« La Suisse accuse un retard évident par rapport à ses voisins dans l’énergie éolienne »
Entretien avec Philip Mäder, responsable des relations médias chez BKW.
Entretien avec Philip Mäder, responsable des relations médias chez BKW.
Déposées le 25 juillet 2025, validées fin septembre, les deux initiatives populaires fédérales « Contre la destruction de nos forêts par des éoliennes (initiative pour la protection des forêts) » et « Pour la protection de la démocratie directe par rapport aux parcs éoliens (initiative pour la protection des communes) » relancent la question éolienne en Suisse.
Pour poursuivre notre tour d’horizon, il nous manquait un producteur d’énergie. Dans ce quatrième volet, nous donnons donc la parole à BKW, représenté par son responsable des relations médias, Philip Mäder.
À la lumière du dépôt réussi des deux dernières initiatives consacrées à l’éolien, une première question s’impose : cette source d’énergie a-t-elle réellement un avenir en Suisse ?
Leur concrétisation freinerait les investissements indispensables à l’extension urgente de l’énergie éolienne. En particulier, les interdictions rétroactives créeraient une forte insécurité : de telles dispositions permettraient de remettre en cause des projets d’investissement déjà approuvés et juridiquement valides pour la production d’énergies renouvelables.
L’acceptation de ces initiatives conduirait à l’arrêt immédiat — voire au démantèlement — d’installations de production d’énergies renouvelables en Suisse. Une telle approche ne serait pas conforme au système juridique suisse et affaiblirait la sécurité du droit. BKW s’y oppose donc clairement.
Comment expliquer un tel élan anti-éolien dans notre pays ?
Le peuple suisse s’est, à plusieurs reprises, clairement prononcé en faveur du développement des énergies renouvelables, y compris de l’énergie éolienne. L’acceptation de la loi sur l’électricité en juin 2024, ainsi que plusieurs votations cantonales, en constituent des exemples éloquents. Toutefois, les opposants à l’énergie éolienne peuvent bloquer les projets pendant de très longues années en raison des procédures actuelles d’autorisation et de recours, comme le démontre le cas du parc éolien de Tramelan.
La Suisse vise l’installation d’environ 1 000 éoliennes d’ici 2050 dans le cadre de son mix énergétique. Mais au regard du contexte actuel, ce chiffre ne paraît-il pas hors d’atteinte ?
La construction de seulement 200 à 300 unités représenterait déjà un progrès en Suisse. Elles pourraient générer entre 1 et 2 TWh d’électricité, principalement en hiver, et offriraient ainsi un complément idéal à l’énergie solaire.
Comment se portent vos propres projets éoliens chez Romande Energie ?
Nous disposons d’un permis de construire valide pour le projet « Parc éolien de la Montagne de Tramelan et Montbautier », ainsi que de la majorité des droits de construction, de passage et de servitude nécessaires. Par ailleurs, les électeurs des communes de Tramelan et de Saicourt ont approuvé le projet en mars 2015. Malgré les oppositions, nous allons poursuivre nos efforts pour le concrétiser.
Ces investissements à l’étranger contribuent à renforcer la sécurité d’approvisionnement de la Suisse : lorsque nos pays voisins disposent de suffisamment d’électricité, notre pays en profite également.
Ne vaudrait-il pas mieux, pour BKW, d'aller financer des projets éoliens à l’étranger, où les procédures rencontrent moins d’obstacles, quitte à importer ensuite cette énergie en Suisse ?
Dans le cadre de sa stratégie « Solutions 2030 », BKW investira environ quatre milliards de francs suisses au cours des six prochaines années dans la transition énergétique, la moitié en Suisse. Dans notre pays, nous comptons investir partout où cela est possible et disposons d’un portefeuille de projets d’environ un milliard de francs.
Toutefois, les projets sont souvent retardés en Suisse par des oppositions et de longues procédures d’autorisation. C’est pourquoi nous finançons aussi des projets à l’étranger. L’Italie, la France et l’Allemagne constituent nos marchés prioritaires. Il s’agit principalement d’investissements dans des parcs éoliens et solaires, ainsi que dans de grandes batteries de stockage. Ces investissements à l’étranger contribuent à renforcer la sécurité d’approvisionnement de la Suisse : lorsque nos pays voisins disposent de suffisamment d’électricité, notre pays en profite également.
Courant septembre, les Chambres fédérales ont adopté la loi visant à accélérer les procédures pour les énergies renouvelables. Est-ce que cela pourrait redonner un peu d’élan à l’éolien en Suisse ?
La Suisse accuse un retard évident par rapport à ses pays voisins dans le développement de l’énergie éolienne. Pour garantir la sécurité d’approvisionnement du pays et produire suffisamment d’électricité en hiver, elle doit pourtant poursuivre l’essor de cette filière.
L’arrêté d’accélération adopté lors de la session d’automne 2025 revêt à ce titre une importance particulière, notamment pour l’éolien. Dorénavant, les installations éoliennes d’intérêt national ne nécessitent plus d’inscription spécifique dans le plan directeur cantonal. Par ailleurs, la loi précise pour la première fois la manière dont doit être conçu le processus d’approbation des plans cantonaux pour de telles installations.
L’un des éléments centraux de cette réforme est la création d’un processus d’approbation concentré au niveau cantonal, ainsi que l’introduction d’une nouvelle règle : pour obtenir une autorisation de projet, il n’est plus nécessaire de présenter les modèles définitifs des installations, mais uniquement leurs dimensions maximales (y compris les aspects énergétiques et écologiques). Cette disposition permet d’intégrer les dernières avancées technologiques au moment du choix final du type d’installation, tout en garantissant le respect des exigences en matière d’utilisation du sol et de protection de l’environnement.
L’accord des communes concernées reste toutefois requis, sauf disposition contraire du droit cantonal. En outre, une base légale relative à la protection juridique des installations éoliennes a été créée : un seuil de recours plus élevé est désormais prévu. Seuls les recours auprès de la juridiction cantonale supérieure sont autorisés contre les nouvelles approbations de plans évoquées ci-dessus. Il reste donc encore à déterminer si cette réforme produira les effets escomptés.
Comment relancer la question éolienne en Suisse ? Comment surmonter les fameux syndromes « NYMBY » (Not In My Backyard) et « BANANA » (Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything) ?
Le peuple suisse s’est à plusieurs reprises clairement prononcé en faveur du développement des énergies renouvelables. Toutefois, sans la volonté de toutes les parties de faire des compromis, une expansion significative de la production d’énergies renouvelables en Suisse n’est pas possible — qu’il s’agisse de l’énergie éolienne ou de l’hydroélectricité. Les procédures d’autorisation et de recours doivent donc être nettement accélérées. À cet égard, l’arrêté d’accélération constitue une étape importante.