« La crise climatique demeure un enjeu que nous devons aborder à l’échelle mondiale »

Les conclusions décevantes de la dernière COP poussent à s’interroger sur le modèle même de ces grandes rencontres internationales. Le point avec Delia Berner, analyste en politique climatique internationale, ainsi qu’avec une autre membre de la délégation suisse, représentante de la société civile.

« La crise climatique demeure un enjeu que nous devons aborder à l’échelle mondiale »
Delia Berner, analyste en politique climatique internationale chez Alliance Sud, membre de la délégation suisse et représentante de la société civile durant la COP30. DR

La COP30 de Belém s’est achevée sur un compromis jugé plus que mitigé. « L’écart entre les mesures prises par les pays et celles qui seraient nécessaires reste beaucoup trop important. La réponse de la COP30 est extrêmement insuffisante. Il aurait fallu appeler clairement tous les États à renforcer de manière significative leurs plans climatiques. Au lieu de cela, nous n’avons eu droit qu’à des encouragements timides et à la décision d’ouvrir, en 2026, de nouvelles négociations et initiatives destinées à réduire cet écart, dont l’issue demeure incertaine », déplore Thomas Häusler, expert climatique du WWF et membre de la délégation helvétique envoyée au Brésil.

Les énergies fossiles apparaissent comme les principaux gagnants de cette COP, les États n’étant pas parvenus à s’accorder sur une feuille de route pour en sortir. Quant au soutien financier promis aux pays du Sud — 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 —, la conférence n’a pas non plus réussi à préciser la mise en œuvre de l’objectif de financement climatique arrêté l’an dernier à Bakou.

« Alors, était-ce la COP de trop ? », s’interroge Virginie Lenk dans une tribune. Journaliste et rédactrice en chef adjointe du quotidien « 24 Heures », elle estime que « ces raouts coûteux devraient être abandonnés, au profit de coalitions plus restreintes concentrées sur un seul enjeu, comme les forêts, l’agriculture ou les océans. Soutenons des solutions régionales et locales, plus simples à mettre en œuvre. Éduquons nos populations à une sobriété qui ne fait plus rêver, et au respect de la nature, au prix de certains sacrifices. »

En direct du Brésil, on en parle avec Delia Berner, analyste en politique climatique internationale chez Alliance Sud, membre de la délégation suisse et représentante de la société civile durant la COP30.

Dix ans après les ambitieux accords de Paris, les attentes autour de cette COP brésilienne étaient-elles trop élevées ?

Avant la conférence, j’avais plutôt le sentiment que l’on n’en attendait pas grand-chose, compte tenu de la situation mondiale actuelle. Mais au fil des discussions, une dynamique positive s’est installée sous la présidence brésilienne. Plus de 80 pays ont réclamé un plan de sortie des énergies fossiles, les pays du Sud ont unanimement demandé un soutien financier renforcé pour l’adaptation au changement climatique, et la société civile est parvenue à inscrire dans les négociations un mécanisme garantissant une transition équitable vers une économie et une société respectueuses du climat.

Au final, toutefois, ces revendications n’ont pas pu être traduites en une décision ambitieuse : la résistance de certains groupes de pays à plusieurs points clés s’est révélée trop forte.

À Belém, les énergies fossiles et leurs lobbys n’ont-ils pas été les grands gagnants de cette COP, en obtenant un nouveau sursis dangereux pour la planète ?

Les pays producteurs de pétrole ont effectivement empêché que le texte final mentionne explicitement la sortie des énergies fossiles — cela ne peut être nié. Mais il faut aussi reconnaître que certains États ont soutenu un tel plan tout en intégrant dans leurs délégations des lobbyistes issus de compagnies pétrolières. La France, par exemple, comptait parmi ses délégués des représentants de TotalEnergies. Et d’autres pays, comme la Suisse, ont défendu le plan alors même qu’ils n’ont pas de stratégie pour décarboner leur propre secteur des transports. La situation est donc complexe, et le lobby pétrolier intervient certainement à plusieurs niveaux.

L’autre échec majeur de cette COP était d’ordre financier. Le problème ne vient-il pas du fait que les pressions s’exercent essentiellement sur des pays industrialisés dont les caisses publiques sont vides ou surendettées ?

La forte pression exercée sur les pays industrialisés est justifiée : non seulement ils ont émis d’importantes quantités de CO₂, mais ils sont aussi devenus très riches. Par ailleurs, en raison des opérations de crédit et de pratiques fiscales parfois illégitimes, les flux financiers mondiaux circulent davantage du Sud vers le Nord que l’inverse. La Suisse, d’ailleurs, n’a aucun problème de finances publiques : son niveau d’endettement est historiquement bas en comparaison internationale.

D’autres conférences et réunions pourraient être mobilisées de manière plus cohérente pour aborder également la protection du climat.

La position de la Suisse demeure ambiguë sur ces enjeux. Notre pays manque-t-il d’ambition et de vision face aux défis et aux risques posés par le changement climatique ?

La politique suisse manque à la fois d’ambition et de volonté pour appliquer les objectifs légaux pourtant approuvés par les électeurs. Au lieu de cela, on privilégie des décisions à très court terme, comme l’externalisation des réductions d’émissions à l’étranger, alors même que cette stratégie complique la voie vers l’objectif national de zéro émission nette.

La politique ferme également les yeux sur les activités de la place financière et du marché suisse des matières premières dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz. Les effets de la crise climatique se font sentir depuis longtemps en Suisse ; je ne comprends donc pas pourquoi nos responsables politiques ne mettent pas tout en œuvre pour limiter le réchauffement à 1,5 °C.

Après l’échec malheureux de la conférence sur le plastique, ces grandes manifestations — coûteuse et au bilan carbone désastreux — ont-elles encore du sens ?

Oui, je le pense. La crise climatique demeure un enjeu que nous devons aborder à l’échelle mondiale. On peut certes débattre de l’efficacité de ces conférences, mais il reste essentiel que tous les pays se réunissent régulièrement pour négocier, et que la société civile puisse suivre et observer ces discussions.

Quelles pourraient en être les alternatives, selon vous ?

D’autres conférences et réunions pourraient être mobilisées de manière plus cohérente pour aborder également la protection du climat. Par exemple, les conférences économiques pourraient se focaliser davantage sur la décarbonisation de l’économie, et la crise climatique devrait figurer systématiquement à l’ordre du jour des voyages diplomatiques du Conseil fédéral. Mais cela ne saurait remplacer les négociations mondiales sur la protection du climat, qui demeurent, à mon sens, indispensables.

Pour finir sur une note optimiste, peut-on malgré tout relever quelques avancées positives lors de cette COP30 ?

La société civile a largement contribué à la décision de la COP30 d’élaborer un mécanisme en faveur d’une « transition juste » vers un monde affranchi des énergies fossiles. Pour y parvenir, il sera essentiel d’impliquer les travailleurs, les communautés locales et autochtones, ainsi que l’ensemble de la population. C’est la seule manière de garantir le succès de cette transition et d’assurer des moyens de subsistance pour tous. Cette « transition juste » offre l’espoir que des décisions socialement équitables seront prises face à la crise climatique.

Génial ! Vous vous êtes inscrit avec succès.

Bienvenue de retour ! Vous vous êtes connecté avec succès.

Vous êtes abonné avec succès à SwissPowerShift.

Succès ! Vérifiez votre e-mail pour obtenir le lien magique de connexion.

Succès ! Vos informations de facturation ont été mises à jour.

Votre facturation n'a pas été mise à jour.