« La Suisse se situe au cœur du système électrique européen… sans vraiment en faire partie. Ce paradoxe risque de nous coûter de plus en plus cher », avertit Dominique Rochat, responsable de projets Energie & infrastructures pour la faitière Economiesuisse.
Les infrastructures permettant d'acheminer l'électricité joueront un rôle essentiel dans le processus de décarbonation. Mais il ne suffira pas de les renforcer : elles devront inclure de nouvelles fonctions et diverses synergies devront être exploitées.
Pourquoi l'inaction en matière de climat pourrait finir par coûter très cher aux entreprises
Paru à la fin de l’année dernière, le rapport du WEF évalue les conséquences d’un statu quo face aux défis climatiques. l’essentiel de ce travail de recherches intitulé « Le coût de l'inaction : un guide à l'usage des chefs d'entreprise pour faire face aux risques climatiques »
Comme la grande majorité des scientifiques s’accordent aujourd’hui sur une intensification de ces phénomènes climatiques extrêmes, il faut s’attendre à des répercussions de plus en plus intenses sur l'économie mondiale.
Ces derniers mois, plusieurs catastrophes majeures ont rappelé à quel point la transformation du climat peut être à l'origine de drames humains, mais aussi économiques. Et comme la grande majorité des scientifiques s’accordent aujourd’hui sur une intensification de ces phénomènes climatiques extrêmes, il faut s’attendre à des répercussions de plus en plus intenses sur l'économie mondiale.
Dans sa dernière étude, le World Economic Forum (WEF) s'est penché sur ce qu'il appelle le « coût de l’inaction ». Concrètement, quels sont les risques encourus par les entreprises si elles ne se préparent pas aux évolutions climatiques ? « L'inaction en matière de climat a un coût. Les entreprises qui ne prennent pas de mesures pourraient faire face à des risques opérationnels, financiers et de réputation considérables, tandis que les pionniers bénéficient déjà d'avantages tangibles en s'adaptant et en décarbonant leurs activités », écrit Pim Valdre, Head of Climate Action au WEF.
Paru à la fin de l’année dernière, le rapport du WEF évalue les conséquences d’un statu quo face aux défis climatiques. « Pour les entreprises non préparées, les risques physiques individuels pourraient, à eux seuls, menacer entre 5 % et 25 % de leur EBITDA dès 2050, selon le secteur et la région. Les industries à forte intensité d'infrastructures étant les plus exposées ».
Premières conséquences : Le premier constat établi par les experts du WEF rappelle que le changement climatique entraîne déjà des coûts économiques importants. Depuis le début du XXI siècle, ils auraient déjà plus que doublé. D’après la base de données internationale sur les catastrophes d'EM-DAT, les dommages causés par les catastrophes climatiques ont dépassé 3600 milliards de dollars.
Les experts du WEF signale par ailleurs que ce montant « sous-estime très probablement les coûts réels, car il reflète principalement les dommages directs tels que la destruction des infrastructures, les pertes assurées et les impacts économiques immédiats, tout en excluant les effets indirects tels que les conséquences sanitaires à plus long terme, la perte de productivité et l'épuisement des ressources naturelles. »
2️⃣
Risques pour les entreprises : Tempêtes, inondations, incendies, vagues de chaleur et sécheresses se multiplient et s’accentuent depuis plusieurs années. Ces perturbations climatiques ont des conséquences directes sur les entreprises. En plus de représenter une source sérieuse de dommages physiques aux actifs et aux infrastructures, elles contribuent à vulnérabiliser les chaînes d'approvisionnement et contribuent à une baisse de productivité des travailleurs.
Parmi les exemples concrets, les experts du WEF citent la sécheresse du Sichuan en 2022. « Elle a fait chuter la production d'énergie hydroélectrique de cette région de Chine d’environ 20 % de sa capacité habituelle. Cette situation a contraint Toyota et Foxconn à interrompre la production dans leurs usines, tandis que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement se sont étendues à Tesla et à SAIC Motor. »
Naturellement tous les secteurs, ni toutes les régions du monde ne seront impactées de la même manière. « Les entreprises opérant sur les marchés émergents seront davantage touchées », indique le rapport.
