Windworks, la start-up qui veut révolutionner l’éolien à l’aide de pales intelligentes et verticales

Spin-off de l’EPFL, la jeune société s’est fixée une mission ambitieuse : rendre l’énergie éolienne compatible avec les zones d’activités professionnelles grâce à des turbines plus petites, plus silencieuses et dotées de pales à axe de rotation vertical.

Windworks, la start-up qui veut révolutionner l’éolien à l’aide de pales intelligentes et verticales
La start-up entend également convaincre d’autres secteurs et sites industriels du potentiel de sa technologie. @Windworks

L’histoire commence avec le film d’Al Gore « Une vérité qui dérange ». À 11 ans, Sébastien Le Fouest y découvre l’ampleur de la crise climatique et le décalage entre l’urgence scientifique et l’inertie politique. « J’ai tout de suite senti un poids sur mes épaules. On en parle depuis des décennies et pourtant personne ne bouge. Il m’a semblé évident qu’il fallait commencer à agir », raconte-t-il.

Ce sentiment ne le quittera plus. Passionné de sciences, il décide très tôt qu’il veut « faire partie de celles et ceux qui contribueront à accélérer la transition énergétique ». Direction Londres, à l’Imperial College, pour des études d’ingénierie. Il y fait ses premiers pas d’entrepreneur en fondant CommuniTech, une association à but non lucratif dont l’ambition était d’aider les personnes âgées à maîtriser les outils numériques. Objectif : restaurer leur autonomie dans un monde où tout devient digital.

Cette première expérience lui donne le goût des projets concrets à impact. Mais pour jouer un rôle dans le secteur de l’énergie, il lui manque un socle scientifique plus solide. Il revient donc en Suisse et rejoint l’EPFL pour travailler sur un sujet de niche mais prometteur : les éoliennes à axe de rotation vertical.

Une technologie ancestrale

En comparaison des grandes éoliennes classiques à axe horizontal — une technologie aujourd’hui mature, où les avancées relèvent surtout du « fine tuning » — les éoliennes dotées de pales à axe de rotation vertical restent marginales. « Pourtant, l’idée est ancienne : les premières éoliennes de l’histoire, utilisées par les Perses dès les IXᵉ–Xᵉ siècles pour moudre le grain, étaient déjà à axe vertical. Dans ces régions de vents turbulents et changeants, cette géométrie permettait de capter le vent quelle que soit sa direction », raconte Sébastien Le Fouest. 

Scientifiquement, le sujet a tout pour lui plaire. Il combine sa passion pour la mécanique des fluides et son obsession pour la transition énergétique. Et surtout, il y voit un véritable problème à résoudre : ces éoliennes « verticales »souffrent de limitations aérodynamiques qui réduisent leur rendement et leur durée de vie. Son doctorat se concentre précisément sur ces phénomènes.

Dans le laboratoire de diagnostic des écoulements instationnaires de l’EPFL, dirigé par la professeure Karen Mulleners, tout repose sur l’expérimentation plutôt que sur les simulations numériques. « On y construit de petites éoliennes physiques, on les place en soufflerie, on les soumet à des rafales, on observe où et quand l’écoulement décroche, où naissent les vibrations destructrices, comment la performance s’effondre », raconte le jeune chercheur.

« Les premières éoliennes de l’histoire, utilisées par les Perses dès les IXᵉ–Xᵉ siècles pour moudre le grain, étaient déjà à axe vertical », raconte Sébastien Le Fouest.

Rendre les pales « intelligentes »

La deuxième phase du doctorat bascule dans la quête de solutions. Plutôt que de subir ces phénomènes, pourquoi ne pas les contrôler ? L’analogie vient du monde marin : un voilier ajuste constamment ses voiles pour maximiser sa portance, en fonction du vent et de sa trajectoire. Le principe est transposé à l’éolienne verticale grâce à un moteur permettant d’ajuster en temps réel l’orientation des pales en fonction des conditions de vent réelles.

À l’aide d’un algorithme d’optimisation, la machine « cherche » les configurations qui maximisent la production tout en minimisant les efforts sur la structure. « Les résultats se sont avérés spectaculaires, avec un rendement multiplié par trois et des efforts divisés par deux, offrant à la clé une durée de vie potentiellement multipliée de deux à huit fois », assure Sébastien Le Fouest. C’est le déclic entrepreneurial : ce qui n’était qu’un sujet de thèse devient une technologie industrialisable.

Création d’une start-up

Avec Daniel Fernex (CTO) et Eric Sayag (COO), Sébastien Le Fouest fonde Windworks, une start-up animée par la conviction que leur éolienne verticale a un rôle majeur à jouer là où les grandes éoliennes classiques ne peuvent être installées. En Suisse, les sites adaptés à ces dernières sont en effet rares et, lorsqu’ils existent, ils se heurtent à une résistance sociale et politique considérable. Entre études d’impact, procédures de recours, votations et déplacements de lignes à haute tension, il faut souvent compter entre 20 et 25 ans pour concrétiser un projet.

