« Ce n’est qu’en levant tous les obstacles que l’on pourra démocratiser l’électromobilité »

Si la motion un « droit à la prise » est perçue positivement, « il ne faut pas crier victoire trop vite, car elle doit encore être promulguée, et surtout, sa mise en œuvre devra être pragmatique et concertée », estime Geoffrey Orlando, responsable Suisse romande de Swiss eMobility.

« Ce n’est qu’en levant tous les obstacles que l’on pourra démocratiser l’électromobilité »
Geoffrey Orlando, responsable Suisse romande de Swiss eMobility.

En juin 2025, le Parlement suisse a adopté une motion importante visant à faciliter l'installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les immeubles collectifs. Cette motion instaure un « droit à la prise » : les locataires et copropriétaires pourront faire installer une borne de recharge sur leur place de stationnement, à leurs frais, sauf en cas d’obstacles techniques ou de sécurité.

L’objectif est clair : lever les freins juridiques et pratiques qui ralentissent l’adoption de la mobilité électrique en Suisse, notamment pour les millions de personnes vivant en habitat collectif. La mesure répond aussi à des impératifs climatiques, alors que la Suisse vise la neutralité carbone d’ici 2050. On parle de ce texte et des enjeux qu'il représente avec Geoffrey Orlando, responsable Suisse romande de Swiss eMobility. Interview

L’acceptation de cette motion signifie-t-elle que les blocages – notamment politiques – autour de la mobilité électrique sont enfin levés ?

Il s’agit d’un signal extrêmement positif, mais il ne faut pas crier victoire trop vite. Certes, la motion a été adoptée, mais cela ne signifie pas que la loi est déjà en vigueur. Elle doit encore être promulguée, et surtout, sa mise en œuvre devra être pragmatique et concertée pour produire les effets attendus.

Nous espérons qu’elle permettra enfin de débloquer des situations trop rigides, en particulier pour les locataires et les copropriétaires. Jusqu’à présent, ces derniers étaient souvent laissés pour compte, freinés par des démarches complexes, des refus injustifiés ou des coûts prohibitifs liés à l’installation d’une borne de recharge à domicile. Ce n’est qu’en levant ces obstacles que l’on pourra réellement démocratiser l’électromobilité.

Pensez-vous que cette loi permettra aux ventes de véhicules électriques de repartir à la hausse ?

Les ventes de véhicules électriques connaissent déjà un regain cette année, ce qui est rassurant. Mais il faut garder à l’esprit que la Suisse reste encore loin derrière les marchés les plus avancés comme la Norvège ou les Pays-Bas, où l’électrique domine déjà largement les ventes.

Chez nous, l’un des principaux freins demeure l’infrastructure de recharge privée. Or, plus de 80 % des recharges s’effectuent à domicile ou sur le lieu de travail. Quand les gens n’ont pas de solution simple pour recharger leur véhicule là où ils vivent, ils renoncent souvent à franchir le pas, même s’ils sont convaincus par les avantages de l’électrique. Cette loi pourrait lever ces obstacles, à condition qu’elle soit mise en œuvre de manière ambitieuse et efficace.

Quels sont les freins qui limitent encore le passage à l’électromobilité en Suisse ?

Ils sont multiples. Il y a d’abord les obstacles pratiques, comme nous l’avons évoqué : absence de borne de recharge à domicile, difficulté à convaincre une régie ou une copropriété, coût d’acquisition encore perçu comme élevé, malgré les économies à l’usage.

Mais il existe également des freins culturels. De nombreuses personnes ont encore en tête des clichés négatifs sur la voiture électrique : autonomie insuffisante, réseau de recharge peu développé, batteries polluantes ou à faible durée de vie… Des clichés largement dépassés aujourd’hui. Pourtant, ces préjugés continuent d’influencer les décisions en matière de mobilité.

Ce que nous constatons, c’est que plus les gens sont informés de manière factuelle, plus ils révisent leur opinion. Lorsqu’on leur explique concrètement ce qu’est une voiture électrique moderne, comment elle se recharge, ce qu’elle coûte réellement sur l’ensemble de son cycle de vie et les économies qu’elle permet, l’adhésion devient bien plus forte.

Maintenant que les fameux « early adopters » ont franchi le pas, quelles mesures supplémentaires seraient nécessaires pour convaincre le reste de la population ?

