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Alors qu'en Europe les esprits changent et que l'idée d'une TVA différenciée selon des critères environnementaux circule dans les hémicycles, Adèle Thorens Goumaz se demande si la Suisse ne devrait pas suivre le mouvement.
Le camion électrique, un mythe qui devient peu à peu réalité
De plus en plus de camions sillonnent les routes nord-américaines et européennes malgré deux problème de fond: leur prix ainsi que le manque d'infrastructures de recharge.
Octobre 2022, c’est la douche froide ! Après un procès d’un mois, Trevor Milton est reconnu coupable d’avoir menti et embelli la situation de son entreprise. La disgrâce du fondateur et patron de la société Nikola aurait pu coûter cher à un secteur de la mobilité tout aussi essentiel que celui des voitures privées : les camions électriques. Mais heureusement, il n’en fut rien.
À l’inverse des ventes actuellement plombées des voitures sans essence, celles des véhicules commerciaux à batterie s’accélèrent. Ce constat provient d’un récent rapport réalisé par Bloomberg NEF (BNEF) dans le but de faire un état des lieux du marché. Pour y parvenir, les experts de l’agence ont pris en compte de multiples facteurs tels que la rentabilité, le nombre de ventes, le taux d’adoption, les politiques de soutien, ou encore les stratégies des constructeurs.
Vague de nouveaux modèles
Premier constat, l’ampleur de la vague n’en est qu’à ses prémices et pourrait vite ressembler à un tsunami. Car pour répondre à l’essor de la demande, toute la branche s’active. Mercedes-Benz, Daimler Truck, Volvo Trucks, Renault Trucks, Iveco (en Italie) ou encore des marques plus jeunes comme Tesla sont en train ou s'apprêtent à inonder le marché de nouveaux modèles.
« l’industrie du camion vit une phase de disruption technologique incroyable », explique Louis-Pierre Geffray, expert de la mobilité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
« Il y a quatre ou cinq ans, il y avait encore de gros doutes sur l’avenir du camion électrique. C’est fini. En 2025, les premiers modèles de 44 tonnes avec 600 kilomètres d’autonomie réelle vont arriver sur le marché, ce sur quoi personne ne pariait il y a encore trois mois. Cette accélération rend la domination des camions électriques inéluctable », explique Louis-Pierre Geffray dans les pages du Monde.
Pour cet expert de la mobilité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), l’industrie du camion vit « une phase de disruption technologique incroyable », une phase renforcée par une évolution favorable de la rentabilité des camions électriques.
La baisse des prix des métaux utilisés dans l’assemblage de batteries, le recours à des produits chimiques moins chers comme le lithium-phosphate de fer (LFP) ainsi que l’augmentation des commandes poussent les prix des engins vers le bas.
Maintenant, il faut être parfaitement honnête : un camion électrique reste plus onéreux que son pendant au diesel, mais la balance s’équilibre. « Malgré les économies engendrées par le moindre prix de l’électricité, le coût total de possession devrait rester encore quelques années autour de 20 % à 30 % supérieur à celui du diesel », précise Denis Benita, ingénieur transport à l’Agence française de la transition écologique (Ademe).
L’électrique détrône l’hydrogène
L’autre évolution essentielle du marché représente un changement de paradigme entre le camion électrique et celui roulant avec une pile à combustible (hydrogène). Les ventes en berne de leur version à hydrogène ont poussé les grands constructeurs à appuyer sur la pédale de frein. « La grande majorité des poids lourds propres vendus sont électriques, les camions à pile à combustible n'occupant qu'une petite partie du marché. Il est encore tôt, mais les groupes motopropulseurs électriques ont déjà pris une avance considérable dans la course », indiquent les analystes de BNEF.
« Dans le trafic de proximité, c'est-à-dire pour les transports routiers régionaux à partir de nos centrales de distribution ou des hubs pour le transport combiné, les avantages des camions à batterie prédominent actuellement », explique Thomas Ditzler, porte-parole de la Coop.
Ces derniers justifient ce déclin par la fenêtre de compétitivité trop étroite des camions à hydrogène en comparaison aux véhicules diesel ou à batterie. « Ils nécessitent des coûts d'hydrogène très faibles (environ 5 dollars par kilogramme) pour coïncider avec les prix élevés du diesel et des prix moyens de l'électricité ».
En Suisse, où les grands distributeurs présentaient en fanfare leurs nouveaux camions à hydrogène il y a quelques années encore, la bascule s’annonce similaire. Coop, qui utilise actuellement 7 camions à pile à combustible et 6 à propulsion électrique, évoque l’entrée en fonction en 2025 de nouveaux modèles… électriques.
Le géant suisse de la distribution n’est toutefois pas aussi catégorique que d’autres. « Pour le trafic de proximité, c'est-à-dire pour les transports routiers régionaux à partir de nos centrales de distribution ou des hubs pour le transport combiné, les avantages des camions à batterie prédominent actuellement. Toutefois, pour les trajets plus longs destinés aux transports interrégionaux et nationaux, nous continuons à voir le potentiel des camions à hydrogène », répond Thomas Ditzler, porte-parole de l’enseigne.
Quant aux biocarburants, même si Coop défend toujours cette solution, ils pourraient rapidement être rangés sur l’étagère des remèdes transitoires. « S’il doit rester une goutte de carburant liquide, elle sera captée par l’aérien et le maritime », prédit Denis Benita.
Encore un long chemin
Si les affaires s’accélèrent, il faut tout de même ajouter que l’électrification de la mobilité commerciale est encore loin d’être une affaire conclue. Il faut s’attendre à une longue et lente transition. Pour preuve, au deuxième trimestre de cette année, les véhicules électriques (et à pile à combustible) ont représenté un peu moins de 2 % des ventes mondiales de poids lourds. La marge de progression reste donc phénoménale.
La réticence de certains à faire cette transition résulte de plusieurs facteurs. Si l’on a déjà mentionné la question du coût élevé à l’achat, il faut aussi souligner le manque flagrant d’infrastructures de recharge. En France, une étude publiée en mars 2024 évoque un besoin de plus de 12 000 bornes nécessaires à la recharge des poids lourds. Aujourd’hui, l’Hexagone n’en compte que quelques dizaines.
Il existe toutefois une solution pour pallier le manque d’infrastructure. Imaginée dans un premier temps par Elon Musk pour la marque Tesla (idée rapidement abandonnée), l'échange de batteries fait son grand retour. C’est du moins le cas en Chine où la moitié des camions vendus cette année sont capables de changer de batterie en plus de la charge rapide standard en courant continu (CC). « Alors que le changement de batteries a du mal à s'imposer sur d'autres marchés, la Chine y parvient », peut-on lire dans le rapport de Bloomberg NEF. Déjà leader mondial dans le camion électrique, cette option devrait maintenir l’Empire du Milieu en pole position au vu des velléités de Pékin d’aboutir à un transport routier source de zéro émission de CO₂.
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