Pollution numérique : mythes et réalités

Avec la multiplication des services numériques, tels que le cloud computing et l’intelligence artificielle, les infrastructures et plateformes digitales génèrent une consommation d’énergie des plus significatives. Décryptage en format « Vrai ou Faux ».

Pollution numérique : mythes et réalités
Pour mettre un terme aux nombreuses idées reçues circulant sur la pollution numérique, nous vous proposons de répondre aux principales questions que se posent les Suisses sous la forme d’un premier « Vrai ou Faux ».

On ne la voit pas, ses effets ne sont pas immédiatement perceptibles, et pourtant, nous la générons tous au quotidien. La pollution digitale constitue en effet une source de préoccupation environnementale de plus en plus inquiétante. Car pour soutenir nos diverses activités en ligne, les datacenters et les serveurs informatiques se multiplient. Ces infrastructures sont très gourmandes en électricité, notamment pour conserver une température basse au sein des vastes espaces où sont stockées nos précieuses données.

La consommation énergétique liée à nos usages numériques atteint désormais des proportions significatives, égalant, voire dépassant, certains secteurs déjà très énergivores, tels que le transport ferroviaire ou aérien. Prenons l'exemple du secteur technologique : afin de répondre à sa demande croissante en énergie, notamment pour alimenter les intelligences artificielles génératives, les géants américains envisagent de s'orienter davantage vers le nucléaire. Ils privilégient notamment les SMR, de petits réacteurs modulaires conçus pour être fabriqués en série.

En Suisse, alors que le pays semble conforter sa réputation de forteresse digitale sur la scène internationale, cette problématique s’avère des plus préoccupantes. À l’échelle nationale, près de 8 % de notre électricité est ainsi consommée par les infrastructures liées à Internet. À titre de comparaison, le secteur ferroviaire en utilise environ 5 %, tandis que l’éclairage public en consomme moins de 1 %.

Alors que les services et contenus en ligne sont disponibles et consommés en continu, il est néanmoins possible d’adopter des gestes simples pour changer la donne, ou du moins minimiser notre impact environnemental. Par ailleurs, certaines solutions énergétiques émergent, permettant notamment de valoriser la chaleur résiduelle émise par les datacenters.

Comme de nombreuses idées reçues circulent sur cette pollution numérique, nous vous proposons de répondre aux principales questions que se posent les Suisses sous la forme d’un premier « Vrai ou Faux ».

Une boîte email pleine consomme-t-elle plus d’énergie qu’une triée et vidée régulièrement ?

Si l’on entend souvent dire que vider régulièrement sa boîte mail fait partie des bonnes pratiques numériques à adopter dans une démarche durable, il s’avère en réalité que cela n’engendre quasiment aucune différence. Au contraire, faire le ménage dans sa messagerie induirait même l’effet inverse puisque cette action requière de l’énergie. «Il vaut en effet mieux ne pas se soucier de cet aspect concernant sa boîte mail», souligne Thomas Jacobsen, porte-parole d’Infomaniak.

En réalité, les e-mails occupent très peu d’espace sur des serveurs qui, dans le cloud, sont en outre mutualisés entre différents clients. En matière de stockage, ce sont surtout les photos et les vidéos qui mobilisent des ressources dans des proportions considérables. « Sans parler du fait que, pour des questions de sécurité, le stockage sur le cloud est toujours dupliqué, voire triplé. Sans le savoir, en stockant des fichiers en ligne, on les stocke en réalité sur deux à trois serveurs dans des datacenters différents », ajoute Thomas Jacobsen.

Concernant la problématique du mailing, les États auraient tout intérêt à se pencher sur la question des messages commerciaux et autres spams envoyés à tout-va pour limiter cette inutile pollution numérique. « Et dans les bonnes pratiques en matière de stockage sur le cloud, on ne peut qu’appeler les utilisateurs à se demander si des images ou vidéos sauvegardées depuis des années sans avoir été consultées valent vraiment la peine d’être conservées. Il existe en effet des quantités énormes de données stockées en ligne qui ne sont jamais consultées et qui pourraient être supprimées sans impact pour leurs propriétaires », souligne le porte-parole d’Infomaniak.

Certains prestataires, notamment dans le domaine de la messagerie, appliquent déjà cette logique en avertissant les utilisateurs inactifs de la suppression de leur compte en cas de non-connexion prolongée. « Chez Infomaniak, nous sensibiliserons bientôt notre clientèle à l’impact environnemental du stockage numérique en leur indiquant l’équivalent CO₂ de leurs produits», ajoute Thomas Jacobsen.

Les centres de données sont-ils autant un gouffre énergétique qu’un atout ?

