« Investir dans les énergies renouvelables s’avère plus rentable que de maintenir le système actuel de subventions aux énergies fossiles. Selon l'ONU, la réduction mondiale de la pollution permettrait d’économiser jusqu’à 4 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030 », explique Jean-Yves Pidoux.
Fin inéluctable du nucléaire ou solution nécessaire ?
« Le nucléaire est un sujet qui divise, empreint d’émotions et de débats politiques. Face aux défis de la transition énergétique et à nos besoins croissants en électricité, pouvons-nous nous permettre d’exclure définitivement cette technologie », questionne Michael Frank, directeur de l’AES.
Il y a quatorze ans, neuf jours après mon entrée en fonction à la tête de l'Association des entreprises électriques suisses (AES), je recevais un appel m’informant d’un accident industriel majeur survenu au Japon : la catastrophe nucléaire de Fukushima. L’émotion était intense, les appels à renoncer au nucléaire se sont multipliés, et les débats se sont enflammés.
Suite à cette tragédie, de nombreuses mesures ont été prises. En Suisse, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) a notamment décrété un moratoire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires. La sortie progressive du nucléaire ainsi que l’interdiction de construire de nouvelles centrales ont été avalisées par la population suisse en 2017, lors de l’adoption de la Stratégie énergétique 2050.
Transition et réalité énergétique
La Suisse est aujourd'hui confrontée à de nombreux défis en matière d’approvisionnement énergétique. La décarbonation de l'économie requiert une électrification accrue de nos usages – du chauffage à la mobilité – entraînant une hausse importante de la demande en électricité.
Un constat s'impose pourtant : même en atteignant les objectifs de production fixés par la loi, une capacité complémentaire sera nécessaire au-delà de 2050, particulièrement durant les mois d'hiver.
Pour répondre à ces enjeux, garantir notre sécurité d’approvisionnement et atteindre nos objectifs énergétiques et climatiques, nous devons accélérer le développement des énergies renouvelables de manière significative. Celles-ci constituent d’ailleurs notre priorité absolue à court et moyen terme.
Un constat s'impose pourtant : même en atteignant les objectifs de production fixés par la loi, une capacité complémentaire sera nécessaire au-delà de 2050, particulièrement durant les mois d'hiver. La forme que prendra cette production dépendra de notre volonté collective, mais devons-nous pour autant écarter définitivement l’option nucléaire ?
Une option parmi d'autres
Plusieurs pays européens, comme la France et la Finlande, prolongent la durée de vie de leurs installations ou investissent dans de nouvelles technologies, notamment les petits réacteurs modulaires (SMR), présentés comme plus flexibles et plus sûrs. Cette approche montre qu’une réflexion nuancée est possible.
En Suisse, toute nouvelle construction reste à ce jour interdite par la loi, une disposition qui semble en décalage avec les avancées technologiques et nos besoins énergétiques futurs. Cette interdiction limite nos options futures et nous rend plus vulnérables face aux importations.
L'initiative « Stop au Blackout » et le contre-projet indirect du Conseil fédéral s’accordent sur la nécessité de reconsidérer nos choix technologiques. Toutefois, si l’initiative s’avère contre-productive pour la gestion de crise et crée un conflit de normes, le contre-projet, lui, mérite d’être salué.
Lever l’interdiction de principe ne signifierait en aucun cas le lancement immédiat de nouveaux projets de centrales nucléaires. D’ailleurs, une telle option ne constituerait pas une réponse aux défis à court et moyen terme.
Dans un monde où la demande évolue constamment et où les conditions climatiques et géopolitiques se complexifient, il serait imprudent de restreindre notre marge de manœuvre en écartant dès aujourd’hui des technologies qui pourraient s’avérer précieuses à l’avenir.
Préserver notre liberté d’action future
Avant qu’une nouvelle centrale ne devienne une option sérieuse, de nombreuses étapes devront être franchies : débats politiques supplémentaires, décisions législatives et, le cas échéant, référendums et votes populaires. De plus, le cadre légal actuel ne prévoit pas les conditions d’investissement nécessaires pour garantir la rentabilité d’un tel projet.
Le contre-projet du Conseil fédéral ne porte pas sur un projet concret, mais propose une option stratégique. Son objectif premier n’est pas d’imposer une direction, mais de rouvrir le débat sur le nucléaire, de préserver l’attractivité des sites, d’assurer la pérennité de l’industrie et de maintenir la recherche ainsi que les compétences dans ce domaine. Il s’agit avant tout de garantir notre liberté d’action future, sans préjuger des choix technologiques qui seront effectivement réalisés.
La question n'est pas de renier nos engagements passés, et cette approche ne remet nullement en cause notre priorité absolue : la mise en œuvre rapide de la loi pour l’électricité et, ainsi, l’accélération du développement de la production nationale d’énergies renouvelables.
Mais dans un monde où la demande évolue constamment et où les conditions climatiques et géopolitiques se complexifient, il serait imprudent de restreindre notre marge de manœuvre en écartant dès aujourd’hui des technologies qui pourraient s’avérer précieuses à l’avenir.
« Investir dans les énergies renouvelables s’avère plus rentable que de maintenir le système actuel de subventions aux énergies fossiles. Selon l'ONU, la réduction mondiale de la pollution permettrait d’économiser jusqu’à 4 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030 », explique Jean-Yves Pidoux.