« En matière de tourisme durable, les Suisses peuvent clairement en faire plus »

Fin 2024, une étude publiée dans « Nature Communications » montrait que, à lui seul, le secteur touristique était en 2019 responsable de 8,8 % du réchauffement climatique d’origine anthropique.

Après la brève parenthèse du Covid, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC), la contribution du voyage et du tourisme aux émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde atteignait encore 6,5 % en 2023. Dans un monde contraint de se décarboner au plus vite, le tourisme aura donc clairement un rôle à jouer.

Mais comment évoluent les mentalités tant au sein de la population suisse que de l'industrie touristique mondiale ? On tend cette fois le micro à François Germanier, chargé de projets communication d’entreprise et porte-parole de Suisse Tourisme, cette corporation de droit public chargée par la Confédération de promouvoir l’offre touristique pour la Suisse.

Quelle importance les enjeux écologiques jouent-ils actuellement dans nos choix de vacances ?

À l’approche de l’été 2024, nous avons réalisé une enquête sur les pratiques des hôtes suisses et européens en matière de durabilité et le rôle que pouvaient jouer des facteurs écologiques dans le choix d’une destination ou d’un prestataire touristique plutôt qu’un autre.

Il apparaît que 30% des personnes interrogées en Suisse ont choisi au moins une fois, lors de la réservation de leurs vacances, de compenser leurs émissions de CO₂ ou de faire appel à un voyagiste qui s’engage envers la durabilité. La Suisse alémanique fait figure de lanterne rouge, avec seulement 30% des sondés, contre 32% en Suisse romande et 36% au Tessin. Une chose est donc certaine, les Suisses peuvent clairement en faire plus en matière de tourisme durable.

À noter qu’en raison des différentes crises que le monde traverse actuellement et de l’inflation, il semble que les voyageurs aient un budget de plus en plus limité pour leurs vacances. Ainsi, bien que la durabilité et les facteurs écologiques aient constitué une réelle tendance pendant plusieurs années, il se pourrait que voyager de manière durable soit de plus en plus difficile financièrement.

La Suisse en fait-elle assez pour décarboner sa filière du tourisme ?

Chez Suisse Tourisme, nous n'avons pas pour mission de porter un jugement de valeur sur les efforts fournis par la branche du tourisme dans ce sens. Cela ne nous a pas empêché de développer le programme Swisstainable en collaboration avec la Haute école de Lucerne et le secteur du tourisme suisse.

Lancée en 2021 avec le but de rassembler la branche autour de la durabilité, l'initiative compte de plus en plus de participants, que ce soit au niveau I, II ou III. Un Dashboard est d'ailleurs mis à jour régulièrement (dernière mise à jour : 28.07.2025) nous permet d’avoir une vue d’ensemble sur ces statistiques.

Au total, 15,6% des voyageurs soulignent le caractère relaxant de la Suisse et le fait qu’il n’y ait que peu de touristes sur le territoire comme principaux attraits touristiques du pays.

Aujourd’hui le tourisme mondial génère encore 6,5 % des émissions mondiales de carbone (chiffres de 2023)… Comment la branche pourrait-elle réduire ce bilan selon vous ?

C’est un fait, oui, mais malgré tout la branche apporte sa contribution à la durabilité. Et ce, dans tous les domaines, non seulement sur le plan écologique, mais aussi économique (sécurité de l'emploi) et social (acceptabilité du tourisme). Dans ce cadre, nous avons rajouté sur notre site web, toute une rubrique baptisée « travel better ».

Avec une promotion ciblée et un guidage intelligent, notre objectif est d’amener les bons hôtes au bon moment et au bon endroit. Pour cela nous avons défini cinq domaines d’action clés :

• Promouvoir le tourisme toute l'année pour découvrir et profiter de la Suisse en basse saison et aide les professionnels du voyage à mettre en place des offres adéquates.
• Mieux gérer les flux de visiteurs en faveur de nouvelles destinations et d'activités moins connues.
• Prolonger le séjour en accordant notamment une attention particulière aux voyages où la Suisse est la seule destination visitée.
• Faire progresser Swisstainable en augmentant l'offre de services permettant de réduire son empreinte carbone et de privilégier des fournisseurs locaux et durables.
• Renforcer l’acceptabilité du tourisme en Suisse en participant à des initiatives locales et nationales afin de s’assurer que le tourisme se développe en accord avec les besoins de la population locale.

Récemment le sociologue français a publié un livre faisant l’apologie du microvoyage… est-ce une piste sérieuse pour le tourisme suisse et permettre aux citoyens de (re)découvrir leur pays et régions ?

Main dans la main avec les différents acteurs du tourisme en Suisse, nous nous efforçons de proposer des solutions alternatives capables de séduire notre clientèle nationale, qui demeure la plus importante pour le secteur touristique suisse avec 50 % des nuitées hôtelières en 2023.

À titre d’exemple, citons la campagne « La magie des beaux sites », menée en collaboration avec l’Office fédéral de la culture, qui invite les résidents suisses à découvrir des lieux méconnus. Autre initiative : « Grape Escapes », un programme rassemblant une soixantaine d’hébergements permettant aux visiteurs de passer la nuit au cœur des vignes.

Aéroports stressants, sites touristiques bondés, longs vols… peut-on encore parler de plaisir en parlant du voyage ?

La situation que vous décrivez n’est pas tout à fait vraie pour la Suisse, qui n’est pas exposée à une situation de tourisme de masse comme certains centres urbains européens tels qu’Amsterdam, Barcelone ou encore Venise. En Suisse, il n’existe en effet que quelques goulets d’étranglement temporaires dont la situation est prise très au sérieux par notre organisation. Depuis la fin du Covid, les nuitées hôtelières sont en légère augmentation chaque année, ce qui montre l’attractivité de notre pays en tant que destination de vacances.

Enfin, le Monitoring du Tourisme Suisse (MTS) 2023, plus large enquête menée auprès de voyageurs sur le plan européen, nous dit que 15,6% des voyageurs soulignent le caractère relaxant de la Suisse et le fait qu’il n’y ait que peu de touristes sur le territoire comme principaux attraits touristiques du pays. Les deux marchés qui arrivent en tête de classement parmi les répondants sont la France et l’Allemagne, deux marchés très importants pour Suisse Tourisme.