« Lorsque les obligations économiques entraînent systématiquement des pertes sans que ces coûts soient reconnus, une question fondamentale se pose : est-ce compatible avec la liberté économique protégée par la Constitution », questionne Michael Frank, directeur de l’AES.
« Bien que les mécanismes établis soient sous pression, la collaboration ne disparaît pas… elle évolue. La tâche consiste désormais à élargir la conversation et à inclure davantage de voix », estime Karen Hitschke, directrice générale de « Building Bridges ».
Transition énergétique 2025 : adapter les règles à la réalité du terrain
« Lorsque les obligations économiques entraînent systématiquement des pertes sans que ces coûts soient reconnus, une question fondamentale se pose : est-ce compatible avec la liberté économique protégée par la Constitution », questionne Michael Frank, directeur de l’AES.
La Suisse poursuit les objectifs ambitieux fixés par la loi pour l’électricité et accélère sa transition énergétique. Mais cette transition ne se limite pas à développer des capacités renouvelables et à adapter nos réseaux, elle transforme radicalement la manière dont nous devons penser et gérer l’ensemble de notre système électrique. La sécurité d’approvisionnement est une condition nécessaire à la transition énergétique.
Un domaine central concerne l’approvisionnement et la facturation de l’électricité ainsi que son organisation. Depuis la crise énergétique, les GRD doivent couvrir leurs besoins à long terme et de manière structurée afin de minimiser les risques liés aux prix du marché et garantir l’approvisionnement. Cependant, ce modèle ne fonctionne que s’il laisse place à des ajustements à moyen terme et à des corrections à court terme, par exemple en cas de fluctuations liées aux conditions météorologiques ou de variations de la demande.
Actuellement, ce n’est pas le cas, car un taux de couverture élevé exige précisément cette flexibilité : les excédents doivent être vendus et les manques couverts. Cette réalité résulte des fluctuations saisonnières, des incertitudes liées aux prévisions, des variations de consommation à court terme ou de l’augmentation de l’alimentation décentralisée par les énergies renouvelables. Néanmoins, selon l’ElCom, ces ventes ne peuvent pas être prises en compte dans l’approvisionnement de base, bien qu’elles découlent directement de l’obligation d’approvisionnement.
Adapter le système au marché
Les GRD sont tenus d’acheter, de reprendre et, le cas échéant, de revendre de l’électricité. Ces reventes ne peuvent pas être prises en compte dans les tarifs de l’approvisionnement de base. Selon l’interprétation actuelle de l’ElCom, ces reventes sont systématiquement exclues, même lorsqu’elles découlent d’obligations légales.
Étant donné que ces ventes doivent souvent être réalisées à des prix inférieurs aux coûts d’acquisition, cela entraîne fréquemment des pertes et nous risquons que cette sortie de fonds affaiblisse la sécurité d’approvisionnement, car les investissements dans l’infrastructure nationale sont insuffisants.
Le système électrique suisse doit concilier sécurité d’approvisionnement, rentabilité et respect de l’environnement. Pour cela, il faut une réglementation qui suive la réalité du terrain.
Cela a un prix: en 2024, Romande Energie affichait 33 millions de pertes liées à la reprise de courant solaire; un chiffre comparable à celui d’autres fournisseurs. Il ne s’agit ni de spéculation ni d’erreurs de gestion, mais des conséquences prévisibles d’un système qui n’a pas suivi l’évolution du marché. Souhaitons-nous vraiment affaiblir notre économie et imposer des pertes aux entreprises en raison de la décentralisation croissante due aux énergies renouvelables ? Sans oublier que cela affaiblirait aussi les investissements dans les infrastructures du pays.
Lorsque les obligations économiques entraînent systématiquement des pertes sans que ces coûts soient reconnus, une question fondamentale se pose : est-ce compatible avec la liberté économique protégée par la Constitution ? Cela porte atteinte au principe constitutionnel de la liberté économique et met en danger les acteurs qui s’engagent activement en faveur de la transition énergétique.
Dans son arrêt von Roll, le Tribunal fédéral a statué qu’un fournisseur ne doit pas systématiquement supporter les pertes résultant d’une activité réglementée. Il est donc essentiel que l’approvisionnement en électricité pour l’approvisionnement de base puisse être facturé non seulement à l’achat, mais aussi à la vente. Dans le cas contraire, les GRD seront contraints de suivre une stratégie d’approvisionnement extrêmement prudente et non conforme à la loi, principalement à court terme, entraînant un risque de coûts d’électricité élevés pour la population suisse.
Éliminer les contradictions
La transition énergétique nécessite des règles claires et équitables. Quiconque exige une planification à long terme doit également permettre une adaptation flexible, sans quoi les investissements seront freinés, la liberté économique restreinte, des pertes enregistrées et le développement d’infrastructures importantes entravé. Conséquence : des coûts supplémentaires inutiles, y compris pour les consommateurs et les consommatrices.
Le système électrique suisse doit concilier sécurité d’approvisionnement, rentabilité et respect de l’environnement. Pour cela, il faut une réglementation qui suive la réalité du terrain. Le secteur s’engage en faveur d’un cadre objectif, transparent et durable, dans l’intérêt de la clientèle et des fournisseurs.
La clarification de l’imputabilité des reventes légitimes est une mesure attendue depuis longtemps. Elle crée de la cohérence, renforce la sécurité juridique et la sécurité des investissements, empêche les pertes inutiles et pose des bases solides pour le succès de la transition énergétique.
« Bien que les mécanismes établis soient sous pression, la collaboration ne disparaît pas… elle évolue. La tâche consiste désormais à élargir la conversation et à inclure davantage de voix », estime Karen Hitschke, directrice générale de « Building Bridges ».
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