SwissPowerShift : Avenir et fêtes de fin d'année
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Coup de théâtre et signe des temps: la conférence internationale convoquée à Busan en Corée du Sud sur ce sujet s’est terminée au petit matin du 2 décembre 2024 sur un échec.
Emblématiques de l’irresponsable insouciance de notre société de consommation, les matières plastiques ont littéralement envahi le monde en quelques décennies. Plus rien n’échappe à leur omniprésence. Certes, le plastique est commode à l’emploi, léger, adaptable à d’innombrables usages (d’où son nom). Mais cette facilité est cher payée.
Le plus grand problème est la propension des matières plastiques à devenir très rapidement des déchets – et leur très longue persistance dans la nature. Car si le plastique est pratique, il est très peu solide à l’usage. Déchiré ou cassé, il est quasiment irréparable. Et sur le demi-milliard de tonnes de matières plastiques produites par an, les deux tiers sont à usage unique (emballages, etc.). Selon le type de plastique, sa dégradation chimique prend des décennies, voire des siècles ; durant ce temps, il s’émiette en morceaux toujours plus petits.
Dans le monde, 350 millions de tonnes de matières plastiques sont jetées par an ; moins de 20 % sont incinérées et seulement 10 % recyclées, avec bien des limites et difficultés : le plastique est certainement la matière la moins apte au recyclage, vu aussi la grande diversité de ses formules chimiques, comprenant fréquemment des composés écotoxiques.
On estime que 19 à 23 millions de tonnes de plastique finissent dans les lacs, les fleuves et les océans chaque année.
La moitié de cette masse énorme est déversée dans des décharges, 20 % partent directement dans l’environnement, comme par exemple les particules émises par l’abrasion des pneus. Et comme bien des décharges sont à l’air libre, on retrouve des déchets tout alentour jusque dans les branches des arbres. On estime que 19 à 23 millions de tonnes de plastique finissent dans les lacs, les fleuves et les océans chaque année ; « Le Monde » du 29 novembre 2024 signale que 229 000 tonnes de matières plastiques sont déversées chaque année dans la Méditerranée.
Les déchets plastiques, de toutes tailles, sont aujourd’hui partout : sur les champs, en pleine nature, dans l’air, les sols et l’eau. Les sables des plages en sont parsemés et ils recouvrent de vastes surfaces des océans, où les organismes marins les avalent.
Les pires sont sans doute les microplastiques, voire les nanoplastiques ; mesurant moins de 5 mm et souvent invisibles à l’œil nu, ils se retrouvent dans les chaînes alimentaires et dans notre nourriture. L’ONU indiquait en juin 2023 « que chaque personne sur la planète consomme plus de 50 000 particules de plastique par an ». Représentant 8 à 10 % de la production de pétrole, le plastique en partage la malédiction : plastique et pétrole ont partie liée. Ils sont aussi toxiques l’un que l’autre.
Depuis quelques années, un traité sur les matières plastiques est discuté au sein des Nations Unies. Sachant que l’industrie pétrochimique prévoit d’en tripler la production d’ici 2060, il est crucial de réduire les quantités et la diversité des plastiques mises en circulation. Mais les producteurs de ces matières ne l’entendent pas de cette oreille.
Tout récemment, on pensait aboutir à un consensus. Coup de théâtre et signe des temps : la conférence internationale convoquée à Busan, en Corée du Sud, sur ce sujet s’est terminée au petit matin du 2 décembre 2024 sur un échec. Alors que jusque-là, dans ces rassemblements internationaux, on s’appliquait à définir au moins les grandes lignes d’un consensus possible, à tracer des avancées à préciser par la suite, ici pour la première fois, on assume ouvertement qu’on n’y est pas arrivé.
Ce qui s’est passé à Busan est extrêmement préoccupant car cela pourrait préfigurer l’enlisement des discussions sur le climat.
Tout se passe comme si les producteurs de plastique, dos au mur, minoritaires dans les enceintes internationales, se débarrassaient désormais de tout double langage pour affronter directement, voire narguer, la grande majorité des pays favorables à une action à la source et à une limitation de la production.
S’appuyant sur le principe onusien de l’unanimité et le détournant - car il suppose un minimum de bonne volonté pour aboutir à des solutions à la hauteur du problème - l’Arabie Saoudite, le Koweït, l’Iran, la Russie et la Chine (bientôt rejoints par les États-Unis de Trump) n’ont eu aucun scrupule à bloquer les processus qui pourraient gêner leur modèle d’affaires. Que ce modèle mette à feu et à sang la planète entière leur importe peu.
Alors qu’on en connaît parfaitement les limites, ils ne cessent de brandir la fausse piste du recyclage du plastique et demandent candidement par quoi on pourrait remplacer ces matières ! Comme si vivre sans plastique était un enfer, alors que c’est bien le contraire qui est vrai. À l’heure de l’économie circulaire, plus aucune matière non recyclable, plus aucun objet non réparable ne devraient être tolérés.
Ce qui s’est passé à Busan est extrêmement préoccupant car cela pourrait préfigurer l’enlisement des discussions sur le climat. Depuis que, voici une année, fut arraché à la COP 28 l’accord de « transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, de manière juste, rationnelle et équitable », le lobby du fossile a apparemment juré de ne plus s’y laisser prendre. Il faut dire que les bénéfices des producteurs de pétrole s’élevaient en 2023 à 2000 milliards de dollars, somme colossale pour laquelle ils sont visiblement prêts à laisser partir en fumée la planète entière.
Alors que nous reste-t-il à faire pour éviter ce sombre destin ? Et si nous nous laissions inspirer par l’action de Gandhi, au printemps 1930, lorsque la puissance coloniale britannique voulait taxer le sel ? Sa réponse était aussi simple qu’efficace : à son appel, de longues colonnes humaines se mirent en marche vers le rivage pour y extraire le sel gratuit de la mer. Sur ce modèle, on pourrait imaginer un mouvement de boycott du plastique et du pétrole : si chaque personne, chaque entreprise, chaque collectivité publique faisait en sorte d’en employer chaque année 10 % de moins - en dix ans, on en aurait fini avec le plastique !