Pionnière de longue date dans l’électrification de sa mobilité, la Ville de Zürich présentait au début de l'été un plan de 13 mesures pour accélérer encore plus sa transition.
« Le véritable défi réside dans la situation politique mondiale et la mobilisation de fonds publics dont nous aurions besoin ailleurs », explique Sabine Döbeli, directrice générale de Swiss Sustainable Finance (SSF).
Électromobilité : et si les Romands s’inspiraient un peu plus du modèle zurichois ?
Pionnière de longue date dans l’électrification de sa mobilité, la Ville de Zürich présentait au début de l'été un plan de 13 mesures pour accélérer encore plus sa transition.
En juin 2025, la Ville de Zurich a publié un « Concept global » sur la mobilité électrique. Celui-ci repose sur la stratégie des « 3V » (Vermeiden, Verlagern, Verträglich gestalten), qui consiste à éviter certains déplacements en favorisant la proximité, à transférer les flux vers des modes de transport plus efficaces et à rendre la mobilité plus compatible avec l’environnement, notamment par l’adaptation des vitesses et la promotion de motorisations respectueuses du climat, en particulier l’électrification.
Pour accompagner cette transition, la municipalité a défini un plan de treize mesures, structuré autour de cinq axes. Elle entend d’abord montrer l’exemple en électrifiant sa propre flotte, puis décarboner le trafic en soutenant les e-taxis, les vélos-cargos et le car-sharing électrique. Elle prévoit également de développer une infrastructure de recharge accessible à tous, de renforcer la communication et la coopération avec les citoyens, les entreprises et le monde de la recherche, et enfin de créer un cadre réglementaire favorable pour accélérer la transition.
De quoi donner un coup d’accélérateur à une mobilité déjà très engagée dans le canton, leader suisse des ventes de véhicules électriques avec près de 25 % des nouvelles immatriculations en 2024. Depuis longtemps, le Canton de Zurich fait figure de pionnier en matière d’électrification des transports. En 2022, la population de la ville a approuvé à 75 % l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2040. Cette ambition s’inscrit dans la stratégie « Espace urbain et mobilité 2040 », qui fixe trois grandes cibles : réduire de 10 % les distances parcourues sur le territoire, diminuer d’au moins 30 % les trajets en voiture individuelle et porter la part des modes de transport durables à 85 % d’ici à 2040.
Face à une telle volonté et à un programme aussi structuré, où en est-on en Suisse romande, et plus particulièrement dans les grandes agglomérations comme Lausanne et Genève ? Y a-t-il matière à s’inspirer des actions zurichoises pour nos propres villes ?
En 2023, les transports représentaient un tiers des émissions de CO₂, majoritairement liées à la voiture individuelle. La mobilité électrique progresse, mais ne comptait en 2024 que pour 4,2 % du parc automobile. Selon Swiss eMobility, la Suisse alémanique devance la Suisse romande et le Tessin en matière de ventes de véhicules électriques. Zurich mène le bal avec 24,9 % des ventes, suivi de Soleure (24,1 %) et de Saint-Gall (23,7 %). En Romandie, le Valais arrive en tête avec 17,9 %, tandis que Genève se situe à 14,3 %.
Ce droit (mais non une obligation) est crucial, car près de 80 % des recharges s’effectuent en milieu privé — domicile ou lieu de travail — selon eMobility. Il devrait ainsi offrir une sécurité juridique longtemps manquante dans les immeubles locatifs ou en propriété par étage. A.R.
Vaud veut plus de bornes de recharge
Dans sa globalité, la tendance en Suisse romande est assez similaire aux ambitions zurichoises. Elle implique ainsi également une réduction de la place de la voiture individuelle au profit des transports publics et le passage à des modes de déplacement respectueux du climat.
« Nous construisons des bornes de recharge pour que les gens achètent une voiture électrique, pas parce qu’ils en possèdent déjà une », explique Gislain Grosjean, chef de projet Énergie durable d’Yverdon.
À Lausanne, le Plan climat publié en 2021 fixe des objectifs précis : réduire les déplacements de 10 % d’ici 2030, développer la mobilité active grâce à de nouveaux axes cyclables et à la piétonisation de secteurs centraux, accroître l’usage des transports publics et ramener la part de la voiture individuelle de 32,8 % en 2021 à 15 % en 2030. La mobilité résiduelle devra, elle, être électrifiée, grâce à la multiplication des bornes de recharge sur l’espace public et à des incitations pour leur installation sur le domaine privé.
Du côté d'Yverdon, la municipalité mise elle aussi sur un maillage dense de bornes publiques, avec près de 130 points de recharge prévus d’ici fin 2025 et 120 supplémentaires à l’horizon 2030. L’objectif affiché est clair : garantir à chaque habitant une borne à moins de 500 mètres de son domicile, soit environ cinq minutes à pied. « Nous construisons des bornes de recharge pour que les gens achètent une voiture électrique, pas parce qu’ils en possèdent déjà une », explique Gislain Grosjean, chef de projet Énergie durable d’Yverdon.
Au niveau cantonal, le modèle de subventions a été revu en mai 2025. Les aides à l’installation de bornes privées ont été supprimées au profit d’un soutien accru aux infrastructures en accès public, notamment dans les parkings, sur voirie ou à proximité des commerces et lieux de loisirs. Le canton finance également les communes qui souhaitent réaliser des études stratégiques pour planifier leurs actions en matière de mobilité électrique.
