Deux modèles opposés s’affrontent. D’une part, les réacteurs à forte puissance tels que les EPR, qui misent sur la centralisation de la production avec des unités à forte puissance ; d’autre part, des réacteurs modernes et de petite taille avec une capacité électrique variant entre 10 MW et 300 MW.
« Investir dans les énergies renouvelables s’avère plus rentable que de maintenir le système actuel de subventions aux énergies fossiles. Selon l'ONU, la réduction mondiale de la pollution permettrait d’économiser jusqu’à 4 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030 », explique Jean-Yves Pidoux.
L'hydrogène blanc : une ressource énergétique au potentiel encore sous-estimé
En raison de son rendement élevé et de sa durabilité, l’hydrogène pourrait jouer un rôle important dans la transition énergétique. Outre sa production industrielle, il existe à l’état naturel sous forme de gisements encore peu exploités. Décryptage.
Parmi les différentes sources d’énergie, l’hydrogène se distingue par sa densité énergétique exceptionnelle. Sa combustion libère en effet une énergie trois fois supérieure à celle du propane ou du méthane pour une masse équivalente. En ne produisant que de la vapeur d’eau et aucun dioxyde de carbone, il constitue une alternative propre aux combustibles fossiles, contribuant ainsi à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la lutte contre le changement climatique.
Depuis plusieurs années, l’hydrogène est perçu comme un vecteur énergétique susceptible de jouer un rôle dans la transition énergétique. Bien qu’il puisse, à long terme, alimenter véhicules et avions, son utilisation principale concerne aujourd’hui l’industrie.
Plus précisément, l’hydrogène est employé comme réactif en métallurgie et en chimie, notamment pour la synthèse de l’ammoniac, principalement destiné à la production d’engrais, ainsi que pour la fabrication du méthanol, utilisé entre autres dans la production de plastiques, de vernis et de peintures, mais aussi comme carburant.
« Différents secteurs d’activité sont particulièrement demandeurs en hydrogène, notamment dans les domaines de la métallurgie ou encore de la pétrochimie », précise Jean Gaucher, chargé de développement chez Lavoisier H2 Geoconsult, une société spécialisée dans la prospection de gisements d’hydrogène présent à l’état naturel, aussi appelé hydrogène blanc.
Présente à l’état brut dans le sous-sol terrestre, cette ressource suscite l’intérêt de nombreux acteurs industriels de grande envergure. « Actuellement, ils utilisent principalement de l’hydrogène dont le prix est directement lié aux combustibles fossiles, puisque 90 % de sa production repose sur leur utilisation, en particulier le méthane. Quant aux méthodes alternatives, comme l’électrolyse de l’eau alimentée par une électricité renouvelable, elles restent encore trop coûteuses pour une adoption à grande échelle. D’où l’intérêt pour l’hydrogène naturel, dont le coût serait comparable à celui de l’hydrogène produit à partir de méthane (1 CHF/kg) », explique Jean Gaucher.
« Actuellement, les acteurs industriels utilisent principalement de l’hydrogène dont le prix est directement lié aux combustibles fossiles, puisque 90 % de sa production repose sur leur utilisation, en particulier le méthane », explique Jean Gaucher, chargé de développement de Lavoisier H2 Geoconsult.
Bien que son exploitation soit techniquement envisageable, sa concentration varie selon les gisements, ce qui nécessite d’intensifier les travaux de recherche et de prospection afin d’évaluer précisément leur potentiel et de garantir la rentabilité des projets de forage.
En somme, le développement de l’hydrogène blanc rappelle les premières années d’engouement pour l’exploitation pétrolière. À chaque époque son paradigme énergétique, porté par les ressources découvertes et la demande croissante de l’industrie.
Des gisements encore peu cartographiés
Des réserves naturelles d’hydrogène auraient été repérées en Russie, en Ukraine, à Taïwan, ainsi que dans plusieurs régions d’Afrique. Cependant, leur cartographie précise demeure un défi, nécessitant des investissements publics supplémentaires.
« C'est le cas au sein de l’Union européenne, où seulement deux millions d’euros ont été investis pour la première fois cette année, tandis qu’aux États-Unis, le Département de l’Énergie a déjà injecté 20 millions de dollars dans ce type de projets de prospection en 2024 », ajoute Jean Gaucher.
