Science et développement durable : quel levier dans un monde fragmenté ?

« La fragmentation du paysage mondial rend plus difficile l'action collective sur les questions de durabilité et creuse un fossé politique dans le domaine de la science », explique Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo.

Science et développement durable : quel levier dans un monde fragmenté ?
Jon Duncan, Chief Impact Officer, REYL Intesa Sanpaolo

Pour les acteurs du développement durable, le monde scientifique est essentiel : il alimente le débat, oriente les politiques et stimule l’innovation. Cependant, la fragmentation du paysage mondial rend l’action collective plus difficile sur les questions de durabilité et accentue les clivages politiques dans le domaine de la science. Aux États-Unis comme dans l’Union européenne, le soutien aux enjeux de durabilité s’affaiblit, tandis que les préoccupations liées aux droits de douane, à l’immigration, à l’inflation, à la sécurité énergétique et à l’emploi dominent l’agenda politique.

Malgré cette fragmentation, il est encourageant de constater qu’un espace subsiste pour promouvoir la science comme une profession unificatrice, capable de transcender les nationalités et les idéologies politiques. Un exemple concret : la troisième édition des « Frontiers Planet Prize », qui vient de se tenir à Villars, en Suisse.

Ce concours international de recherche a pour objectif de reconnaître et de récompenser les avancées scientifiques interdisciplinaires contribuant à maintenir la planète dans les limites de ses neuf limites planétaires. Il vise à accélérer la mise en œuvre de solutions pour une planète en bonne santé en mettant à l’honneur les « Olympiens de la science » du monde entier.

Au total, 19 champions nationaux ont été sélectionnés à l’échelle mondiale par un panel de 100 scientifiques éminents, dirigé par le professeur Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam. Parmi eux, trois grands lauréats ont été désignés et ont reçu chacun un prix en espèces d'un million de dollars pour poursuivre leurs recherches. Il est important de souligner que tous les lauréats ont insisté sur le fait que leurs recherches étaient le fruit d’équipes pluridisciplinaires et interculturelles, parfois réparties sur plusieurs continents.

Parmi 19 champions nationaux, trois grands lauréats ont été désignés et ont reçu chacun un prix en espèces d'un million de dollars pour poursuivre leurs recherches.

Portrait des trois lauréats

Arunima Malik et son équipe de l’Université de Sydney, en Australie, ont mené une analyse approfondie des tendances des flux commerciaux internationaux à partir de nombreuses données. En utilisant diverses méthodes pour suivre les flux financiers et les impacts du cycle de vie des produits sur une période de trois décennies, leur étude met en lumière la manière dont le commerce mondial influence les résultats à long terme en matière de durabilité.

En résumé, cette recherche met en évidence l’impact de la délocalisation, par les pays à revenu élevé, d’activités manufacturières polluantes et consommatrices de ressources vers les pays à faible revenu. Ce « transfert de charge » externalise les impacts environnementaux et sociaux, masquant ainsi ceux liés à la consommation des pays riches.

Bien entendu, les effets ne sont pas tous négatifs : certaines activités manufacturières peuvent générer des résultats nets positifs en matière de développement durable. Cette étude fournit aux décideurs politiques, aux entreprises et à la société civile de disposer de statistiques commerciales détaillées, leur permettant d’évaluer et de concevoir des chaînes d’approvisionnement mondiales plus équitables, durables et transparentes.

Les recherches menées par la professeure Zahra Kalantari (KTH Royal Institute of Technology, Suède) portent sur les solutions urbaines fondées sur la nature (NBS) et la neutralité carbone. Son équipe a utilisé des outils d’optimisation spatiale intégrant l’intelligence artificielle (IA) et les systèmes d’information géographique (SIG) pour analyser les caractéristiques spécifiques de 54 villes européennes — notamment l’utilisation des sols, la densité de population, la couverture végétale existante, les points chauds d’émissions de carbone et les facteurs socio-économiques.

Le Frontiers Planet Prize illustre avec force le pouvoir de la science pour couper court au bruit politique de notre époque et inspirer une action humaine collective en faveur de la préservation des limites de notre planète.

À l’échelle mondiale, il faut rappeler que les villes sont responsables de plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. Elles génèrent des îlots de chaleur et sont particulièrement vulnérables aux inondations soudaines ou aux risques d'incendie, en particulier lorsque les infrastructures urbaines sont dépassées par des événements météorologiques extrêmes. L’analyse a permis de simuler plus de 100 scénarios urbains afin d’identifier les combinaisons optimales de solutions fondées sur la nature, visant à renforcer la résilience des villes, réduire leur empreinte carbone, améliorer l’habitabilité et favoriser les connexions avec la nature.

Parmi les solutions envisagées figurent les corridors forestiers urbains, les toits verts, les jardins de pluie, les parcs et les zones humides urbaines. Les bénéfices attendus incluent une amélioration de la qualité de l’air, une réduction de la chaleur urbaine, une meilleure gestion des eaux pluviales, ainsi qu’un impact positif en matière de santé publique. Les outils numériques récents offrent aux villes européennes une aide à la décision accessible et rentable, permettant de hiérarchiser les investissements verts à l’échelle de l’îlot ou du quartier.

Enfin, le Dr Zia Mehrabi (Université du Colorado Boulder, États-Unis) a dirigé une étude historique sur une décennie, menée dans 11 pays, qui a évalué les bénéfices environnementaux et sociaux d’une agriculture et d’un système alimentaire diversifiés. Son équipe a collaboré avec plus de 1 000 agriculteurs et analysé diverses stratégies de diversification, en prenant en compte la santé des sols, la biodiversité, la séquestration du carbone, l’égalité des sexes, la stabilité des revenus agricoles et la nutrition communautaire.

Les résultats sont clairs : la diversification a permis d’augmenter le taux de carbone des sols de 12 à 34 %, de renforcer la biodiversité des insectes et des oiseaux, d’accroître les revenus des agriculteurs de 5 à 15 %, et de réduire les risques de malnutrition dans les communautés rurales. Cette recherche propose une feuille de route fondée sur des données probantes pour promouvoir une transition vers une agriculture diversifiée et respectueuse de la nature, au-delà des modèles dominants de monoculture.

Le travail des équipes lauréates offre une source d’espoir pour accompagner les transformations nécessaires de nos systèmes urbains, commerciaux et agricoles — des approches à la fois concrètes et réalisables. Le Frontiers Planet Prize illustre avec force le pouvoir de la science pour couper court au bruit politique de notre époque et inspirer une action humaine collective en faveur de la préservation des limites de notre planète.

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