SwissPowerShift : Avenir et fêtes de fin d'année
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La diminution des émissions de CO₂ est trop lente. Il faut investir massivement et immédiatement dans le retrait artificiel de ce gaz à effet de serre.
Nous n’avons plus le choix. Après avoir tenté de réduire les émissions de gaz à effet de serre (avec peu de succès), nous allons devoir franchir une étape beaucoup plus ambitieuse. Mais décisive. Celle de la dernière chance: retirer aussi rapidement que possible du CO₂ de l'atmosphère. Bref, procéder à une réparation d’urgence du cycle naturel du carbone.
Aux programmes de réduction des émissions et d’adaptation, il faudra ajouter sans tarder ce nouveau pilier stratégique, un retrait artificiel et massif du CO₂.
C’est la conclusion de l’un des centres de recherche les plus réputés sur le changement climatique, l’Institut de recherche sur les impacts climatiques de Potsdam (PIK). Connu pour ses travaux sur les limites planétaires, le PIK estime que nous n’avons plus le temps d’attendre pour réparer l’atmosphère et tenter de maintenir un réchauffement climatique dans une fourchette de risque acceptable.
Le déploiement de nouvelles technologies, notamment le DAC (« Direct air capture »), soit les procédés qui filtrent l’air ambiant à travers d’énormes ventilateurs-aspirateurs tels que ceux mis au point par la société suisse Climeworks ou qui captent les flux de CO₂ à la sortie des installations industrielles, doit être planifié rapidement. Cela prendra du temps et coûtera beaucoup d’argent. Mais c’est le dernier espoir pour stabiliser le climat.
D’ici à 2050, il nous faudra non seulement atteindre des émissions nettes nulles, mais aussi retirer environ 20 % des émissions annuelles actuelles en utilisant les techniques naturelles (reforestation, amélioration de la qualité des sols, adoption d’un régime végétarien, etc.). Et passer, en parallèle, à l’industrialisation des solutions hautement technologiques, comme le DAC ou la séquestration définitive du CO₂ issu de la biomasse (émissions négatives).
L’urgence est d’autant plus grande que les études scientifiques montrent que l’on dépassera temporairement bientôt la limite des + 1,5 °C (nous sommes déjà confrontés à un réchauffement de 1,2 °C en 2024).
Selon les travaux du PIK, présentés à la conférence climatique de Bakou, les coûts induits par l’élimination du CO₂ de l’atmosphère équivalent à… 2 % du PIB mondial. C’est un effort colossal mais, comme le montrent les chercheurs, c’est insignifiant ou presque en comparaison des coûts que le changement climatique engendrera en l’absence d’action.
Ces derniers estiment que nous pourrions perdre environ 20 % de la richesse mondiale, portant le coût des dommages d’une seule tonne de CO₂ à 1000 dollars; à comparer avec les 65 euros la tonne CO₂ qui s’échangent entre entreprises sur le marché européen.
A cette aune, un vol en avion Genève-New York aller simple engendre un dégât économique de 2000 dollars par passager à la charge de la société!
Selon le document du PIK et de la banque allemande de développement KfW, le financement de l’élimination du CO₂ ne pourra pas être supporté par les seuls deniers publics. Il est impératif de mobiliser les capitaux privés, en incitant les entreprises à acheter des « certificats de nettoyage du CO₂ » dont le prix évoluerait en parallèle avec ceux des permis de polluer (les quotas d’émissions que les entreprises s’échangent, établissant ainsi un prix à la tonne CO₂).
Le marché des droits de polluer, censé être à zéro à 2039, trouverait ainsi un prolongement pour financer l’étape de retrait du CO₂, dont la mise en œuvre interviendrait de manière massive à partir de 2050. La bourse d’achats des certificats permettrait de financer le développement d’une nouvelle filière technologique dont la plus ambitieuse porte la tonne CO₂ à environ 300 dollars (objectif du DAC en 2050).
« Si nous stimulons aujourd’hui la demande de captation de CO₂ de cette manière, nous pourrons combler la vallée de la mort entre l’innovation technique et la commercialisation dans l’industrie émergente de captation de CO₂, qui devra fonctionner à l’échelle de la gigatonne d’ici au milieu du siècle », explique Ottmar Edenhofer, directeur du PIK.
À Bakou, les délégués à la COP29 ont approuvé l’élaboration par l’ONU d’un cadre définissant mieux les contours d’un nouveau marché du carbone « crédible », évitant les écueils des compensations bidon ou qui surévaluent l’impact des projets de reforestation. Certaines multinationales, comme Microsoft ou JPMorgan, ont d’ores et déjà commencé à investir dans des projets de retraits directs du CO₂, anticipant un marché qui devrait atteindre une dizaine de milliards dans quelques années, avant de grimper en flèche si les États parviennent à établir un cadre institutionnel attractif et robuste.
Bien sûr, tout cela ne tient pas compte de la forte résistance des pays producteurs de pétrole et de gaz, de la politique irresponsable que s'apprête à lancer Donald Trump. On pourrait aisément conclure qu’une politique visant à séquestrer, valoriser ou éliminer le carbone excédentaire de l'atmosphère est vouée à l’échec. Mais c’est oublier que les grands pays du Sud global ont tout intérêt à un marché qui valorise l’importance de leurs forêts, le potentiel de la biomasse, sans parler des déserts et grandes plaines qui pourront accueillir de gigantesques parcs solaires et éoliens pour fabriquer l’électricité qui sera nécessaire pour alimenter en énergie verte la filière hautement technologique de retrait du CO₂. Car de l’électricité, il en faudra énormément.
L’Académie des sciences britanniques considère que le recours à l’énergie nucléaire sera nécessaire et indispensable pour boucler la boucle du nouveau système énergétique. Et c’est probablement la seule voie qui sera rentable pour cette forme d’énergie qui restera très chère et controversée. En résumé, pour résoudre la crise climatique, nous devrons réduire aussi vite que possible la consommation d’énergie fossile, être frugal dans l’utilisation des ressources et investir massivement dans l’électrification pour rétablir un cycle naturel du carbone compatible avec un réchauffement de 1,5 °C.