Pour le grand public, il faut que l’offre soit mature, sans friction. Aujourd’hui, nous nous en approchons : les véhicules sont performants, les prix baissent et le réseau de recharge continue de s’étoffer. Il ne manque que la levée de derniers verrous, notamment dans le logement collectif.

Il est également essentiel d’accompagner cette transition par davantage de pédagogie : partager des témoignages d’utilisateurs, expliquer les bénéfices économiques concrets, mettre en avant les gains pour la santé publique et le climat. Enfin, les collectivités peuvent jouer un rôle moteur en électrifiant leurs flottes, en soutenant les infrastructures partagées, ou encore en accordant des avantages spécifiques aux véhicules à faibles émissions.

Nous avons aujourd’hui tous les ingrédients pour réussir cette transition, comme le montrent les pays pionniers. Il ne manque plus qu’un effort collectif pour franchir la dernière marche.

Nous avons aujourd’hui tous les ingrédients pour réussir cette transition, comme le montrent les pays pionniers. Il ne manque plus qu’un effort collectif pour franchir la dernière marche.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que les voitures – qu’elles soient électriques ou thermiques – restent avant tout des amas d’acier polluants, et que l’on manque l’occasion de promouvoir une mobilité plus légère et proche d'une Microlino ?

C’est une critique légitime, que nous comprenons. Il est vrai que la meilleure voiture pour la planète est celle que l’on n’utilise pas. Il est donc essentiel de promouvoir les mobilités douces : transports publics, vélo, marche, ou encore véhicules ultracompacts comme la Microlino. Ces solutions doivent toutes avoir leur place.

Cela dit, la voiture individuelle reste profondément ancrée dans les habitudes et dans les besoins quotidiens de nombreuses personnes, en particulier dans les zones rurales ou périurbaines. Et ceux qui en dépendent ne sont pas nécessairement les plus favorisés.

Plutôt que de rêver d’un monde sans voitures, il est plus réaliste et urgent de faire en sorte que celles qui roulent soient aussi propres et efficaces que possible. Une voiture électrique, alimentée par des énergies renouvelables, conçue pour durer et dont la batterie peut être recyclée, représente une solution de compromis très puissante. C’est un levier concret et immédiat pour réduire notre empreinte carbone à grande échelle.

À quel point le basculement de la Suisse vers une mobilité 100 % électrique est-il nécessaire dans sa stratégie carbone ?

C’est une étape absolument essentielle. Le transport représente aujourd’hui la première source d’émissions de CO₂ en Suisse, en grande partie à cause des voitures à moteur thermique. La seule manière réaliste de décarboner ce secteur est d’électrifier l’ensemble du parc automobile aussi rapidement que possible.

L’électromobilité est la seule technologie à la fois disponible, scalable et véritablement compatible avec une stratégie bas carbone. Elle est aussi extrêmement efficace du point de vue énergétique : un moteur électrique consomme trois à quatre fois moins d’énergie qu’un moteur à combustion pour une distance équivalente.

Et ses bénéfices ne se limitent pas au climat. C’est aussi un gain économique à long terme, tant pour les particuliers que pour le pays tout entier : réduction des importations de pétrole, production d’électricité locale, amélioration de la qualité de l’air et diminution des nuisances sonores. C’est une transformation positive à tous les niveaux.

En d’autres termes, la recharge bidirectionnelle fait de la voiture électrique un acteur actif du système énergétique, et non plus un simple consommateur.

Pensez-vous qu’il faudrait désormais exercer une pression plus forte pour encourager l’installation de dispositifs de recharge bidirectionnelle ?

Oui, absolument. La recharge bidirectionnelle est une technologie extrêmement prometteuse, encore largement sous-estimée aujourd’hui. Elle permet non seulement de recharger un véhicule, mais aussi de restituer de l’électricité au réseau lorsque cela est nécessaire.

C’est un moyen intelligent de valoriser les batteries existantes en les transformant en unités de stockage distribuées. Selon une étude de l’EPFZ, cette technologie pourrait permettre à la Suisse d’économiser jusqu’à 6,5 milliards de francs en évitant des investissements massifs dans les infrastructures électriques. Elle faciliterait également l’intégration de l’énergie solaire produite localement, en stockant l’électricité dans les véhicules pendant la journée pour la restituer en soirée.

En d’autres termes, la recharge bidirectionnelle fait de la voiture électrique un acteur actif du système énergétique, et non plus un simple consommateur. Elle dispose donc d'un potentiel formidable pour accélérer la transition énergétique de manière décentralisée, souple et efficace.

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