À plus long terme, la start-up envisage même de développer des éoliennes de 100 kW, toujours sous la barre réglementaire des 30 mètres en Suisse — voire au-delà dans les pays où cette limite est plus élevée. @Windworks

« Des installations de petite puissance, au moindre impact visuel en raison de leurs dimensions, ont de facto davantage de chances de séduire des clients et, ainsi, de contribuer à démocratiser la technologie et son déploiement », estimait le jury du « Prix de la meilleure innovation » décerné à Windworks par la fondation The Ark en 2024. Des éoliennes de 15 à 30 mètres de haut, installées directement là où l’électricité est consommée : tel est le créneau visé par la jeune pousse. En dessous de 30 mètres, la réglementation suisse est plus souple puisqu'un simple permis de construire communal suffit généralement, avec des délais raccourcis à quelques mois.

Techniquement, la machine est optimisée pour un environnement complexe : si le vent est plus faible à 30 mètres de hauteur, il y est surtout plus turbulent, change fréquemment de direction et se trouve dévié par les reliefs ou les bâtiments. C’est précisément dans ces conditions que l’axe vertical et le contrôle en temps réel des pales prennent tout leur sens : la turbine capte le vent provenant de toutes les directions, ne requiert pas de flux laminaires et gère très bien les rafales.

Sur les plans sonore et visuel, Windworks mise sur la discrétion. « À trois diamètres de distance — soit environ 20 mètres pour une machine de 10 kW — le niveau sonore calculé se situe autour de 40 à 45 dB », précise son CEO. Quant à l’impact visuel, il reste limité, avec des hauteurs sans commune mesure avec celles des grands mâts blancs souvent contestés.

« Partout où la consommation est significative et où l’on peut absorber directement la production, l’éolienne verticale est pertinente », assure Sébastien Le Fouest.

Une clientèle diversifiée

Le premier marché ciblé par la start-up est celui des agriculteurs. Leur facture d’électricité a explosé ces dernières années, parfois jusqu’à 80 % en cinq ans. « Alors que beaucoup ont déjà recouvert leurs toitures de panneaux solaires, une éolienne verticale constituerait un complément hivernal », estime Sébastien Le Fouest. Selon lui, certains agriculteurs ont même spontanément contacté la jeune entreprise pour « précommander » des machines, malgré un retour sur investissement plus long qu’avec le solaire.

La start-up entend également convaincre d’autres secteurs et sites industriels du potentiel de sa technologie. « Partout où la consommation est significative et où l’on peut absorber directement la production, l’éolienne verticale est pertinente », assure son cofondateur. Windworks échange d’ailleurs avec des acteurs de l’énergie — gestionnaires de réseaux ou développeurs de projets — qui voient dans ces machines un moyen de produire localement de l’électricité en hiver, sans se heurter à des décennies de procédures.

Montée en puissance agendée

Sur le plan technique, Windworks a choisi une montée en puissance progressive, en débutant par un démonstrateur de 300 W. Ce prototype à échelle réduite, déjà équipé de trois pales et du système de contrôle, a permis de tester en laboratoire l’ensemble des conditions de vent rencontrées en extérieur. C’est grâce à lui que l’équipe a pu valider le gain de rendement ainsi que la réduction des contraintes structurelles.

L'équipe de Windworks avec Sébastien Le Fouest (au centre), Daniel Fernex (tout à droite) et Eric Sayag (côté gauche du CEO). @Windworks

La jeune pousse concentre désormais ses efforts sur ses premières installations de 10 kW, dont les mises en service sont prévues pour l’an prochain. « L’objectif n’est pas de produire un objet parfait, mais des machines qui tournent, produisent de l’électricité et tiennent dans le temps », précise Sébastien Le Fouest. À plus long terme, le produit phare de Windworks devra aller encore plus loin en atteignant 50 kW. « Là où la version 10 kW offre une indépendance énergétique appréciable mais un retour sur investissement limité, la 50 kW change d’échelle », explique le cofondateur.

À plus long terme, la start-up envisage même de développer des éoliennes de 100 kW, toujours sous la barre réglementaire des 30 mètres en Suisse — voire au-delà dans les pays où cette limite est plus élevée. Elle aurait déjà reçu une vingtaine de marques d’intérêt pour ces machines à l’horizon 2029.

Pour financer un tel plan d’action, Windworks a déjà levé environ un demi-million de francs suisses auprès de business angels. La logistique propre à une start-up industrielle étant lourde, elle est désormais en quête de fonds supplémentaires. « Ils seront essentiels pour absorber les coûts de développement de la 50 kW et de notre première installation pilote, dans le cadre d’un projet déjà labellisé par la Commission européenne », ajoute Sébastien Le Fouest.

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