3️⃣
Effet sur le PIB mondial : Ces dernières années, plusieurs études ont cherché à quantifier l'impact du changement climatique. Elles sont arrivées à la conclusion que celui-ci pourrait commencer à peser lourdement sur le PIB mondial au cours des prochaines décennies. « D'ici à 2100, la trajectoire actuelle de 3°C pourrait réduire le PIB cumulé mondial de 16 à 22 %, soit 10 à 15 % de plus qu'avec une trajectoire de moins de 2°C. 21 », indique le rapport.
Certaines estimations récentes, comme celles présentes dans le cinquième millésime des scénarios climatiques du NGFS (Network for Greening the Financial System), indiquent que les effets des émissions actuelles sur le PIB pourraient être encore plus importants et se faire sentir plus tôt.
4️⃣
Faible coût de l’action : D’après le WEF, les sociétés auraient tendance à sous-estimer leurs pertes financières et surestimer le coût des actions à prendre. Le millier de réponses reçues en 2023 lors d’un questionnaire montre que 86 % prévoient des risques importants pour leur entreprise. « Cependant, ceux qui ont quantifié l'impact de ces risques ne semblent pas anticiper de changements spectaculaires étant donné qu’ils s’attendent à un impact financier limité. »
Cet attentisme est d’autant plus dommageable qu’agir ne semble pas comprendre des efforts considérables. « La plupart des industries pourraient réduire entre 10 % et 60 % de leurs émissions de carbone sans coûts supplémentaires », indique l’étude. Mieux, elles pourraient finir par en tirer certains bénéfices. « Celles qui réduisent leurs émissions de carbone bénéficient d'une diminution des dépenses en énergie fossile, d'un profil de risque moins élevé pour les actifs à longue durée de vie et parfois d'un positionnement plus fort sur le marché. »
5️⃣
Opportunités à saisir : Les avantages à agir seraient nombreux à en croire le WEF et ne se limitent pas seulement à une question de croissance. « Les entreprises qui tardent à agir risquent non seulement de se laisser distancer par des concurrents plus proactifs, mais aussi de manquer certaines opportunités économiques liées au leadership climatique. »
Elles comprennent une réduction au risque réglementaire; un coût du capital moins élevé; des gains d'efficacité opérationnelle ou encore une augmentation plus rapide des revenus. Cerise sur le gâteau, les entreprises proactives pourraient accéder aux meilleurs talents. “Un quart des candidats à l'emploi déclarent qu'ils rejetteraient les offres de ce qu'ils perçoivent comme des entreprises non durables », selon le WEF.
Le rapport nuance toutefois l’ampleur des opportunités à saisir, conscient que les réalités sont différentes suivant les secteurs et les actifs ou infrastructures héritées du passé. « Les entreprises qui passent d'actifs gris à des technologies plus vertes doivent soigneusement trouver un équilibre, en veillant à ce que les investissements dans les technologies et les actifs verts soient adaptés aux risques futurs ainsi qu’aux changements de politique dans les différents scénarios climatiques. »
Les entreprises se doivent donc de changer leur façon de gérer les risques et les opportunités liés au climat. « L'inaction en matière de climat a un coût, même pour les entreprises. Celles qui n'agissent pas pourraient être confrontées à des risques opérationnels, financiers et de réputation considérables à court terme, alors que les pionniers tirent déjà des avantages tangibles de l'adaptation et de la décarbonisation. Pour ceux qui prennent des mesures audacieuses, il existe une voie vers un succès durable », assurent les experts du WEF.
Ces derniers proposent encore, en fin de rapport, tout un carnet de routes à l'attention des chefs d'entreprise souhaitant agir et éviter d'être confrontés, un jour prochain, à que l’on appellera désormais « les coûts de l’inaction ».
« La Suisse se situe au cœur du système électrique européen… sans vraiment en faire partie. Ce paradoxe risque de nous coûter de plus en plus cher », avertit Dominique Rochat, responsable de projets Energie & infrastructures pour la faitière Economiesuisse.
Les infrastructures permettant d'acheminer l'électricité joueront un rôle essentiel dans le processus de décarbonation. Mais il ne suffira pas de les renforcer : elles devront inclure de nouvelles fonctions et diverses synergies devront être exploitées.
Dans un contexte suisse et international marqué par une actualité intense sur les enjeux énergétiques et climatiques, l’occasion est idéale pour un échange approfondi avec Benoît Revaz, directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Entretien.