Mandatée par l’Association des entreprises électriques suisses, une étude rappelle les défis et solutions dont disposent la Suisse pour pérenniser son système énergétique sur le long terme.
Comment adapter les zones terrestres pour atténuer l'impact humain sur la planète
Dans les années à venir, l'être humain devra revoir sa manière de gérer les sols. Naturellement, cela implique une meilleure préservation des écosystèmes naturels subsistants, mais aussi de repenser sa manière d’exploiter ceux déjà conquis.
Dans une étude publiée dans « Global Change Biology », les chercheurs Evelyn M. Beaury, Jeffrey Smith et Jonathan M. Levine ont analysé 19 stratégies différentes permettant d’atténuer notre empreinte sur les terres disponibles de la planète. Ces stratégies incluent, par exemple, une gestion plus intelligente des domaines agricoles et forestiers, la restauration et la préservation de certains écosystèmes, ou encore la conversion de vastes étendues de terres à d’autres objectifs.
« Parmi les stratégies que nous avons étudiées figurent la protection et la restauration des habitats forestiers, des zones humides, des tourbières et des prairies ; diverses approches de gestion intelligente des terres cultivées et des forêts face au climat (y compris la pyrolyse de biomasse ou biochar, ainsi que le sylvopastoralisme) ; la culture bioénergétique avec capture et stockage du carbone, et le boisement, » explique Evelyn M. Beaury à « Carbon Brief ».
Pour leurs recherches, les trois scientifiques se sont basés sur l’ensemble des données géographiques et biophysiques dont nous disposons sur la Terre. Ils ont estimé que 8,56 milliards d'hectares se prêtent théoriquement à cet exercice, soit environ 57 % de la superficie terrestre mondiale. Ce chiffre comprend 5,20 milliards d'hectares pour lesquels une seule des stratégies étudiées convient, généralement celle qui consiste à maintenir l'écosystème actuel et le carbone qu'il stocke. Pour les 3,36 milliards d'hectares restants, plus d’une solution serait possible.
L'essentiel de cette étude en quelques points clés.
1️⃣
Terres en suffisance : La première nouvelle positive à tirer de cette étude est que la planète disposerait de suffisamment d’espace pour limiter le réchauffement en dessous des 2 degrés visés. D’après les estimations faites par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il faudrait compter entre 150 et 800 millions d'hectares à destination de l’agriculture et entre 600 et 1500 millions d'hectares pour l'augmentation du couvert forestier. Or, leur cartographie de la planète en présente quelque 1300 pour le monde agricole et 1600 pouvant être reboisés. « Mais comme le montre notre analyse, les chevauchements au sein de ces zones indiquent clairement que la société sera confrontée à des choix pour réduire la pression qu’elle impose à ces territoires », peut-on lire dans l’étude.
2️⃣
Choix cruciaux : D’après les auteurs de l’étude, près de 40 % des terres se prêteraient à plus d’une stratégie d’atténuation. Malheureusement, seulement une petite partie de ces zones pourrait combiner plusieurs solutions pour, par exemple, stocker du CO₂. Dans certains cas, répandre des roches silicatées broyées sur des fermes ou d'autres terres arables accélérerait les processus chimiques naturels et éliminerait le carbone de l'atmosphère, tout en améliorant le rendement des cultures.
Ces possibilités sont toutefois limitées, et la majeure partie des zones ferait surtout face à des solutions contradictoires et à des résultats encore incertains. Les scientifiques se gardent d'ailleurs bien de faire une quelconque recommandation, indiquant que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour cartographier les contraintes locales et les coûts de gestion de chaque zone. Cela permettrait de faire en sorte que le choix entre les stratégies d’atténuation aligne les besoins locaux avec les objectifs nationaux et mondiaux de lutte contre le changement climatique.
3️⃣
Zones conflictuelles : Prenez le cas de vastes portions des États-Unis, de l’Europe et de la Chine : elles se prêtent autant à la restauration des écosystèmes qu’à une agriculture intelligente face au climat. « Dans ces régions, les sociétés sont confrontées à un choix entre restaurer les prairies, les forêts et les zones humides, ou continuer à gérer les terres pour l’agriculture, où des pratiques intelligentes face au climat pourraient encore être mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou séquestrer davantage de carbone », explique Evelyn M. Beaury.
4️⃣
Préserver l'existant: Étant donné qu’une majorité de zones ne disposent que d’une seule stratégie d'atténuation, les possibilités restent malgré tout limitées. Les auteurs de l’étude rappellent que tout changement dans ces régions pourrait entraîner de nouvelles sources importantes d’émissions de carbone dans l'atmosphère. « La protection des écosystèmes existants devrait être une priorité absolue pour atténuer le changement climatique », rappellent-ils.
« Le maintien du carbone stocké dans des écosystèmes actuellement non protégés représente plus de 3 milliards d’hectares de terres que nous estimons propices à l’atténuation du changement climatique par les terres, soit environ 20 % de la surface terrestre de la planète », précise Evelyn M. Beaury.
Réduire la pression humaine sur les sols nécessitera forcément un certain courage politique, étant donné qu’il s’agira d’adapter une politique territoriale en fonction de ces enjeux climatiques. À ce stade, faute de financement et d’incitations publiques suffisantes, le rythme reste malheureusement insuffisant pour atteindre les objectifs formulés à Paris par la communauté internationale.
Mandatée par l’Association des entreprises électriques suisses, une étude rappelle les défis et solutions dont disposent la Suisse pour pérenniser son système énergétique sur le long terme.