Couplant la production agricole et l’énergie solaire, l’agrivoltaïsme offre des perspectives prometteuses en Suisse où les surfaces dédiées à l’agriculture, ainsi qu’à la production d’énergie renouvelable, sont limitées.
Il y a deux mois, CleantechAlps a publié la deuxième édition de son rapport consacré aux start-up actives dans le domaine des cleantechs. Entretien avec Eric Plan, Secrétaire Général.
La recharge bidirectionnelle, l'atout en plus des voitures électriques
L’électrification des véhicules ne constitue pas seulement une révolution dans le domaine de la mobilité, mais pourrait également transformer en profondeur le système électrique.
Une bonne centaine de kilowattheures (kWh) stockée directement dans votre garage : voilà le potentiel insoupçonné d'énergie qu'offre votre nouvelle voiture électrique. Pour mettre ce chiffre en perspective, rappelons qu'un ménage suisse moyen (composé de 2,23 personnes) consomme entre 3 000 et 4 000 kWh d'électricité par an. L’électrification des véhicules ne constitue donc pas seulement une révolution dans le domaine de la mobilité, mais pourrait également transformer profondément le système électrique grâce à une simple technologie : la recharge bidirectionnelle.
Encore limitée à certains modèles, cette innovation permet à la voiture non seulement de puiser de l'énergie dans le réseau pour se recharger, mais aussi d'utiliser sa batterie de manière flexible pour restituer une partie de cette énergie, devenant ainsi une source de stockage. Dans le jargon, on parle de V2G (Vehicle-to-Grid), et parfois plus précisément de V2H (Vehicle-to-Home) pour l'alimentation électrique d'une maison, ou de V2L (Vehicle-to-Load) lorsqu'il s'agit de recharger des appareils externes.
Étant donné qu'une voiture passe la majeure partie de sa vie stationnée, cette nouvelle manière de l'utiliser revêt un intérêt particulier. Dans le contexte sensible de la transition vers des sources d'énergie non fossiles, elle fait en tout cas l'objet d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics. « La réinjection, dans le réseau d’électricité, de l’énergie stockée dans les batteries des véhicules électriques peut améliorer la stabilité du réseau, réduisant ainsi la nécessité d'investissements coûteux dans des infrastructures supplémentaires ou de capacités de réserve additionnelles pour gérer les charges de pointe », indique un rapport publié par la Confédération à la mi-décembre 2024.
L'autre option : le smart charging
Sans offrir la bidirectionnalité des flux électriques, les véhicules dotés d'une capacité de smart charging constituent une autre solution pour soutenir le système électrique suisse. Cette méthode de recharge intelligente permet d'optimiser l'alimentation du véhicule de façon plus efficace, écologique et économique.
Cette technologie permettrait d’écrêter les pics de charge en reportant la recharge aux heures de faible sollicitation du réseau. Puisque les tarifs varient selon les moments de la journée, en fonction de la demande, les recharges deviendront moins coûteuses dès lors que le véhicule ou la borne sera correctement paramétré pour s’activer aux heures creuses. O.W.
Un énorme potentiel
Les premières estimations sont prometteuses. « En prenant comme base de calcul une capacité moyenne de batterie de 60 kWh par véhicule électrique en 2035, deux millions de véhicules électriques représenteraient une capacité totale de 120 gigawattheures (GWh), soit près de la moitié de l'énergie maximale utilisable contenue dans les centrales suisses de pompage-turbinage », peut-on lire dans le rapport fédéral.
Les experts de la Confédération nuancent toutefois ce chiffre, conscients que tous les véhicules ne seront pas nécessairement compatibles avec la recharge bidirectionnelle. Le potentiel reste néanmoins colossal : « Une centaine de milliers de véhicules électriques équipés de la technologie V2G pourraient déjà, en théorie, injecter rapidement dans le réseau une puissance équivalente à celle de la centrale nucléaire de Leibstadt. »
L’été dernier, le groupe Mobility a dévoilé les résultats d’un test grandeur nature réalisé en collaboration avec plusieurs partenaires, dont l’Office fédéral de l'énergie (OFEN). Pendant un an et demi, la société de car sharing a exploité et testé 50 voitures électriques bidirectionnelles. Les résultats se sont révélés plus que concluants : les véhicules se sont avérés capables de fournir de l’électricité en quelques secondes sur simple signal du gestionnaire de réseau local.
« Si la recharge bidirectionnelle est possible dans le cadre du car sharing, elle devrait l’être partout », explique Pascal Barth, ingénieur électricien chez Mobility.
« Cette expérience nous a permis d’étudier le cas d’application probablement le plus complexe : des voitures stationnées à travers toute la Suisse, auprès de différents fournisseurs d’électricité, et qui doivent rester disponibles à tout moment pour des trajets partagés », explique Pascal Barth, ingénieur électricien chez Mobility sur le site de l’entreprise. Ce dernier est convaincu que « si la recharge bidirectionnelle est possible dans le cadre du car sharing, elle devrait l’être partout ».
Adéquation avec le solaire
Ces sources mobiles de stockage s’accorderaient parfaitement avec la source d’énergie renouvelable la plus en vue du moment : le photovoltaïque. « La mobilité électrique pourrait jouer un rôle décisif dans le futur système énergétique en facilitant une meilleure intégration de la production photovoltaïque », confirme le rapport suisse.
