dans ce contexte, les fonds fédéraux prévus ne seront, sans aucun doute, pas suffisants pour soutenir efficacement leur mise en œuvre. À l’image de Genève et du canton de Vaud, certains cantons aident déjà les entreprises à établir ces trajectoires, une initiative bienvenue. La Confédération, de son côté, proposait un programme similaire jusqu’à l’an dernier, avant d’y mettre un terme, juste avant l’entrée en vigueur de la LCI.

Le cadre légal actuel est inadapté à ce type de situation, car il repose sur une approche séquentielle et théorique, déconnectée de la réalité temporelle de mise en œuvre. Peut-être que les cantons pallieront le manque de budget fédéral en mettant en place leurs propres programmes pour cofinancer l’élaboration et l’application de ces trajectoires. C’est tout le mal que nous nous souhaitons. 

Notre rôle est aussi d’identifier ces incohérences et les besoins des PME afin de les faire remonter aux acteurs publics. L’objectif : encourager des solutions adaptées, qu’il s’agisse de financements, d’accompagnement ou d’allègements administratifs.

Les start-ups ne sont pas incluses dans votre enquête. N’y a-t-il pas aussi urgence à comprendre comment l’actualité menace ou pas cet écosystème fragile ?

Il est vrai que cette enquête s’adresse en priorité aux PME industrielles. Néanmoins, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille — de la start-up à la multinationale — ainsi que les sociétés de services, peuvent y participer sans difficulté. Le formulaire a été conçu en ce sens.

Par ailleurs, en collaboration avec la Fondation The Ark, nous développons actuellement un outil d’auto-évaluation spécifique pour les start-ups. Ce dispositif en ligne, baptisé « KIWI », leur permet d’effectuer une première mesure de leur durabilité. Son objectif est clair : sensibiliser les fondateurs dès la création de leur entreprise et s’assurer que le développement durable soit intégré dès le premier jour dans leur stratégie.

Cet outil vient compléter l’enquête et apportera une meilleure compréhension des enjeux propres aux start-ups. Il ne reste plus qu’à sécuriser le financement complémentaire pour finaliser la version commerciale.

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