Toutefois, comme le souligne Geoffrey Orlando, représentant romand de l’association eMobility, « certaines communes hésitent encore à investir dans l’espace public par crainte d’attirer un trafic supplémentaire. À l'inverse, d’autres en font désormais une priorité ».
Remplacer les véhicules thermiques par des modèles électriques ne suffira ni à atteindre la neutralité carbone, ni à résoudre les problèmes de congestion et de partage de l’espace public. @Getty Images Signature/canva
Les spécificités du modèle genevois
À Genève, la conseillère administrative Marjorie de Chastonay rappelle que les communes disposent de compétences limitées en matière de mobilité. La Ville n’agit que sur les réseaux de quartier dits non-structurants et doit, pour le reste, négocier avec le Canton. C’est dans ce cadre qu’elle a adopté en février 2022 une Stratégie climat où la mobilité occupe une place importante.
Comme à Zurich, l’un des axes principaux consiste à électrifier la flotte municipale, avec pour objectif que la moitié des véhicules de la Ville soient électriques d’ici à 2030. Parallèlement, la Municipalité veut renforcer les transports publics pour offrir une alternative crédible à la voiture, tout en développant l’autopartage, le vélo et la marche grâce à l’extension des réseaux cyclables et piétonniers. La Stratégie climat prévoit aussi de réaménager l’espace public, en transformant des places de stationnement en espaces verts ou en zones piétonnes et cyclables. Enfin, la Ville encourage l’électrification du parc privé et vise une réduction de moitié des distances parcourues en voiture d’ici à 2030.
« Avec une proportion de locataires approchant les 82%, taux parmi les plus élevés du pays, il est difficile, malgré notre dispositif de subventions, de lever les préjugés sur l’accès à la recharge à domicile », explique Bernard Gay, chef de projet électromobilité à l’Office cantonal de l’environnement.
La magistrate souligne également que le Conseil d’État a validé en juin un plan directeur communal sur l’électromobilité. Celui-ci rappelle que si l’électrique réduit les émissions, il ne résout pas les problèmes d’espace et de congestion. Le texte précise donc que « le plan climat cantonal et la stratégie climat municipale visent en premier lieu et le plus rapidement possible à donner la priorité aux modes décarbonés qui occupent le moins d’espace possible (marche et vélo) ou qui permettent de transporter un maximum de personnes […]. » L’objectif est ainsi de réduire la part modale de la voiture individuelle de 45 % en 2015 à 23 % en 2030.
Concernant l’installation de bornes de recharge, la stratégie entend « soutenir l’électromobilité tout en poursuivant l’objectif de requalifier et de désencombrer l’espace public […]. L’installation de bornes de recharge sur le domaine public doit être très fortement limitée afin de garantir la cohérence des objectifs. » Marjorie de Chastonay salue à ce titre l’arrivée du « droit à la prise » au niveau fédéral, qui favorise le développement de bornes dans les parkings privés et publics en sous-sol.
En outre, Bernard Gay, chef de projet électromobilité à l’Office cantonal de l’environnement, livre l’analyse suivante sur ce canton pionnier dans la définition d’une stratégie en faveur de l’électromobilité. « Avec une proportion de locataires approchant les 82%, taux parmi les plus élevés du pays, il est difficile, malgré notre dispositif de subventions, de lever les préjugés sur l’accès à la recharge à domicile ».
Le canton compte plus de 880 points de recharge publics dont 400 installés par la Fondation des Parkings et plus de 340 par SIG. Malheureusement ces infrastructures sont peu visibles car largement installées en sous-sol « ce qui renforce l’idée fausse du manque de bornes » au bout du lac. Genève a en outre une autre spécificité : les véhicules hybrides rechargeables représentent 50% du total des véhicules électriques. D’ici à 2030, le canton s'est fixé comme objectif d'atteindre 40 % de véhicules électriques.
Une différence avant tout culturelle
Bien que Zurich fasse figure de leader en matière d’électromobilité, avec des taux d’adoption plus élevés qu’en Suisse romande, les politiques publiques mises en place de part et d’autre de la Sarine apparaissent globalement alignées sur des objectifs communs, en cohérence avec la Stratégie climatique 2050 de la Confédération.
En Suisse alémanique, une plus grande ouverture à l’innovation semble par contre jouer un rôle déterminant, aux côtés de facteurs économiques, politiques ou culturels, dans le rythme d’adoption observé. Ceux qui franchissent le pas reviennent d'ailleurs rarement en arrière, signe que l’enjeu dépasse la technologie pour toucher aux habitudes et à l’acceptation du changement.
L’électromobilité n’est toutefois pas l’alpha et l’oméga des politiques de transport et doit être abordé dans sa globalité. Remplacer les véhicules thermiques par des modèles électriques ne suffira ni à atteindre la neutralité carbone, ni à résoudre les problèmes de congestion et de partage de l’espace public. Les stratégies doivent donc avant tout encourager le report vers les transports publics et les mobilités actives, tout en électrifiant la part résiduelle des trajets motorisés.
« Le véritable défi réside dans la situation politique mondiale et la mobilisation de fonds publics dont nous aurions besoin ailleurs », explique Sabine Döbeli, directrice générale de Swiss Sustainable Finance (SSF).
« Il faut replacer la finance durable dans sa réalité : une démarche de long terme, complexe, parfois frustrante, mais indispensable », estime Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos.