« La Suisse se situe au cœur du système électrique européen… sans vraiment en faire partie. Ce paradoxe risque de nous coûter de plus en plus cher », avertit Dominique Rochat, responsable de projets Energie & infrastructures pour la faitière Economiesuisse.
Les infrastructures permettant d'acheminer l'électricité joueront un rôle essentiel dans le processus de décarbonation. Mais il ne suffira pas de les renforcer : elles devront inclure de nouvelles fonctions et diverses synergies devront être exploitées.
Les ambitions de la Suisse en matière d'hydrogène restent encore trop fragiles
« Pour que l’hydrogène atteigne des niveaux de coûts compétitifs, il faut des politiques de soutien similaires à celles qui ont bénéficié à l'énergie solaire », estime Jean-Luc Favre, président de la Fondation Nomads.
Le 13 décembre 2024, le Conseil fédéral a publié sa « Stratégie hydrogène pour la Suisse », établissant un cadre pour son intégration dans notre système énergétique. Cette dernière prévoit notamment un dispositif en trois phases : dans un premier temps, la mise en place d’infrastructures locales d’ici 2035 ; ensuite, une montée en puissance des importations ; enfin, une intégration complète au marché énergétique européen d’ici 2050.
L’accent est mis sur la production d’hydrogène renouvelable, ainsi que sur son stockage et son utilisation dans la mobilité lourde et l’industrie. Ce plan souligne l’importance de la recherche et du développement, en apportant un soutien aux projets pilotes et aux innovations technologiques.
Premiers pas trop timides
En tant que pilote du Réseau H2 Suisse romande au sein de la Fondation Nomads, nous ne pouvons que saluer cette avancée, qui reconnaît enfin le rôle potentiellement clé de l’hydrogène dans notre transition énergétique. Cependant, cette reconnaissance demeure timide face à la réalité du terrain et aux besoins impératifs d’un déploiement plus rapide et plus ambitieux.
La stratégie du Conseil fédéral établit des principes louables : priorité à la neutralité carbone, intégration au marché européen et développement d’infrastructures. Elle acte aussi la nécessité d’organiser le marché, avec une production locale vouée à réduire toute dépendance aux importations. Toutefois, en y regardant de plus près, cette ambition repose encore sur des bases fragiles.
L’hydrogène n’est pas une simple alternative parmi d’autres ; il représente une solution stratégique au sein du mix énergétique pour garantir notre indépendance énergétique et atteindre nos objectifs climatiques.
Le secteur privé, lui, n’a pas attendu. En Suisse, nous observons un réseau d’acteurs engagés, avec notamment une quinzaine de stations de recharge et plusieurs dizaines de camions à hydrogène en circulation. L’histoire a montré que les grandes infrastructures — qu’il s’agisse du rail, de l’hydroélectricité ou de l’électrification — ne se sont jamais développées sans un soutien significatif de l’État. Or, dans le cas de l’hydrogène, la Confédération semble réticente à octroyer des incitations financières fortes, à l’inverse de l’Union européenne, qui promeut activement ce secteur.
Besoin d'une politique plus ambitieuse
Alors que les énergies fossiles ont bénéficié d'investissements massifs pendant plus d’un siècle, l'hydrogène n'a commencé à attirer des capitaux que très récemment. De plus, ces investissements restent encore largement inférieurs à ceux consacrés aux énergies fossiles. Par analogie, les coûts de production de l'énergie solaire ont aujourd’hui atteint un niveau très compétitif, grâce à un soutien massif des gouvernements depuis plusieurs décennies, y compris en Suisse.
Pour que l’hydrogène atteigne un niveau de coût compétitif, des politiques de soutien similaires à celles ayant favorisé le développement de l'énergie solaire sont nécessaires. Pour rappel, l’hydrogène apparaît actuellement comme le seul vecteur énergétique capable de décarboner des applications où la densité énergétique est cruciale, notamment les transports lourds et l'industrie.
L’hydrogène n’est pas une simple alternative parmi d’autres ; il représente une solution stratégique au sein du mix énergétique pour garantir notre indépendance énergétique et atteindre nos objectifs climatiques. Cependant, pour qu’il puisse jouer pleinement son rôle, la Confédération doit s’engager avec davantage de volontarisme, ce qui implique un soutien financier plus clair, une réglementation cohérente et une volonté politique à la hauteur des enjeux.
À ce stade, nous devons veiller à ce que les objectifs de la « Stratégie hydrogène pour la Suisse » ne restent pas de simples intentions, mais se traduisent en actions concrètes, au service d’une Suisse plus indépendante énergétiquement et plus durable. Le potentiel est là, les acteurs sont prêts, mais sans un cadre favorable, notre pays risque de passer à côté de cette opportunité historique.
« La Suisse se situe au cœur du système électrique européen… sans vraiment en faire partie. Ce paradoxe risque de nous coûter de plus en plus cher », avertit Dominique Rochat, responsable de projets Energie & infrastructures pour la faitière Economiesuisse.
Les infrastructures permettant d'acheminer l'électricité joueront un rôle essentiel dans le processus de décarbonation. Mais il ne suffira pas de les renforcer : elles devront inclure de nouvelles fonctions et diverses synergies devront être exploitées.
Dans un contexte suisse et international marqué par une actualité intense sur les enjeux énergétiques et climatiques, l’occasion est idéale pour un échange approfondi avec Benoît Revaz, directeur de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Entretien.