Avec une centaine de centres de données sur son territoire, la Suisse figure parmi les pays qui en comptent le plus. Pour donner un ordre de grandeur, ces infrastructures couvrent une surface de plus de 150 000 m², soit l’équivalent d’environ 24 terrains de football. À eux seuls, ces datacenters consomment plus de 3,5% de toute l’énergie du pays.

Bien que leur fonctionnement entraîne une consommation d’énergie continue et significative, il est néanmoins possible d’en tirer parti, notamment en valorisant la chaleur qu’ils dégagent pour alimenter des réseaux de chauffage à distance. Différents projets allant dans ce sens ont ainsi vu le jour en Suisse.

Dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates, à Genève, plusieurs bâtiments industriels sont raccordés à un réseau de chauffage à distance, alimenté par la chaleur résiduelle du datacenter de la société d’hébergement Safehost (soit environ 10 mégawatts).

De son côté, Infomaniak vient d’inaugurer un centre de données capable de revaloriser 100 % de son énergie. À pleine puissance, ce dispositif permettra de réinjecter 1,7 MW (14,9 GWh/an) dans le réseau thermique genevois, de quoi chauffer 6 000 foyers Minergie-A à l’année.

Les cryptomonnaies sont-elles vraiment énergivores ?

Les cryptomonnaies sont en effet très énergivores, principalement pour leur « minage », soit les opérations informatiques qui permettent de les générer et de valider les transactions effectuées. Selon le Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index, à l’échelle mondiale, la consommation d'électricité liée au seul bitcoin s’élevait en 2023 à 121 TWh, soit plus du double de la consommation d'électricité suisse, que l'OFEN estimait à 56 TWh pour la même année.

Actuellement, la part d’énergie issue de sources durables consommée par les cryptomonnaies resterait minime. Aux États-Unis, le minage de bitcoins utiliserait ainsi une quantité d’électricité équivalente à la consommation annuelle de cinq millions de foyers.

Les intelligences artificielles (IA) seraient en effet des ogres énergétiques. L’an dernier, Ami Badani, responsable marketing d’ARM, une société britannique spécialisée dans les semi-conducteurs, déclarait au Temps qu’utiliser ChatGPT pour une requête nécessite « 15 fois plus d'énergie qu'une recherche traditionnelle sur le web ».

Outre l’électricité, il convient de souligner que les IA, comme l’ensemble des services numériques en ligne, consomment également beaucoup d’eau. Pour quelles raisons ? Principalement pour refroidir les centres de données, en fonctionnement continu. À titre de comparaison, des plateformes d’IA comme ChatGPT ou Bard utilisent davantage d’eau qu’une simple recherche sur Internet.

D’après une prépublication de l’université de Riverside, en Californie, un court échange avec ChatGPT consommerait environ 50 cl d’eau, soit l’équivalent d’une petite bouteille en plastique. Avec près de 1,5 milliard d’utilisateurs mensuels, on mesure rapidement l’ampleur du problème.

L’IA représente-t-elle autant un gouffre énergétique qu’un atout pour décarboner notre société ?

Malgré leur consommation d’énergie des plus significatives, les IA peuvent jouer un rôle clé dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’optimisation des chaînes de production industrielle, notamment grâce à la maintenance prédictive, ou encore celle de l’agriculture via des analyses météorologiques plus précises, en sont quelques exemples.

Appliquée aux bâtiments, l’IA permet d’analyser une multitude de données en temps réel afin d’optimiser leur efficacité énergétique. Température intérieure et extérieure, données météorologiques ou encore habitudes et préférences des occupants en matière de confort thermique sont ainsi prises en compte, sans oublier les caractéristiques du bâtiment, telles que son isolation ou son orientation.

Un exemple avec la start-up fribourgeoise YORD. Cette dernière a développé une solution capable d’analyser le comportement thermique des bâtiments. Son objectif : optimiser les réglages des systèmes de chauffage afin de réduire le gaspillage, qui représente, à l’échelle du parc immobilier suisse, 3,2 millions de tonnes de CO₂ et un coût annuel de 2,6 milliards de francs.

« Notre technologie repose sur des algorithmes exploitant les données recueillies par nos capteurs sans fil placés à l’intérieur des bâtiments, ainsi que sur les prévisions météorologiques », explique Sébastien Bron. Directeur de la jeune pousse, Directeur de la jeune pousse, il ajoute qu’en combinant ces informations, « son système peut anticiper la dynamique thermique du bâtiment et ajuster automatiquement les paramètres du chauffage ». En moyenne, une installation équipée de ce dispositif permet une économie d’énergie de 23,8 %.

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