L’échange de batteries : une solution d’avenir ou un mirage technologique ?

Abandonné par Tesla une décennie plus tôt, l'échange de batterie n'a pas encore dit son dernier mot. Le système fait son retour en Occident par l'entremise de constructeurs chinois comme Nio ou le roi de la batterie, le géant CATL.

L’échange de batteries : une solution d’avenir ou un mirage technologique ?
En Chine, l’échange de batteries est restée une piste sérieuse pour l’avenir de la mobilité électrique.

Le 21 juin 2013, une vidéo fait grand bruit autour de Tesla. Elon Musk y dévoile en grande pompe un projet de station permettant de remplacer la batterie de la Model S en environ 90 secondes. Le patron de la marque américaine s’amuse alors de pouvoir « swaper » deux de ses véhicules le temps qu’un plein d’essence s’effectue sur une voiture thermique mise en parallèle.

Après l’ouverture d’une première station et deux années de tests, Tesla finit par tirer la prise — non seulement pour des raisons de coût, mais aussi par manque d’intérêt des clients. « C'est juste que les gens ne se soucient pas de l'échange de batteries. Les superchargeurs sont suffisamment rapides [...] et [ils sont] gratuits. Alors, pourquoi faire un échange de packs ? Cela n'a pas beaucoup de sens. [...]. Et sur la base de ce que nous voyons ici, il est peu probable que ce soit quelque chose qui vaille la peine d'être développé à l'avenir, à moins que quelque chose ne change », expliquait-il au magazine américain « Road & Track ».

Le 21 juin 2013, une vidéo fait grand bruit autour de Tesla. Elon Musk y dévoile en grande pompe un projet de station permettant de remplacer la batterie de la Model S en environ 90 secondes.

Sans Tesla, la technologie a donc été provisoirement enterrée dans les pays occidentaux. Mais ce ne fut pas le cas partout dans le monde — en particulier en Chine. Dans l’Empire du Milieu, l’échange de batteries est restée une piste sérieuse pour l’avenir de la mobilité électrique. Le pionnier Nio, notamment, a poursuivi ses investissements dans ce domaine et commence même à déployer sa technologie en Europe, avec déjà 60 stations d’échange d’énergie opérationnelles en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède et au Danemark.

« L'échange de batteries — consistant à remplacer des cellules épuisées par des cellules entièrement chargées — possède un énorme potentiel en Europe », estime Jiang Li, secrétaire du conseil d'administration de CATL.

Les ambitions du géant chinois CATL

Vers la fin du mois de juin, un autre acteur — encore chinois — a annoncé des projets de grande envergure, renforçant le potentiel du concept d’échange de batteries avait bel et bien un avenir. Il s’agit de CATL, le plus grand fabricant mondial de batteries pour véhicules électriques.

Introduit en bourse à Hong Kong en mai, CATL ambitionne de construire 1 000 stations d’échange de batteries d’ici la fin de l’année en Chine, et 10 000 dans les trois prochaines années. « Nous pourrons ensuite copier le modèle économique en Europe et dans d'autres régions », a expliqué Jiang Li au Financial Times.

Secrétaire du conseil d'administration de CATL, il estime que l’échange de batteries — consistant à remplacer des cellules épuisées par des cellules entièrement chargées — possède un « énorme potentiel » en Europe, notamment pour rendre les batteries plus abordables et plus durables. Mais À ce stade, aucune échéance concrète n’a été communiquée par le géant chinois.

Pour Numerama, la journaliste spécialisée Raphaëlle Baut estime que cette annonce relève surtout d’un ballon d’essai, destiné à sonder le terrain : « Nous sommes dans la déclaration d’intention, pas encore dans une phase de déploiement concrète. L’Europe reste un marché stratégique, mais il est probable que CATL cherche d’abord à consolider cette activité en Chine, plutôt qu’à révolutionner la recharge dès demain partout dans le monde », explique-t-elle.