Le concept est relativement simple à comprendre. Lorsque les panneaux solaires produisent à pleine capacité, toute l’énergie excédentaire est stockée dans la batterie de la voiture, puis réinjectée dans le système après le coucher du soleil, en fonction des besoins quotidiens. Pour les ménages équipés de panneaux solaires, la recharge bidirectionnelle n’est pas seulement synonyme d’une autosuffisance énergétique accrue, mais aussi d’une source potentielle de revenus.
Source de revenus futurs ?
Sans compter une rentabilisation bien plus optimale de son installation solaire, la possibilité de transformer son véhicule en batterie mobile pourrait également générer de nouvelles sources de revenus. À condition que le système soit adapté, dans le cas du V2G, le propriétaire pourrait bénéficier d’une réduction du prix de son électricité propre, mais aussi d’une rémunération pour l’injection d’énergie dans le réseau. À terme, cela permettrait de réduire sa facture et de rentabiliser, même légèrement, l’achat d’un véhicule 100 % électrique.
Sur le site de la Société Suisse pour l'Énergie Solaire, Karin Schäfer, directrice de sun2wheel, explique avoir amorti son installation photovoltaïque et sa station de recharge bidirectionnelle en 7,5 ans. « Avec une consommation annuelle d’électricité d’environ 16 000 kWh, nous avons pu économiser environ 4 500 francs par an en frais d’électricité », explique celle qui dirige cette jeune société pionnière dans l’installation de bornes de recharge bidirectionnelles.
Dans son rapport, le gouvernement évoque également ces formes de monétisation, en précisant toutefois que la puissance d’un seul véhicule électrique serait trop faible pour participer au marché. « Il faudrait plutôt envisager des parcs de véhicules électriques regroupés par un agrégateur, qui serait chargé de rémunérer les propriétaires des véhicules pour l’utilisation de leurs batteries. »
« Avec une consommation annuelle d’électricité d’environ 16 000 kWh, nous avons pu économiser environ 4 500 francs par an en frais d’électricité », explique Karin Schäfer, directrice de sun2wheel.
Pour des raisons principalement liées au prix des véhicules et au coût d’installation d’une borne de recharge, cette solution ne présente toutefois pas encore de modèle économique véritablement pérenne. « Pour le moment, il manque un modèle économique permettant d’évaluer les retombées économiques de cette technologie », estime Mario Paolone, président du laboratoire Distributed Electrical Systems à l'EPFL.
L’expérience menée par Mobility est arrivée à la même conclusion, puisque la société de car sharing a clairement indiqué qu’une « exploitation économique viable de cette technologie bidirectionnelle n’existait pas encore à l’heure actuelle. »
Limites actuelles
L’argent n’est pas le seul frein au développement actuel de la recharge bidirectionnelle. Cette technologie fait notamment face à une idée reçue aux racines tenaces : son impact sur l’état de la batterie. De manière similaire à ceux qui continuent de croire qu’une batterie est une source majeure de pollution, de nombreuses personnes redoutent un épuisement accéléré de celle-ci.
Les recherches menées ces dernières années sont toutefois rassurantes, tant elles ont démontré la robustesse des solutions actuelles. « Les batteries modernes disposent également d’une capacité résiduelle suffisante après plusieurs centaines de milliers de kilomètres. Celle d’un véhicule électrique appartenant à un particulier ne doit, pour ainsi dire, jamais être remplacée. Si elle est, en outre, utilisée pour la recharge bidirectionnelle, cela augmente son utilité totale », écrivent les auteurs du rapport fédéral.
D'après le Touring Club Suisse, contrairement à la conduite, qui demande à la batterie de fournir une puissance très élevée, la recharge bidirectionnelle ne requiert qu’une faible capacité de décharge. « Au contraire, la recharge bidirectionnelle a même le potentiel de prolonger la durée de vie de la batterie, car elle se trouve souvent dans un état de charge idéal », peut-on lire sur le site de l'association.
Le principal problème n’est toutefois pas idéologique, mais bien pratique. De nos jours, trop peu de véhicules électriques sont encore équipés de la capacité de réinjecter de l’énergie dans le réseau. Et il en va de même pour le nombre d’installations offrant cette possibilité.
« Au contraire, la recharge bidirectionnelle a même le potentiel de prolonger la durée de vie de la batterie, car elle se trouve souvent dans un état de charge idéal », indique le Touring Club Suisse.
Mais la loi du marché reste la même : en cas de demande accrue, l’offre suivra. Du côté des constructeurs, il est fort probable que l'ensemble des futurs véhicules soient finalement équipés de logiciels permettant cette bidirectionnalité des flux électriques. Quant aux infrastructures de recharge, la logique voudrait que la direction soit la même.
Cette évolution devrait finir par réduire les pressions sur les factures des volontaires et rendre cette technologie de plus en plus intéressante. Comme l’indique le rapport de la Confédération : « Une plus grande diffusion de la recharge bidirectionnelle et une plus grande offre de véhicules électriques supportant cette technologie devraient toutefois entraîner une forte baisse des prix des bornes adéquates. »
Couplant la production agricole et l’énergie solaire, l’agrivoltaïsme offre des perspectives prometteuses en Suisse où les surfaces dédiées à l’agriculture, ainsi qu’à la production d’énergie renouvelable, sont limitées.
Il y a deux mois, CleantechAlps a publié la deuxième édition de son rapport consacré aux start-up actives dans le domaine des cleantechs. Entretien avec Eric Plan, Secrétaire Général.