Les investissements privés, quant à eux, ont dépassé le demi-milliard de dollars aux États-Unis, tandis qu’en Europe, notamment en France, plusieurs start-up se sont lancées dans la course. En témoigne la jeune pousse Vema, qui vient de réaliser une première levée de fonds de 13 millions de dollars, menée par Extantia Capital et Propeller Ventures.
La start-up américaine, dont la filiale française est chargée de toute la R&D, se distingue par une technologie des plus novatrices. Elle développe une approche consistant à stimuler la roche riche en fer en y injectant de l’eau afin d’accélérer la production naturelle d’hydrogène.
Un forage n’affecterait la surface au sol que sur quelques dizaines de mètres carrés, l’hydrogène étant ensuite acheminé par pipeline. DR
Si certaines explorations pilotes existent, elles demeurent marginales à l’échelle mondiale. Le Mali semble être le seul pays à exploiter activement un gisement depuis 2011, à Bourakébougou, près de Bamako. Ce site, découvert fortuitement en 1987 lors d’un forage, produit un gaz composé à 98 % d’hydrogène, permettant d’alimenter le village en électricité propre.
« Bien que modeste par rapport à la demande industrielle, cette exploitation, que l’on peut qualifier d’artisanale, a néanmoins le mérite de démontrer l’utilité et la faisabilité des projets basés sur l’hydrogène naturel », précise encore Jean Gaucher.
« Les premières observations sont prometteuses : des roches riches en fer, favorisant la production d’hydrogène, sont présentes dans les Alpes, notamment dans les Grisons, le Valais et le Tessin. Ces formations résultent de la collision tectonique à l’origine de la chaîne alpine », détaille le chargé de développement de Lavoisier H2 Geoconsult, impliqué dans le projet.
Toutefois, avant d’envisager une exploitation industrielle, il est nécessaire de confirmer la présence de réserves exploitables. Ailleurs dans le monde, cette étape a déjà été franchie, notamment en France (Pyrénées, Lorraine), en Australie et aux États-Unis, où des forages profonds sont en cours.
« Les premières observations sont prometteuses : des roches riches en fer, favorisant la production d’hydrogène, sont présentes dans les Alpes, notamment dans les Grisons, le Valais et le Tessin », explique Jean Gaucher.
Un gisement récemment mis au jour en France pourrait contenir jusqu’à 46 millions de tonnes d’hydrogène, soit près de la moitié de la production mondiale annuelle. Cette découverte a accéléré la révision du code minier français afin de faciliter l’exploration de cette ressource. En Suisse, la question de son encadrement légal relèverait des cantons.
Des enjeux énergétiques et économiques
L’impact environnemental resterait par ailleurs limité. En effet, une fois réalisé, un forage n’affecterait la surface au sol que sur quelques dizaines de mètres carrés, l’hydrogène étant ensuite acheminé par pipeline.
L’hydrogène blanc présenterait enfin des avantages économiques significatifs, sans compter qu’a priori, il pourrait être produit en continu par la croûte terrestre. « Ce point reste à confirmer, mais il semble en effet que, contrairement aux gisements pétroliers, qui résultent de millions d’années d’accumulation dans les bassins sédimentaires ayant capturé du pétrole et du gaz, l’hydrogène blanc soit généré par pulses en fonction de l’hydratation des roches sources enfouies en profondeur, d’où il remonte ensuite vers la surface sous l’effet de la tectonique des plaques, notamment », ajoute le géochimiste Éric C. Gaucher, CEO de Lavoisier H2 Geoconsult.
L’hydrogène blanc représente donc un atout dans le cadre de la transition énergétique mondiale. Sa nature renouvelable et son faible impact carbone en font un candidat pour remplacer progressivement les énergies fossiles. Néanmoins, le développement de cette filière requiert encore des avancées majeures en matière de recherche et d’infrastructures. Une évolution à suivre de près.
Deux modèles opposés s’affrontent. D’une part, les réacteurs à forte puissance tels que les EPR, qui misent sur la centralisation de la production avec des unités à forte puissance ; d’autre part, des réacteurs modernes et de petite taille avec une capacité électrique variant entre 10 MW et 300 MW.
« Investir dans les énergies renouvelables s’avère plus rentable que de maintenir le système actuel de subventions aux énergies fossiles. Selon l'ONU, la réduction mondiale de la pollution permettrait d’économiser jusqu’à 4 200 milliards de dollars par an d’ici à 2030 », explique Jean-Yves Pidoux.