« À la suite du dépôt de deux initiatives fédérales, le souverain sera une nouvelle fois appelé à se prononcer sur les modalités de déploiement des éoliennes en Suisse », regrette Christian Petit, membre du bureau directeur de SwissCleanTech.
« En pratique, l’idée de transition a contribué à légitimer une procrastination collective face à la crise climatique », estime Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement.
Stratégie Energétique 2050 : Y croire tous ensemble serait déjà assurer la moitié de son succès
« À la suite du dépôt de deux initiatives fédérales, le souverain sera une nouvelle fois appelé à se prononcer sur les modalités de déploiement des éoliennes en Suisse », regrette Christian Petit, membre du bureau directeur de SwissCleanTech.
L’été 2025 s’est révélé bouillant en Suisse, pas seulement sur le plan météorologique, mais aussi sur le terrain de la transition énergétique et plus spécifiquement de l’avenir de l'éolien.
Du côté des opposants, deux initiatives fédérales, portées par des associations anti-éoliennes et ayant chacune rassemblé plus de 120 000 signatures, ont été déposées à la Chancellerie fédérale. La première vise à interdire la construction d’éoliennes dans les forêts, les pâturages boisés denses ou à moins de 150 mètres des habitations. La seconde exige que tout projet soit approuvé par les populations des communes d’implantation ainsi que par celles des communes limitrophes impactées.
Les opposants à cette source d’électricité, pourtant jugée indispensable pour notre pays, ne désarment donc clairement pas — et ne désarmeront probablement jamais — fidèles au principe BANANA (« Build Almost Nothing Anywhere Near Anything »), une version renforcée du fameux NIMBY (« Not In My Backyard »).
De leur côté, les partisans de cette énergie renouvelable ont réaffirmé, fin août à Berne lors de leur congrès annuel, leur volonté d’aller de l’avant. Ils ont notamment rappelé qu’un scénario intégrant l’éolien serait de loin le plus pertinent en termes de mix énergétique et aussi le moins coûteux, comparé à un scénario « tout solaire ». Selon leurs estimations, 750 éoliennes pourraient produire 7,5 TWh d’électricité, dont 5 TWh si précieux en hiver (à titre de comparaison, l’Autriche en compte déjà 1 500).
Alors que les acteurs se préparent à de nouveaux affrontements, avec des positions qui paraissent difficilement conciliables, le souverain sera donc une nouvelle fois appelé à se prononcer sur les modalités de déploiement des éoliennes en Suisse à l’occasion de ces deux initiatives fédérales.
Depuis 2018 et le vote du peuple en faveur de la Stratégie énergétique 2050, j’ai nourri à plusieurs reprises l’espoir de voir notre pays s’unir derrière une politique énergétique et climatique exemplaire, capable de faire de la Suisse un modèle aux yeux du monde. En 2023, par exemple, avec l’approbation massive de la Loi sur l’innovation et le climat, puis en 2024 avec la large adhésion à la Loi sur l’électricité.
Alors que la Suisse subit un réchauffement climatique deux fois plus rapide que la moyenne mondiale, en raison de sa situation continentale et alpine, il n’est plus temps de tergiverser.
Hélas, trois fois hélas : nous chicanons, nous flânons en route, nous prenons des chemins détournés, nous procrastinons, et nous cherchons la panacée qui nous dispenserait de l’effort et du travail. Relance hypothétique du nucléaire, démantèlement par le DETEC du programme Bâtiments, loi sur le CO₂ vidée de sa substance, complexités administratives interminables, projet d’accélération des procédures pour les énergies renouvelables qui progresse à la vitesse d’un escargot aux Chambres, oppositions et recours sans fin paralysant les investissements pourtant indispensables à la transition énergétique… autant de mesures contre-productives.
Dans une entreprise, lorsqu’une stratégie est mise sur pied, il y a toujours une phase d’analyse, de réflexion et de propositions, qui débouche sur une période de débats contradictoires où toutes les positions s’expriment et où l’on recherche un consensus capable de fédérer tout le monde vers un objectif commun. Puis, une fois que le Conseil d’administration a adopté la stratégie, celle-ci s’applique à tous. Une phase de communication, de sensibilisation et de mise en œuvre systématique s’engage alors.
Des instruments de mesure et des rapports de suivi sont ensuite élaborés afin de piloter le déploiement et d’évaluer l’impact de la stratégie. Si des écarts apparaissent entre les objectifs et les résultats, des mesures correctives sont prises. À tout moment, la Direction et le Conseil peuvent décider d’une révision ou d’un réajustement, mais cela se fait de manière ordonnée et cadrée, afin de ne pas freiner ni déstabiliser ceux qui œuvrent à la réalisation des projets stratégiques. Ainsi se crée un élan, une énergie collective et transformative, seules capables d’amener le succès. Car ne pas croire en une stratégie, ou la critiquer après son adoption, c’est déjà la condamner avant même de l’avoir mise à l’épreuve.
Je sais bien qu’on ne dirige pas une nation comme on dirige une entreprise — même si certains s’y essaient — et que les processus démocratiques d’un pays comme la Suisse ne sont pas comparables, par nature, aux principes de bonne gouvernance des entreprises. Mais notre incapacité, en tant que nation, à nous fédérer derrière la Stratégie énergétique 2050 que nous avons nous-mêmes votée est désolante et s’apparente de plus en plus à un but contre notre propre camp.
Au lieu d’être exemplaire, notre pays se retrouve pointé du doigt, comme ce fut le cas le 9 avril 2024, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Suisse avait violé la Convention européenne en raison de l’insuffisance de ses politiques climatiques.
Alors que la Suisse subit un réchauffement climatique deux fois plus rapide que la moyenne mondiale, en raison de sa situation continentale et alpine, et qu’à travers nos montagnes les signes de fragilisation se multiplient — comme l’a tragiquement illustré l’éboulement de Blatten —, il n’est plus temps de tergiverser. Nous devons nous mobiliser collectivement, changer nos habitudes, décarboner notre économie et entraîner, par notre exemple, d’autres nations à faire de même.
« En pratique, l’idée de transition a contribué à légitimer une procrastination collective face à la crise climatique », estime Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement.
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