Le pionnier Nio, notamment, a poursuivi ses investissements dans ce domaine et commence même à déployer sa technologie en Europe, avec déjà 60 stations d’échange d’énergie opérationnelles en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Suède et au Danemark.

Solution de niche ou modèle généralisable ?

En creusant un peu, on constate que les avis divergent quant au potentiel de l’échange de batteries. Sur LinkedIn, le professeur français Xavier Blot expose les raisons qui le poussent désormais à croire en ce modèle : « Je pense que ce modèle est extrêmement utile pour assurer la circularité vitale du secteur ».

Selon lui, ce système améliore la durabilité des batteries grâce à un entretien centralisé, tout en facilitant leur réutilisation et leur recyclage. Il permet également une adoption rapide des nouvelles technologies, sans nécessiter le remplacement du véhicule. En parallèle, il contribue à optimiser la gestion du réseau électrique, en lissant la demande et en transformant les stations d’échange en hubs de stockage d’énergie.

À l’inverse, Geoffrey Orlando se montre plus réservé, considérant cette technologie davantage comme une solution de niche que comme un modèle généralisable. « Dans le contexte européen et suisse, cette solution reste peu réaliste à grande échelle pour plusieurs raisons. Premièrement, les constructeurs n’ont pas adopté de normes communes pour les batteries interchangeables. Ensuite, les coûts d’infrastructure restent très élevés pour un usage encore limité. Enfin, les progrès rapides de la recharge ultra-rapide rendent le concept moins pertinent », explique le responsable de la Suisse romande chez Swiss eMobility.

« Grâce à nos échanges de batteries en cinq minutes, nous éliminons les temps d’arrêt, permettant à Free2move de maintenir ses véhicules en service, ses clients en mouvement et ses opérations pleinement actives », assure Khaled Hassounah, PDG d’Ample.

Un modèle encore fragile économiquement

Le principal défi reste la rentabilité des infrastructures nécessaires à l’échange de batteries. À ce stade, les stations de Nio doivent encore faire leurs preuves, non seulement en Chine, mais surtout en Europe, où le faible nombre de véhicules Nio en circulation pose problème. Le constructeur chinois est actuellement l’un des rares acteurs du marché à proposer réellement des modèles conçus pour ce type d’échange.

Dans une analyse, BNP Paribas estimait que le modèle ne deviendrait économiquement viable qu’en cas de forte hausse de la demande, avec au moins un tiers des conducteurs de véhicules électriques prêts à adopter cette solution. La marge de progression reste donc importante, même si l’annonce de CATL pourrait agir comme un électrochoc.

En Europe, les mentalités évoluent rapidement. Le groupe Stellantis a notamment lancé une phase de test en Espagne avec la marque Fiat. En collaboration avec les entreprises Free2move et Ample, le constructeur italien y expérimente une flotte de 40 Fiat 500e.

« Pour les flottes d’autopartage, chaque minute passée hors de la route représente une perte de revenus. Nous nous engageons à assurer une transition fluide vers l’électrique pour Free2move — non seulement en théorie, mais aussi dans les opérations quotidiennes. Grâce à nos échanges de batteries en cinq minutes, nous éliminons les temps d’arrêt, permettant à Free2move de maintenir ses véhicules en service, ses clients en mouvement et ses opérations pleinement actives », expliquait Khaled Hassounah, PDG d’Ample, dans un communiqué.

Avec des sociétés comme Battery Smart en Inde ou l’entreprise taïwanaise Gogoro, le système d’échange de batteries semble particulièrement prometteur pour les véhicules de petite taille, à deux ou trois roues. « Leurs conducteurs ne veulent pas attendre une charge complète et leurs batteries ont l'avantage d'être petites et faciles à remplacer », expliquait au FT Heather Thompson, directrice générale de l'Institute for Transportation and Development Policy, une organisation à but non lucratif basée à New York.

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